Procédure devant la cour
I. Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 février 2019 et 20 et 27 novembre 2020 sous le n° 19LY00544, la métropole de Lyon, représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a fixé à 70 832,27 euros la somme à laquelle il a condamné in solidum les sociétés cabinet d'études Marc Merlin, DHA, Léon Grosse et Socotec à lui verser au titre des frais d'expertise ;
2°) de porter cette somme à 74 607,87 euros et en conséquence la somme totale mise à la charge de ces sociétés à 862 545,09 euros TTC, assortie des intérêts légaux à compter du 23 décembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge in solidum des mêmes sociétés la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- elle était recevable à saisir le tribunal administratif de Lyon ;
- elle lui a demandé de mettre à la charge des constructeurs condamnés la somme totale de 74 607,87 euros en remboursement des frais de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Lyon dont l'avance a été mise à sa charge et qu'elle justifie avoir versée ;
- il ne s'est pas mépris sur l'imputabilité des désordres aux sociétés cabinet d'études Marc Merlin, DHA, Socotec et Léon Grosse.
Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2019, la société Douat Harland et associés (DHA), représentée par Me H..., conclut à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à indemniser la métropole de Lyon et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la métropole de Lyon ou de toute autre partie condamnée au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- elle n'était pas mandataire du groupement, conjoint, de maîtrise d'oeuvre au sein duquel sa mission était uniquement architecturale ;
- les désordres affectant la station d'épuration ne lui sont pas imputables ;
- à titre subsidiaire, elle est fondée à demander à être intégralement garantie de la condamnation prononcée à son encontre d'une part, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, par la société cabinet d'études Marc Merlin et, d'autre part, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, par le groupement d'entreprises OTV et Léon Grosse, par la société OTV solidairement avec la société Léon Grosse et par cette dernière et la société Socotec.
Par un mémoire enregistré le 23 décembre 2019, la société Socotec Construction, venant aux droits de la société Socotec, représentée par Me I..., conclut à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a mis à sa charge une part de responsabilité dans les désordres de 10 % ou, subsidiairement, à la condamnation des sociétés OTV, cabinet d'études Marc Merlin, DHA et Léon Grosse à la relever et garantir indemne de toute condamnation et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la métropole de Lyon ou de toute autre partie condamnée au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- les désordres affectant la station d'épuration ne lui sont pas imputables car, d'une part, sa mission se limitait à contrôler la conformité de l'ouvrage au référentiel et tel était le cas puisque la conception de l'ouvrage n'est pas remise en cause, et excluait le suivi d'exécution du chantier et, d'autre part, la modification de l'implantation de la gaine au droit de l'axe X7 n'a pas été portée à sa connaissance ;
- à titre subsidiaire, par application de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, elle ne peut être condamnée qu'à concurrence de sa part de responsabilité ;
- en l'absence de lien de causalité direct entre son éventuelle carence et les désordres, elle est fondée à demander à être intégralement garantie par les sociétés cabinet d'études Marc Merlin, DHA et Léon Grosse, intervenants de premier rang.
Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2020, la société Léon Grosse, représentée par Me E..., conclut à la réformation du jugement attaqué, à la condamnation des sociétés cabinet d'études Marc Merlin et Socotec à la garantir dans de plus justes proportions et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la métropole de Lyon ou de qui mieux le devra au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- le tribunal ne s'est pas mépris sur l'imputabilité des désordres aux sociétés cabinet d'études Marc Merlin et Socotec ;
- il a sous-estimé leurs parts de responsabilité.
