Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 août 2017, la société Santini Ingénierie et la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, représentées par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement et de rejeter la demande présentée par la commune de Collonges devant le tribunal ;
2°) de condamner les sociétés Jardin des Pierres dorées et Sols et Paysages à relever et garantir la société Santini Ingénierie des condamnations prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la commune ou de ces sociétés la somme de 1 500 euros à verser à chacune au titre des frais du litige.
Elles soutiennent que :
- l'action en garantie de parfait achèvement est prescrite ;
- la société Santini Ingénierie n'a commis aucune faute de conception en proposant l'installation des dalles de la société Chapsol ;
- il n'entrait pas dans sa mission de maîtrise d'oeuvre d'entreprendre des analyses techniques complémentaires de la résistance réelle de ces dalles dont la mise en oeuvre n'est également pas en cause ;
- le vice de conception réside dans la résistance intrinsèquement défaillante des dalles ;
- le groupement d'entreprises titulaire du lot n° 2 " Revêtements " a concouru à la mise en oeuvre de ces dalles qu'il a retenues dans le chiffrage des matériaux en écartant des matériaux équivalents alors qu'il en avait la possibilité ;
- il a manqué à son devoir de conseil en n'alertant pas la société Santini Ingénierie et le maître d'ouvrage de ce que les dalles Chapsol ne présentaient pas les caractéristiques adaptées ;
- il a mis la société Santini Ingénierie dans l'incapacité d'envisager une solution alternative ;
- les sociétés membres du groupement doivent en conséquence être condamnées à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2017 la société Idverde, anciennement dénommée Jardin des Pierres dorées, représentée par la SELARL Sedlex, conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge des appelantes au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- l'expert judiciaire a retenu la seule responsabilité du maître d'oeuvre et de la société Chapsol qui n'a pas joué auprès de lui son rôle de sachant et de conseil ;
- elle n'est pas intervenue dans la phase de définition des caractéristiques de l'ouvrage et n'a eu aucune marge de manoeuvre quant à l'appréciation ou la proposition d'autres types de dallage que ceux imposés dans le dossier de consultation des entreprises et qui n'aurait pu au demeurant porter que sur l'esthétique et non sur les caractéristiques techniques définies par le maître d'oeuvre.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2019, la commune de Collonges, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- la société Santini Ingénierie a été placée en liquidation judiciaire de sorte qu'elle n'a plus capacité pour agir ;
- la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics ne l'a pas davantage puisqu'elle a été mise hors de cause par le jugement attaqué ;
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de ses conclusions ;
- son action en responsabilité contractuelle de la société Santini Ingénierie n'était pas prescrite mais bien-fondée.
Par un mémoire en intervention volontaire enregistré le 7 novembre 2019, la SCP Guyon-Daval, en qualité de liquidateur de la société Santini Ingénierie, et la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, représentées par Me C..., concluent au rejet de la demande présentée par la commune de Collonges devant le tribunal, à la condamnation des sociétés Jardin des Pierres dorées et Sols et Paysages à relever et garantir la société Santini Ingénierie, représentée par son liquidateur, des condamnations prononcées à son encontre et de mettre à la charge de la commune de Collonges ou de ces sociétés la somme de 1 500 euros à verser à chacune au titre des frais du litige.
Elles font valoir les mêmes moyens que la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme E...,
- et les observations de Me D..., représentant la société Santini Ingénierie, la SCP Guyon-Daval et la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, celles de Me B..., représentant la commune de Collonges et celles de Me F..., représentant la société Idverde-ISS Espaces Verts ;
Une note en délibéré présentée pour la SCP Guyon-Daval et la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics a été enregistrée le 21 novembre 2019.
