Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 mai 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.
Il soutient que l'administration pénitentiaire a mis tout en oeuvre pour convoquer les assesseurs extérieurs et se trouvait dans l'impossibilité de reporter la commission de discipline.
La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 5 octobre 2017, le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure a infligé à M. B... une sanction de sept jours de mise en cellule disciplinaire après une altercation avec un personnel de surveillance de l'établissement, constitutive d'une faute disciplinaire du deuxième degré prévue à l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale. Cette décision a été confirmée, sur recours administratif préalable obligatoire, le 19 octobre 2017 par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Centre-Est. Par un jugement du 26 mars 2019 dont le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.
2. D'une part, en vertu de l'article 726 du code de procédure pénale, la commission disciplinaire appelée à connaître des fautes commises par les personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté doit comprendre au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du même code : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs. ". Aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative ". L'article R. 57-7-8 du même code dispose que : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance. ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-12 du même code : " Il est dressé par le chef d'établissement un tableau de roulement désignant pour une période déterminée les assesseurs extérieurs appelés à siéger à la commission de discipline ".
3. Il résulte de ces dispositions que la présence dans la commission de discipline d'un assesseur choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire, alors même qu'il ne dispose que d'une voix consultative, constitue une garantie reconnue au détenu, dont la privation est de nature à vicier la procédure, alors même que la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, prise sur le recours administratif préalable obligatoire exercé par le détenu, se substitue à celle du président de la commission de discipline. Il appartient à l'administration pénitentiaire de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour s'assurer de la présence effective de cet assesseur, en vérifiant notamment en temps utile la disponibilité effective des personnes figurant sur le tableau de roulement prévu à l'article R. 57-7-12. Si, malgré ses diligences, aucun assesseur extérieur n'est en mesure de siéger, la tenue de la commission de discipline doit être reportée à une date ultérieure, à moins qu'un tel report compromette manifestement le bon exercice du pouvoir disciplinaire.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 57-7-18 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement ou son délégataire peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider le confinement en cellule individuelle ordinaire ou le placement en cellule disciplinaire d'une personne détenue, si les faits constituent une faute du premier ou du deuxième degré et si la mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement (...) ". Aux termes de R. 57-7-19 du même code : " La durée du confinement en cellule individuelle ou du placement en cellule disciplinaire, prononcés à titre préventif, est limitée au strict nécessaire et ne peut excéder deux jours ouvrables. / Le délai de computation du placement préventif commence à courir le lendemain du jour du placement en prévention. Il expire le deuxième jour suivant le placement en prévention, à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. "
5. Il ressort des pièces du dossier que l'administration pénitentiaire a sollicité les 26 et 27 septembre 2017 par courriels les deux seules personnes extérieures habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance de Moulins susceptibles de siéger le 5 octobre à la commission de discipline comme assesseurs. M. B... ayant été placé en cellule disciplinaire à titre préventif pour préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement depuis le mardi 3 octobre 2017, la commission de discipline devait se réunir au plus tard le 5 octobre afin de respecter les délais imposés par l'article R. 57-7-19 du code de procédure pénale. Dans ces conditions, la circonstance qu'aucune de ces personnes n'a déféré à sa convocation régulière pour siéger le 5 octobre 2017, qui n'est pas imputable à l'administration pénitentiaire qui a mis en oeuvre tous les moyens mis à sa disposition pour s'assurer de la présence d'un assesseur extérieur, est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a jugé que l'absence d'un assesseur extérieur lors de la réunion de la commission de discipline du 5 octobre 2017 avait privé M. B... d'une garantie et vicié la procédure.
6. La cour n'étant saisie d'aucun autre moyen par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 19 octobre 2017. Ce jugement est annulé et la demande présentée par M. B... devant le tribunal est rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1708998 du tribunal administratif de Lyon du 26 mars 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
Mme A..., président,
Mme Duguit-Larcher, assesseur le plus ancien,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021.
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N° 19LY01971