Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Petit, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai, respectivement, d'un mois et de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros à verser à leur conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. et Mme D... soutiennent que :
- le préfet de l'Isère en indiquant que l'examen de leur situation ne révélaient pas de liens intenses, stables et anciens, n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ;
- les refus de titre de séjour méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
- ils méconnaissent l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en rejetant la demande de régularisation de M. D... sans examiner sa qualification et son expérience ;
- ils méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- les obligations de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour et des obligations de quitter le territoire français ;
- elles méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Le préfet de l'Isère, auquel la requête a été régulièrement communiquée, n'a pas produit d'observations.
M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher,
- et les observations de Me Petit pour M. et Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ressortissants kosovars, nés respectivement le 5 octobre 1978 et le 15 mars 1975 sont entrés en France, selon leurs déclarations le 12 janvier et le 13 mars 2013. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 27 octobre 2015. Par arrêtés du 31 octobre 2016, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français. Ils ont de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 25 juillet 2018. Ils relèvent appel du jugement du 22 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 15 septembre 2020 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé les pays à destination desquels ils pourront être reconduits d'office.
2. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation des arrêtés attaqués que le préfet de l'Isère, qui a examiné avec précision les éléments dont les requérants s'étaient prévalus à l'appui de leur demande de titre de séjour, ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. et Mme D....
3. En deuxième lieu, si M. et Mme D... résident en France depuis 2013, après le rejet de leurs demandes d'asile en 2015, ils ont fait l'objet de refus de titre de séjours assortis d'obligations de quitter le territoire français en octobre 2016 qui leur avaient été régulièrement notifiés. Si un frère de M. D... vit régulièrement en France avec son épouse et leurs trois enfants, M. et A... D... ne sont pas dénués d'attaches familiales au Kosovo, où ils ont résidé jusqu'à leur départ pour la France et où résident leurs parents et d'autres de leurs frères et sœurs. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale des requérants, qui sont tous les deux en situation irrégulière, se reconstitue, avec leurs deux enfants, dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, malgré leurs efforts d'intégration et les promesses d'embauche qu'ils ont produites, le préfet de l'Isère n'a pas, en refusant de leur délivrer un titre de séjour et en prenant à leur encontre une obligation de quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ses décisions sur leur situation personnelle.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".
5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour sur ce fondement, le préfet de l'Isère a examiné, dans un premier temps, si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiaient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" à M. et Mme D..., puis a indiqué, s'agissant de Mme D... qu'elle n'avait produit aucune promesse d'embauche, et s'agissant de M. D..., qu'il avait produit deux promesses d'embauche anciennes, en qualité de maçon et de façadier, ce qui ne démontrait pas une intégration professionnelle particulière.
6. D'une part, le préfet qui avait précédemment fait état de ce que M. D... exerçait au Kosovo la profession d'agent de sécurité dans une banque et qui n'avait pas encore connaissance de l'expérience de maçon de M. D..., portée à sa connaissance ultérieurement, a procédé à l'examen de la qualification et de l'expérience de M. D... avant de refuser de lui délivrer un tel titre. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait commis une erreur de droit en rejetant sa demande de régularisation sans examiner sa qualification et son expérience doit être écarté.
7. D'autre part, les éléments dont se prévalent les requérants, rappelés ci-avant ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettraient de révéler l'erreur manifeste d'appréciation du préfet commise à l'occasion de son refus d'une admission exceptionnelle au séjour au titre de leur vie privée et familiale sur ce fondement. Par ailleurs, en refusant de leur délivrer un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de cet article, le préfet n'a pas plus commis d'erreur manifeste d'appréciation.
8. En quatrième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 3 et en l'absence d'obstacle à ce que les enfants de M. et Mme D... poursuivent leur scolarité dans un autre pays, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en refusant de leur délivrer un titre de séjour et en les obligeant à quitter le territoire français.
9. En cinquième lieu, si les requérants font valoir qu'ils ont été contraints de quitter de le Kosovo après que M. D... a été, en septembre 2012, enlevé et séquestré par un groupe de cinq individus armés pour le contraindre à faciliter l'attaque de la banque qu'il était chargé de surveiller et que son épouse et leur fils ont été enlevés et séquestrés par le même groupe en décembre 2012, ils ne produisent aucune pièce au soutien de leurs allégations. Le moyen tiré de ce que les décisions fixant leur pays de destination méconnaitraient l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.
10. En sixième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour et les décisions fixant le pays de destination ne sont pas illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour et des obligations de quitter le territoire français.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Leur requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... née E... et M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.
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N° 21LY02331