Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2020, M. et Mme D..., représentés par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001309-2001310 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les arrêtés contestés ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'une année portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer leur situation, dans un délai d'un mois courant à compter de la notification de la décision à venir, sous astreinte de 100 par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser à leur conseil la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision portant de refus de séjour opposé à M. D... a méconnu l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il souffre d'une insuffisance rénale chronique terminale nécessitant une dialyse dont il ne pourra bénéficier en Algérie ;
- la décision portant refus de séjour pour chacun d'eux a méconnu l'article 6-5 de l'accord précité et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'ils ont trois de leurs enfants qui résident régulièrement en France dont l'un a la nationalité française ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français prononcée pour chacun d'eux est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour, méconnait l'article 8 de la convention précitée, et, s'agissant de M. D... méconnait le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des autres décisions.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux arrêtés du 27 janvier 2020, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... E..., né le 13 juin 1937 en Algérie, et à Mme A... B... épouse D..., née le 8 novembre 1947 en Algérie, en les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par un jugement du 7 juillet 2020, dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
3. M. D..., atteint d'une insuffisance rénale chronique, conteste qu'il puisse poursuivre un traitement approprié en Algérie en faisant valoir l'insuffisance des places disponibles en centre de dialyse dans son pays d'origine, alors que ce traitement ne peut être interrompu même quelques jours sans risque de causer son décès. Toutefois, tant les pièces produites en première instance qu'en appel, attestant seulement de difficultés, et non d'une impossibilité, de prise en charge par les centres de dialyse algériens dont ils émanent, ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 25 juillet 2019 selon lequel si M. D... souffre d'une affection nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvant toutefois effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé alors que l'intéressé, déjà à un stade terminal de son insuffisance rénale chronique, était pris en charge en Algérie avant son entrée en France le 12 octobre 2017. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6 de l'accord Franco-algérien, ni commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder un titre de séjour au requérant en raison de son état de santé.
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit : (...) (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autorisation de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Si les requérants font valoir que trois de leurs enfants résident en France en situation régulière, l'un d'eux ayant acquis la nationalité française, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont entrés en France les 12 et 15 octobre 2017 à l'âge de quatre-vingt et soixante-dix ans respectivement et ont l'essentiel de leurs attaches privées et familiales dans leur pays d'origine. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Rhône aurait porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par ses décisions et méconnaîtrait les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1698 ou celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas non plus établi que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant les décisions susvisées.
6. Eu égard aux points précédents, les requérants ne peuvent exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour au soutien de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français ou les décision fixant le pays de destination. M. D... ne conteste pas l'avis précité du collège des médecins de de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 25 juillet 2019 selon lequel son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs que ceux décrits au point 5, les décisions portant obligation de quitter le territoire français n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles ne sont pas également entachés d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences en découlant, notamment quant à l'état de santé de M. D....
7. Il résulte de tout ce qui précède que M et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des arrêtés du 27 janvier 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction ou présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter leurs conclusions, présentées en appel, à fin d'injonction ou tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à Mme A... B... épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.
N° 20LY01876 2