Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er décembre 2020 et 5 mars 2021, le préfet de l'Allier demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient qu'il n'a pas méconnu le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que les autres moyens soulevés par Mme G... devant le tribunal ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2021, Mme G..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que le moyen soulevé par le préfet de l'Allier n'est pas fondé.
Un mémoire enregistré le 9 avril 2021 produit pas le préfet de l'Allier n'a pas été communiqué.
Par une décision du 27 janvier 2021, Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme C... ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme H..., ressortissante de la République du Congo, est entrée en France le 26 septembre 2016 avec un visa de long séjour portant la mention "étudiant". Elle a par la suite obtenu une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français, valable jusqu'au 20 août 2018, que le préfet de l'Allier a refusé de renouveler par un arrêté du 18 décembre 2019 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi. Par un jugement du 4 novembre 2020 dont le préfet de l'Allier relève appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme G... dans le délai de deux mois.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) ". Ces dispositions sont interprétées, en vertu d'une jurisprudence constante, en ce sens que si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des déclarations de M. I... D... avec lequel Mme G... est liée depuis le mois de janvier 2020 par un pacte civil de solidarité, recueillies le 14 décembre 2020 par les services de la préfecture de l'Allier dans le cadre du réexamen de la situation de Mme G... en exécution de l'injonction du tribunal, que le couple est arrivé en France au mois de septembre 2016 en provenance de Tunisie, où Mme G... effectuait des études, sans être accompagné de l'aîné de ses enfants, né en République du Congo, où il est élevé par ses grands-parents maternels depuis le départ de sa mère au mois de juin 2015. Cette dernière a poursuivi ses études pendant deux mois à Créteil tandis que M. D... s'est installé à Lille pour y suivre les siennes. Le 19 juin 2017, Mme G... a donné naissance un mois avant le terme de sa grossesse à son deuxième enfant, prénommé F..., reconnu par anticipation par M. B... E..., ressortissant français père de cinq autres enfants nés de mères différentes originaires de République du Congo ou de République démocratique du Congo. Le troisième enfant de l'intéressée, né à Moulins le 13 janvier 2019, a été reconnu par anticipation par M. I... D.... Mme G... a soutenu lors de son audition le 20 septembre 2018 dans le cadre de l'enquête préliminaire pour suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité, qui visait M. E..., et le 14 décembre 2020 devant les services de la préfecture de l'Allier, que M. E... l'avait abordée dans le métro parisien au mois d'octobre 2016 et qu'ils n'avaient jamais vécu ensemble, qu'ils s'étaient toujours vus dans la rue, pendant trois mois, et qu'elle ignorait son adresse, mais qu'il lui avait " tout de suite fait un enfant " car elle en désirait un sans renoncer au célibat. Le préfet de l'Allier, qui ne peut utilement soutenir que M. E... ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation du jeune F..., n'établit pas la communauté de vie entre Mme G... et M. D... à la date de conception de cet enfant. En outre, il n'apporte à la cour aucun élément sur les suites données à l'enquête préliminaire visant M. E.... Dès lors, et comme ont pu le retenir les premiers juges, Mme G... était fondée à soutenir que la preuve du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité par M. E... n'était pas rapportée.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Allier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé son arrêté du 18 décembre 2019. Sa requête doit donc être rejetée.
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme G... au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Allier est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme G... au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme H....
Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme C..., président rapporteur,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.
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N° 20LY03532