3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1703276 du 7 septembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 13 avril 2017 et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M.C....
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2017, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du 7 septembre 2017 et de rejeter la demande de M.C....
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour portait atteinte au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et procédait d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2018, M.C..., représenté par Me Schürmann, avocat, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que la cour enjoigne au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous la même astreinte ;
3°) à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 13 avril 2017 en se fondant sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère, au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que M.C..., ressortissant ouzbek né le 5 juin 1966, est entré en France le 6 octobre 2009, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " ; que la carte de séjour temporaire qui lui a été délivrée en cette qualité en novembre 2010 a été renouvelée jusqu'en novembre 2016 ; que, le 11 juillet 2016, M. C...a demandé une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " pour exercer un emploi d'auxiliaire de vie ; que, par arrêté du 13 avril 2017, le préfet de l'Isère a rejeté cette demande et a obligé M. C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il serait légalement admissible ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 7 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du 13 avril 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., s'il résidait régulièrement en France depuis sept ans à la date du refus de titre de séjour en litige, y était titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant qui ne lui donnait pas vocation à demeurer sur le territoire français à l'issue de ses études ; que, s'il a noué des liens amicaux en France et a exercé en qualité d'auxiliaire de vie à temps partiel auprès d'une personne avec laquelle il a construit une relation de confiance, il est constant que M. C...a vécu jusqu'à l'âge de quarante-trois ans en Ouzbekistan, où se trouvent ses principales attaches familiales en les personnes de son épouse, de ses trois enfants, dont un mineur, et de ses parents ; que, s'il fait valoir qu'il enseignait le français dans son pays d'origine, les pièces qu'il produit, à savoir un certificat de l'Institut d'Etat d'aviation de Tachkent non daté indiquant, sans plus de précision, que M. C...y enseigne le français et deux attestations selon lesquelles il a encadré des étudiants ouzbeks à Louvain du 1er au 11 août 2006 et à Paris en juillet 2007, ne suffisent pas à étayer cette allégation ; qu'enfin, son projet de création en France d'une agence de tourisme était hypothétique à la date de l'arrêté en litige ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'intéressé ne démontre pas posséder de liens particuliers avec la France justifiant l'annulation, pour méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du refus de titre de séjour ; que la circonstance que M. C...a poursuivi ses études en 2016-2017 en Master 2 de tourisme culturel et territoires, ingénierie de projet, dont, au demeurant, il ne s'est pas prévalu lorsqu'il a demandé la délivrance d'un titre de séjour, n'est pas de nature à caractériser une erreur manifeste qu'aurait commise le préfet de l'Isère dans l'appréciation de sa situation ; que le préfet de l'Isère est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 13 avril 2017 et lui a enjoint de délivrer à ce dernier une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;
4. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Grenoble et en appel ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige a été signé par la secrétaire générale de la préfecture de l'Isère, Mme B...A..., titulaire d'une délégation de signature à cette fin par arrêté du préfet du 1er février 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 38-2017-010 du 6 février 2017 ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ; L'étranger se voit délivrer l'une des cartes prévues aux 1° ou 2° du présent article sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 5221-2 du code du travail lorsque sa demande concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives. La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° du présent article est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi, à l'étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d'Etat. " ;
7. Considérant que M. C...a sollicité un changement de statut et la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié pour l'emploi d'auxiliaire de vie qu'il exerçait à temps partiel auprès d'un particulier depuis 2011 ; que, si l'intéressé soutient que la situation de l'emploi en Rhône-Alpes, Isère ou dans le Bassin grenoblois ne saurait lui être opposée en raison des liens de confiance particuliers qu'il a créés avec son employeur, il n'entre pas, pour l'exercice de cet emploi, dans les catégories d'étrangers, visées à l'article L. 313-10 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels la situation de l'emploi n'est pas opposable ; que, par suite, et alors que cet emploi est dépourvu de lien avec ses études et qualifications, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour qui a été opposé à M. C... méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, que M. C...ne peut utilement soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas demandé de titre de séjour sur ce fondement ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et le pays de renvoi :
9. Considérant, en premier lieu, que M.C..., n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et le pays de renvoi ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 3 ci-dessus ;
11. Considérant, en troisième lieu, que M. C...fait valoir que l'obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité aurait pour conséquence l'impossibilité pour lui " de bénéficier d'un traitement adéquat à sa pathologie " et se prévaut de son excellente intégration en France ; que, toutefois, il ne fait état d'aucun élément autre que ceux auxquels il a été répondu au point 3 de nature à caractériser une erreur manifeste commise par le préfet de l'Isère dans l'appréciation de sa situation ;
Sur les conclusions incidentes présentées par M. C...aux fins d'injonction et d'astreinte :
12. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées à titre incident par M. C... doivent être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme que M. C...demande au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1703276 du tribunal administratif de Grenoble du 7 septembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de M. C...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions incidentes de M. C...et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de l'Isère et à M. D...C....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Aubert-Chevalier, président assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 27 novembre 2018.
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N° 17LY03641
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