Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2017, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2017 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2016 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de
1 300 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet ne pouvait en défense invoquer un nouveau motif dans sa décision portant refus de titre de séjour ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ sont illégales en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant du refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur ;
1. Considérant que M.A..., ressortissant pakistanais né le 5 mars 1963, relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2017 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2016 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le préfet du Rhône a fait valoir dans son mémoire en défense de première instance que M. A...pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine contrairement à ce qu'il indiquait dans la décision litigieuse du 29 novembre 2016 portant refus de titre de séjour ; que le préfet du Rhône doit être regardé comme ayant sollicité une substitution de motifs, ce qu'il est fondé à faire dès lors qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ; que, par suite, le requérant, dont il n'est ni établi, ni même allégué, qu'il aurait été privé d'une garantie de procédure, n'est pas fondé à soutenir, que les premiers juges ne pouvaient, ainsi qu'ils l'ont fait, procéder à la substitution de motifs demandée par le préfet ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;
4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;
5. Considérant qu'aux termes de l'avis émis le 27 juillet 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes, l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale indisponible dans son pays d'origine, mais dont l'absence ne devrait pas entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le requérant produit un certificat médical du docteur Venet, praticien hospitalier, psychiatre, établi le 13 mars 2017, mais se référant à une situation de fait antérieure, qui indique que l'intéressé présente un état de stress post-traumatique susceptible d'entraîner des complications d'un exceptionnelle gravité ; que ce certificat précis permet d'établir que l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
6. Considérant toutefois qu'il ressort des éléments versés au dossier par le préfet, notamment une fiche MedCOI, extraite de la base de données " Medical Country of Origin Information ", qu'un traitement médical approprié à l'état de santé de M. A...est disponible au Pakistan ; qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'il existerait un lien entre la pathologie dont souffre l'intéressé et les évènements traumatisants qu'il aurait vécus au Pakistan qui ne permettrait pas, dans ce cas particulier, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays ; que le préfet du Rhône n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de la décision contestée , M. A...résidait en France depuis trois ans et deux mois ; que comme il a été dit plus haut il peut bénéficier dans son pays d'origine un traitement médical approprié ; qu'il n'est pas dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu 50 ans et où résident son épouse et leurs quatre enfants ; qu'il ne se prévaut d'aucune insertion sociale ou professionnelle en France ; qu'ainsi compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant un délai de départ :
9. Considérant que les moyens invoqués contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation qui lui est faite de quitter le territoire français et fixant le délai de départ ;
10. Considérant que par les motifs précédemment énoncés, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; / (...) " ;
12. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, le préfét du Rhône, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Considérant qu'il résulte de l'examen des décisions précédentes que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre celle fixant le pays de destination ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au bénéfice de son avocat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 novembre 2018.
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N° 17LY03624
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