Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 juillet 2020, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- il n'a pas méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car Mme D... peut avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- il n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2021, Mme D..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet du Rhône ne sont pas fondés.
Par une décision du 16 septembre 2020, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les observations de Me C... pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante bosnienne entrée en France le 10 janvier 2014, a demandé en dernier lieu au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour pour raison de santé. Par des décisions du 11 juin 2019, le préfet a rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la Bosnie. Il relève appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions et lui a enjoint de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale".
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Selon l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 mars 2018, si l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale et si le défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
4. Mme D... souffre d'hyperthyroïdie pour laquelle lui étaient prescrits jusqu'au 24 juin 2019 une forme synthétique de l'hormone thyroïdienne et un agent dénommé carbimazole qui n'étaient pas mentionnés au 10 janvier 2014 sur les extraits de la liste des médicaments enregistrés dans son pays d'origine. Le préfet du Rhône, en se bornant à soutenir qu'ils figurent sur la liste qu'il produit en appel, mais qui a été mise à jour en 2020 postérieurement à la décision en cause et au surplus n'est pas traduite, ne conteste pas utilement le motif d'annulation retenu par les premiers juges, tiré de l'indisponibilité en Bosnie-Herzégovine du traitement nécessaire à la prise en charge de l'état de santé de l'intéressée.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'absence alléguée de méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 11 juin 2019. Sa requête doit en conséquence être rejetée.
6. Mme D... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me B..., avocat de Mme D..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me B... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... D....
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme A..., président rapporteur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition le 11 février 2021.
2
N° 20LY01776