Par un mémoire enregistré le 25 novembre 2020, la société cabinet d'études Marc Merlin, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à l'annulation du jugement attaqué ou, subsidiairement, à sa réformation en ce qu'il a surestimé sa part de responsabilité et à la condamnation en conséquence des sociétés Léon Grosse et Socotec à la garantir intégralement et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la métropole de Lyon ou de tout succombant au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- la métropole de Lyon était dépourvue d'intérêt à agir devant le tribunal, qui n'a pas répondu à l'un de ses arguments, tiré de ce qu'elle avait été remplie de ses droits par l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du 13 septembre 2016 ;
- sa responsabilité du fait de la cause principale de l'effondrement ne peut être recherchée et sa seule responsabilité au titre d'une cause accessoire, qui n'aurait pas permis l'occurrence du sinistre, ne justifie pas que soit retenue à son encontre une responsabilité de 20 %, supérieure à celle que le tribunal a attribuée à la société Socotec, qui a pourtant donné un avis conforme sur la fixation des éléments de charpente dans les voiles ;
- la mission VISA n'inclut pas une obligation de contrôle intermédiaire ou renforcée des études d'exécution, qui relève de la mission EXE qui ne lui était pas dévolue.
II. Par une requête enregistrée le 12 février 2019 sous le n° 19LY00558, la société cabinet d'études Marc Merlin, représentée par la SCPA B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1510975 du 6 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ou, subsidiairement, de le réformer, en ramenant à de plus justes proportions la répartition des responsabilités et en condamnant les sociétés Léon Grosse et Socotec à la garantir intégralement ;
2°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon ou de tout succombant la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- la métropole de Lyon était dépourvue d'intérêt à agir devant le tribunal, qui n'a pas répondu à l'un de ses arguments, tiré de ce qu'elle avait été remplie de ses droits par l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du 13 septembre 2016 ;
- sa responsabilité du fait de la cause principale de l'effondrement ne peut être recherchée et sa seule responsabilité au titre d'une cause accessoire, qui n'aurait pas permis l'occurrence du sinistre, ne justifie pas que soit retenue à son encontre une responsabilité de 20 %, supérieure à celle que le tribunal a attribuée à la société Socotec, qui a pourtant donné un avis conforme sur la fixation des éléments de charpente dans les voiles ;
- la mission VISA n'inclut pas une obligation de contrôle intermédiaire ou renforcée des études d'exécution, qui relève de la mission EXE qui ne lui était pas dévolue.
Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2019, la société Douat Harland et associés (DHA), représentée par Me H..., conclut à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à indemniser la métropole de Lyon et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la métropole de Lyon ou de toute autre partie condamnée au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- elle n'était pas mandataire du groupement, conjoint, de maîtrise d'oeuvre au sein duquel sa mission était uniquement architecturale ;
- les désordres affectant la station d'épuration ne lui sont pas imputables ;
- à titre subsidiaire, elle est fondée à demander à être intégralement garantie de la condamnation prononcée à son encontre d'une part, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, par la société cabinet d'études Marc Merlin et, d'autre part, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, par le groupement d'entreprises OTV et Léon Grosse, par la société OTV solidairement avec la société Léon Grosse et par cette dernière et la société Socotec.
Par un mémoire enregistré le 23 décembre 2019, la société Socotec Construction, venant aux droits de la société Socotec, représentée par Me I..., conclut à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a mis à sa charge une part de responsabilité dans les désordres de 10 % ou, subsidiairement, à la condamnation des sociétés OTV, cabinet d'études Marc Merlin, DHA et Léon Grosse à la relever et garantir indemne de toute condamnation et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la métropole de Lyon ou de toute autre partie condamnée au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- les désordres affectant la station d'épuration ne lui sont pas imputables car, d'une part, sa mission se limitait à contrôler la conformité de l'ouvrage au référentiel et tel était le cas puisque la conception de l'ouvrage n'est pas remise en cause, et excluait le suivi d'exécution du chantier et, d'autre part, la modification de l'implantation de la gaine au droit de l'axe X7 n'a pas été portée à sa connaissance ;
- à titre subsidiaire, par application de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, elle ne peut être condamnée qu'à concurrence de sa part responsabilité ;
- en l'absence de lien de causalité direct entre son éventuelle carence et les désordres, elle est fondée à demander à être intégralement garantie par les sociétés cabinet d'études Marc Merlin, DHA et Léon Grosse, intervenants de premier rang.
Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2020, la société Léon Grosse, représentée par Me E..., conclut à la réformation du jugement attaqué, à la condamnation des sociétés cabinet d'études Marc Merlin et Socotec à la garantir dans de plus justes proportions et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société cabinet d'études Marc Merlin ou de qui mieux le devra au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- le tribunal ne s'est pas mépris sur l'imputabilité des désordres aux sociétés cabinet d'études Marc Merlin et Socotec ;
- il a sous-estimé leurs parts de responsabilité.
Par un mémoire enregistré le 20 novembre 2020, la métropole de Lyon, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a fixé à 70 832,27 euros la somme à laquelle il a condamné in solidum les sociétés cabinet d'études Marc Merlin, DHA, Léon Grosse et Socotec à lui verser au titre des frais d'expertise, à ce que cette somme soit portée à 74 607,87 euros et en conséquence à ce que la somme totale mise à la charge de ces sociétés soit portée à 862 545,09 euros TTC, assortie des intérêts légaux à compter du 23 décembre 2015 et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge in solidum des mêmes sociétés au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- elle était recevable à saisir le tribunal administratif de Lyon ;
- il ne s'est pas mépris sur l'imputabilité des désordres aux sociétés cabinet d'études Marc Merlin, DHA, Léon Grosse et Socotec.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le décret n° 99-443 du 28 mai 1999 ;
- l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'oeuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour des audiences des 3 décembre 2020 et 11 février 2021, les dossiers ayant été renvoyés à l'issue de la première audience, en vue de la production de pièces supplémentaires ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me J..., pour la métropole de Lyon, et de Me B..., pour la société cabinet d'études Marc Merlin ;
Et après avoir pris connaissance des notes en délibéré, enregistrées le 4 décembre 2020, présentées pour la métropole de Lyon à l'issue de la première audience.
Considérant ce qui suit :
1. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre le même jugement.
2. La communauté urbaine de Lyon, aux droits de laquelle est venue la métropole de Lyon, a fait réaliser des travaux de mise aux normes de la station d'épuration dont elle est propriétaire à Saint-Fons. Ces travaux consistaient notamment en la construction d'un nouveau bâtiment découpé en plusieurs zones. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement constitué des sociétés cabinet d'études Marc Merlin et Douat Harland et associés (DHA). Le groupement d'entreprises composé des sociétés OTV et Léon Grosse a été chargé de la réalisation des travaux. Une mission de contrôle technique a été attribuée à la société Socotec. Le 13 novembre 2010, en cours de réalisation des travaux, des intempéries ont entraîné la chute de panneaux de faux plafonds à différents endroits de la station d'épuration. Des travaux de réparation ont été réalisés et la réception de l'ouvrage a été prononcée le 15 avril 2011 avec des réserves qui ne concernaient pas les faux plafonds. Les 25 avril 2012 et 24 décembre 2013 à la suite de vents violents, des faux plafonds de la station d'épuration ont à nouveau été endommagés. Le 18 juin 2014, alors que la société Malon, sous-traitante de la société Léon Grosse, intervenait sur le chantier pour la réparation des dommages affectant des faux plafonds, la charpente métallique de l'ouvrage s'est totalement effondrée au droit de la zone D du bâtiment en cours de réfection. Deux employés de la société Malon ont à cette occasion été blessés, dont l'un très sérieusement. En conséquence de cet accident, une zone de sécurité a été mise en place, couvrant la zone D de l'ouvrage, sans que le fonctionnement de la station d'épuration soit interrompu. Par une ordonnance du 26 juin 2014, le président du tribunal administratif de Lyon a désigné un expert en vue de constater l'état des bâtiments. Parallèlement, la métropole de Lyon a saisi le juge judiciaire afin d'obtenir la désignation d'un expert pour qu'il soit procédé à une analyse de la cause des désordres. Un collège d'experts a, à cette fin, été désigné. Il a rendu son rapport le 12 octobre 2015. Par un jugement du 6 décembre 2018, le tribunal s'est prononcé sur l'imputabilité des désordres, le montant des indemnités à verser à la métropole de Lyon et le partage de responsabilités. Les sociétés cabinet d'études Marc Merlin, DHA, Léon Grosse et Socotec Construction, venant aux droits de la société Socotec France, demandent la réformation de ce jugement en tant qu'il les a condamnées à réparer les désordres ayant affecté l'ouvrage et a laissé à leur charge une part de la condamnation. La métropole de Lyon demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a fixé à 70 832,27 euros la somme à laquelle il a condamné in solidum les sociétés cabinet d'études Marc Merlin, DHA, Léon Grosse et Socotec à lui verser au titre des frais d'expertise.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société cabinet d'études Marc Merlin :
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes de l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Et aux termes de l'article R. 541-4 du même code : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel ".
