Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 février 2016, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Entre Champs et Forêts ", représenté par Me Bertrand-Hébrard, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de Mme D...;
3°) de mettre à la charge de Mme D...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la demande était recevable ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision du 12 novembre 2012 en tant qu'elle refuse la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D... est légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2016, Mme D...conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'EHPAD " Entre Champs et Forêts " en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Bertrand-Hebrard représentant l'EHPAD " Entre Champs et Forêts " ;
1. Considérant que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Entre Champs et Forêts " relève appel du jugement du 2 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, sur la demande de MmeD..., recrutée par l'établissement en qualité d'aide-soignante en 1996 puis titularisée en qualité d'animatrice le 1er août 2011, annulé la décision du 12 novembre 2012 de la directrice de l'EHPAD la plaçant en congé de longue durée à compter du 27 octobre 2011 pour une durée de quinze mois en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de l'ensemble des arrêts de travail prescrits à Mme D...à compter du 27 octobre 2011 et a mis à la charge de l'établissement une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si Mme D...a donné son accord à son placement en congé de longue durée pour une durée de quinze mois à compter du 27 octobre 2011, elle a expressément conditionné cet accord à la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail à compter du 26 octobre 2011 ; que la décision en litige, dans la mesure où elle est silencieuse sur ce point, refuse implicitement mais nécessairement cette reconnaissance ; qu'elle fait donc grief à Mme D...dans cette mesure, alors même que cette dernière a bénéficié d'un plein traitement pendant toute la période d'interruption de son activité, a conservé l'ensemble de ses droits à avancement et à retraite et a été affectée, à l'issue de son congé, dans son précédent emploi ; que, par suite, le moyen selon lequel le tribunal administratif de Lyon aurait, à tort, considéré que la demande de Mme D... était recevable en tant qu'elle était dirigée contre le refus implicite de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail à compter du 27 octobre 2011 doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision du 12 novembre 2012 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme D...à compter du 27 octobre 2011 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. que le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ; (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. (...). " ; que le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ;
4. Considérant que, le 12 octobre 2011, Mme D...a adressé à l'EHPAD " Entre Champs et Forêts " de Marlhes, son employeur, une déclaration d'accident de service ; que l'établissement a reconnu l'imputabilité au service de l'arrêt de travail dont elle a fait l'objet du 12 au 26 octobre 2011 ; que, s'il a, par la décision en litige de sa directrice prise le 12 novembre 2012, placé l'intéressée en congé de longue durée pour quinze mois à compter du 27 octobre 2011, il n'a, toutefois, conformément aux avis émis par la commission de réforme les 4 mai 2012 et 5 octobre 2012, pas reconnu l'imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs au 26 octobre 2011 ; qu'il ressort des expertises des deux médecins désignés par l'EHPAD et par la commission de réforme que le premier a estimé " incontestable " l'origine professionnelle de l'affection présentée par MmeD..., sous réserve que la matérialité de l'accident soit reconnue et, que le second a estimé possible l'imputabilité au service, étant précisé que l'intéressée avait présenté un premier épisode dépressif en 1993 ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 10 octobre 2011, a été affiché dans la salle du personnel le compte rendu du comité technique d'établissement (CTE) réuni le 19 septembre 2011, dont un paragraphe met en cause le travail et le comportement de Mme D... ; que, le 12 octobre 2011, cette dernière a appris que la secrétaire chargée de la gestion du personnel avait proposé son poste à un cuisinier ; qu'en réaction à ces deux événements, Mme D...a manifesté une décompensation psychique qui est directement à l'origine de son arrêt de travail du même jour ; que, si l'accident subi en service le 12 octobre 2011 s'inscrit dans un contexte de tensions entre Mme D...et la cadre de santé de l'établissement, qui sont attestées par les pièces du dossier, et notamment les fiches de notation pour 2007 et 2008 ainsi que le compte rendu mentionné ci-avant du CTE du 19 septembre 2011, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une faute personnelle de Mme D... serait à l'origine de cet accident ; que l'épisode dépressif subi en 1993 par Mme D...a été estimé " parfaitement consolidé " par le Dr B...dans son rapport d'expertise du 28 novembre 2011 ; que, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les arrêts de travail prescrits à compter du 27 octobre 2011 au vu de la même pathologie auraient une cause différente de celle qui a justifié le premier arrêt de travail, reconnu imputable au service ; que, dans ces conditions, l'interruption du service de l'intéressée à compter du 26 octobre 2011 doit être regardée comme étant en lien direct avec l'accident subi en service ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EHPAD " Entre Champs et Forêts " de Marlhes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 12 novembre 2012 de sa directrice en tant qu'elle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme D...à compter du 27 octobre 2011 ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EHPAD " Entre Champs et Forêts " de Marlhes une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle, en revanche, à ce que soit mis à la charge de MmeD..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au requérant de la somme demandée au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête l'EHPAD " Entre Champs et Forêts " de Marlhes est rejetée.
Article 2 : L'EHPAD " Entre Champs et Forêts " versera à Mme D...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Entre Champs et Forêts " de Marlhes et à Mme A...C...épouseD....
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président-assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018
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N° 16LY000610
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