Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 février 2016, et un mémoire enregistré le 27 janvier 2017, MmeB..., représentée par la SCP Germain Phion et Santoni, avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2015 ;
2°) de condamner la commune de Grenoble à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de son licenciement ;
3°) de la renvoyer devant la commune de Grenoble pour le calcul, la liquidation et le paiement de son indemnisation à compter de son éviction irrégulière du 5 juin 2003 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Grenoble une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas statué sur sa demande d'indemnisation au titre de la rémunération dont elle a été privée à compter de son éviction irrégulière ;
- son licenciement pour inaptitude physique à l'issue de son stage est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Grenoble ;
- en lui proposant de la nommer en qualité de stagiaire, qui plus est selon une quotité horaire moindre, alors que l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 septembre 2010 impliquait sa réintégration et sa titularisation, la commune a également commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- il est résulté de son éviction irrégulière une grande instabilité professionnelle et une minoration de ses droits à retraite futurs justifiant une réparation à hauteur de 10 000 euros ;
- les fautes commises par la commune sont à l'origine d'un préjudice moral qui doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;
- elle est fondée à demander à percevoir une indemnité correspondant à la rémunération dont elle a été privée à compter de son éviction irrégulière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 23 mars 2018, lequel n'a pas été communiqué, la commune de Grenoble, représentée par Me Mollion, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle a procédé à la réintégration de Mme B...;
- cette dernière n'établit pas la matérialité des préjudices qu'elle aurait subis.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public.
1. Considérant que Mme B...a été recrutée par la commune de Grenoble le 7 février 2000 en qualité d'agent d'entretien non titulaire à temps non complet ; qu'elle a été nommée stagiaire le 1er septembre 2002 en cette même qualité par arrêté du 6 décembre 2002 ; que, par un arrêt du 9 septembre 2010, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé l'arrêté du 5 juin 2003 par lequel le maire de Grenoble l'a licenciée pour inaptitude physique à l'échéance de son stage ; que Mme B...relève appel du jugement du 29 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction illégale et du défaut de réintégration ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'arrêt n° 08LY02608 du 9 septembre 2010 de cette cour que la décision du maire de la commune de Grenoble de procéder au licenciement de Mme B...à l'issue de son stage a été annulée, motif pris que cette autorité avait commis une erreur d'appréciation en estimant que l'intéressée présentait une inaptitude définitive à ses fonctions ; que cette éviction illégale est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Grenoble ouvrant au profit de Mme B...droit à l'indemnisation des préjudices directs et certains qui en ont résulté pour elle ;
3. Considérant, en second lieu, que si la nomination dans un corps en tant que fonctionnaire stagiaire confère à son bénéficiaire le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui confère aucun droit à être titularisée ; que MmeB..., qui n'avait fait l'objet d'aucune décision de titularisation et ne tirait pas de l'arrêt mentionné ci-avant un droit à être titularisée, avait la qualité de stagiaire à la date à laquelle la commune a décidé de la licencier ; qu'il résulte de l'instruction que la commune a procédé à sa réintégration le 14 mars 2011 et l'a nommée sur un poste d'adjoint technique de 2ème classe stagiaire à temps non complet ; que Mme B...ne s'est pas rendue aux rendez-vous qui lui ont été fixés par la commune et n'a pas répondu aux courriers qu'elle lui a adressés en vue de sa reprise de fonction ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui proposant de la nommer en qualité de stagiaire alors que l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 septembre 2010 impliquait, selon elle, sa réintégration et sa titularisation, la commune aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :
4. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;
5. Considérant que Mme B...soutient que depuis son licenciement et malgré une recherche active d'emploi, elle n'a pu bénéficier que d'un engagement, certes à durée indéterminée, mais à temps partiel à compter du 1er avril 2007 et jusqu'en mars 2011, que cette situation a créé une grande incertitude dans son quotidien durant plusieurs années et qu'en raison de cette situation professionnelle précaire, les conditions de sa future retraite s'en trouvent affectées ; qu'elle se prévaut d'un préjudice professionnel et financier, au titre duquel elle demande le versement d'une indemnité correspondant à la rémunération dont elle a été privée à compter de la date de son licenciement illégal, lequel a pris effet le 31 août 2003, et d'un préjudice moral, en réparation desquels elle demande une indemnité de 20 000 euros ; qu'elle se borne à produire un document de synthèse faisant état du montant de ses revenus imposables entre 2001 et 2011, un avis d'imposition sur les revenus de 2010 et un extrait de son livret de famille indiquant qu'elle a trois enfants, au demeurant majeurs ; qu'il ne résulte pas de ces documents que ses revenus auraient diminué à la suite de son licenciement ; que, par suite, en l'absence de préjudice certain, les conclusions indemnitaires de Mme B...doivent être rejetées ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...la somme que demande la commune de Grenoble en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grenoble, qui n'est pas partie perdante, la somme que demande Mme B...au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Grenoble tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et à la commune de Grenoble.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président-assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
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N° 16LY00701
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