4. La métropole de Lyon a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon d'une demande de provision sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 13 septembre 2016, confirmée par une ordonnance du juge des référés de la cour du 5 mai 2017, le juge des référés a fait droit à la requête dont il était saisi et condamné les sociétés OTV, Léon Grosse, cabinet d'études Marc Merlin, DHA et Socotec à verser solidairement à la métropole de Lyon la somme de 862 545,09 euros.
5. La condamnation prononcée sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative présentait un caractère provisoire, dès lors que la métropole de Lyon avait saisi le juge du fond d'une requête, sur laquelle le jugement attaqué avait pour objet de statuer. Il suit de là que la société cabinet d'études Marc Merlin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que sa fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la métropole a été écartée par le tribunal.
Sur la responsabilité :
6. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Par ailleurs, un constructeur dont la responsabilité est recherchée par un maître d'ouvrage n'est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur que si et dans la mesure où les condamnations qu'il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur.
7. Il n'est pas contesté que les désordres en cause, qui n'ont pas fait l'objet de réserves à la réception, n'étaient pas apparents lors de cette réception, sont apparus le 18 juin 2014, date de l'accident, et rendent la zone D du bâtiment construit impropre à sa destination, sont de nature décennale.
8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de grande instance de Lyon, que l'effondrement des faux plafonds est dû à une erreur de conception des fixations des profilés IPE 300 dans les voiles béton, à une malfaçon dans la mise en oeuvre des armatures et des chevilles de fixation des IPE 300, à de mauvais contrôles et surveillance des travaux, et, enfin, à des chevilles inadaptées. Le tribunal a imputé les désordres aux deux sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, aux sociétés Léon Grosse et OTV, titulaires groupées du marché de travaux tous corps d'état, et au contrôleur technique, la société Socotec.
9. Il résulte du dossier de consultation du marché de maîtrise d'oeuvre que le groupement de maîtrise d'oeuvre devait contrôler les études d'exécution réalisées par le titulaire du marché de travaux. Il lui appartenait, dans le cadre de de contrôle, de procéder à la synthèse des plans. Par suite et compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 8, la société cabinet d'études Marc Merlin n'est pas fondée à soutenir que le sinistre ne lui est pas imputable.
10. L'acte d'engagement du groupement de maîtrise d'oeuvre qui stipulait que les co-traitants s'engageaient vis-à-vis de la communauté urbaine de Lyon de manière conjointe ne comportait aucune clause de solidarité. Si le contrat ne prévoyait pas de répartition des tâches entre les membres de l'équipe de maîtrise d'oeuvre, la décomposition du forfait de rémunération fait apparaître que la mission de visa des études d'exécution était partagée entre les deux co-traitants. Il n'est pas contesté que la société DHA était chargée du visa des études d'exécution des seuls lots architecturaux, comme l'a d'ailleurs relevé le rapport d'expertise. C'est dès lors à tort que les premiers juges ont regardé les sociétés DHA et cabinet d'études Marc Merlin comme s'étant engagées conjointement et solidairement par un même marché envers le maître d'ouvrage et déduit que les désordres sont imputables tant à la société DHA qu'à la société cabinet d'études Marc Merlin. La société DHA, qui n'a pas concouru à la survenance des désordres, est dès lors fondée à demander à être mise hors de cause.
11. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du collège d'experts, que le point délicat de l'ouvrage était les fixations des IPE 300 dans les voiles. La mission de contrôle technique attribuée à la société Socotec comportait, outre l'examen des documents d'exécution et la formulation des avis correspondants, l'examen sur le chantier des ouvrages et éléments d'équipement soumis au contrôle et la formulation des avis correspondants. Par suite, la société Socotec Construction n'est pas fondée à soutenir que le sinistre ne lui est pas imputable.
Sur les frais d'expertise :
12. Les frais et honoraires de l'expertise collégiale ordonnée par le tribunal de grande instance de Lyon, sur le fondement de laquelle la métropole de Lyon a poursuivi l'indemnisation de ses préjudices, ont été fixés à 33 300 euros pour M. A..., à 37 532,27 euros pour M. D... et à 3 775,60 euros pour M. C..., par les trois ordonnances de taxation du 2 décembre 2015, produites en totalité en appel, soit au total 74 607,87 euros. La métropole de Lyon est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a jugé qu'elle justifiait avoir assumé les frais de l'expertise à hauteur seulement de 70 832,27 euros et condamné les constructeurs de l'ouvrage dans cette limite. Le montant de cette condamnation doit donc être porté à 74 607,87 euros et la condamnation totale de ces constructeurs à 862 545,09 euros TTC.
Sur les appels en garantie :
13. La part de responsabilité des sociétés Léon Grosse, cabinet d'études Marc Merlin et Socotec a été fixée par le jugement attaqué à, respectivement, 70 %, 20 % et 10 %.
14. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du collège d'experts, que la société Léon Grosse, chargée du génie civil au sein du groupement constitué avec la société OTV, aurait pu éviter le sinistre si elle avait correctement positionné les armatures au niveau des linteaux et des têtes des voiles béton. En se bornant à soutenir que le tribunal a inexactement apprécié les responsabilités des sociétés cabinet d'études Marc Merlin et Socotec, la société Léon Grosse n'apporte pas devant la cour d'éléments de nature à remettre en cause le partage de responsabilités opéré par les premiers juges.
15. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la société cabinet d'études Marc Merlin, chargée de la mission visa de l'ensemble des lots à l'exception des lots architecturaux, aurait pu éviter le sinistre si elle avait fait la synthèse des plans, qui lui aurait permis de détecter la dangerosité de fixer les profilés métalliques trop proches du bord des ouvertures. La société cabinet d'études Marc Merlin n'est dès lors pas fondée à demander à être intégralement garantie par les autres constructeurs.
16. Aux termes de l'article L. 111-24 code de la construction et de l'habitation, alors en vigueur : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792,1792-1 et 1792-2 du code civil (...). / Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage ".
17. La société Socotec Construction ne conteste pas qu'elle n'a pas porté une attention particulière aux fixations des IP 300 dans les voiles et qu'elle ne les a pas vérifiées. Ses conclusions tendant à être intégralement garantie par les autres constructeurs ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais du litige :
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Les sociétés cabinet d'études Marc Merlin, Léon Grosse et Socotec Construction sont condamnées in solidum à verser à la métropole de Lyon la somme de 862 545,09 euros TTC, qui portera intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2015.
Article 2 : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1510975 du tribunal administratif de Lyon du 6 décembre 2018 sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à la métropole de Lyon et aux sociétés cabinet d'études Marc Merlin, Douat Harland et associés, Léon Grosse et Socotec Construction.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
Mme G..., président,
Mme Duguit-Larcher, assesseur le plus ancien,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021.
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N°s 19LY00544, 19LY00558