Considérant ce qui suit :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Collonges à la requête présentée pour la société Santini Ingénierie ni de de se prononcer sur la nature des conclusions de la SCP Guyon-Daval et de la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics ;
1. Par acte d'engagement signé le 6 juin 1997, la commune de Collonges (Ain) a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux d'aménagement urbain de la rue principale dite " Grand'Rue " à la société Santini Ingénierie, l'exécution du lot n° 1 " Terrassement /Eaux pluviales/Enrobés " à la société Gerland Savoie Leman et l'exécution du lot n° 2 " revêtements/ouvrages maçonnés " au groupement constitué des sociétés Sols et Paysages, dont la liquidation judiciaire a été prononcée par un jugement du 12 mars 2014, et Jardins des Pierres dorées, aux droits de laquelle est venue la société Idverde. Les travaux ont été réceptionnés le 17 décembre 2001 avec des réserves concernant les dalles en béton, cassées ou fissurées. La société Sols et Paysages a procédé au remplacement des dalles au mois de juin 2001 mais dès le mois suivant les désordres se sont reproduits, faisant obstacle à la levée des réserves. Un premier expert judiciaire a été désigné à la demande de la commune, qui a été remplacé en raison de sa carence par un second expert qui a déposé son rapport le 28 aout 2012. La commune a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la condamnation in solidum de la société Santini Ingénierie et son assureur la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics à lui verser la somme de 187 344,04 euros TTC pour réparer les conséquences des désordres affectant les dalles de la Grand'Rue. Par un jugement du 1er juin 2017 dont la société Santini Ingénierie et son assureur ont ensemble relevé appel, le tribunal administratif de Lyon, après avoir rejeté les conclusions dirigées contre l'assureur de la société Santini Ingénierie comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a partiellement fait droit à la demande de la commune en condamnant le maître d'oeuvre à lui verser la somme de 167 019,60 euros TTC.
2. Ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal, la commune de Collonges était recevable à fonder son action sur la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Santini Ingénierie en l'absence de levée des réserves formulées lors de la réception des travaux. L'exception de prescription de l'action en garantie de parfait achèvement, opposée de nouveau en appel par la société Santini Ingénierie, ne peut donc qu'être écartée.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que les désordres affectant les dalles de la chaussée de la rue Grand'Rue ont pour origine une erreur de conception de la chaussée, régulièrement empruntée par des poids lourds, des convois exceptionnels et des bus alors que de multiples canalisations passent dans l'espace de soubassement sous la chaussée. Le revêtement de la chaussée constitué de grandes dalles en béton armé fournies par la société Chapsol d'une épaisseur de 14 cm et d'une surface de 2 m x 1 m est sous dimensionné compte tenu de cet usage et en contradiction avec notamment les préconisations du service d'études techniques des routes et autoroutes, qui recommande pour ce type de chaussée, en pareil usage et pour un passage minimum de poids lourds, une épaisseur minimale de 24 cm
4. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la nature et les caractéristiques du matériau à utiliser pour la réalisation du dallage de la chaussée ont été précisées par la société Santini Ingénierie dans le cadre de la mission " projet et études d'exécution " qui lui avait été confiée. Il résulte de l'instruction, et notamment de la notice descriptive estimative du dossier de demande de subvention rédigé en 1997 par la société Santini Ingénierie qui précise que les travaux inscrits dans le programme consistent en la mise en place des couches de matériaux concassés dont les épaisseurs sont définies par le trafic et notamment les convois exceptionnels et qui mentionne la présence d'un arrêt de bus, que le maître d'oeuvre ne pouvait ignorer la destination de la chaussée. Dans ces conditions, et en l'absence de références adaptées à des ouvrages équivalents dans le catalogue de la société Chapsol, il lui appartenait d'entreprendre des analyses techniques complémentaires des dalles fournies par cette société et dont la défaillance intrinsèque n'est pas établie, afin de vérifier qu'elles étaient adaptées à l'artère principale de la commune. La société Santini Ingénierie, qui n'a pas procédé à la vérification des caractéristiques des dalles, est responsable des désordres constatés.
5. La société Santini Ingénierie demande à être garantie par les sociétés, dont la société Idverde, membres du groupement titulaire du lot n° 2 " Revêtements/Ouvrages maçonnés ", qui ont cependant exécuté le marché conformément à ses stipulations. Par ailleurs il résulte de l'instruction que l'utilisation de dalles en béton pour le revêtement d'une chaussée routière avait un caractère innovant. L'inadéquation des dalles fournies par la société Chapsol n'était dès lors pas décelable par un homme de l'art. Les conclusions d'appel en garantie dirigées contre ces sociétés doivent, par suite, être rejetées.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Santini Ingénierie et la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics ne sont, en tout état de cause, pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a condamné la société à indemniser la commune de Collonges.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Santini Ingénierie la somme de 2 000 euros à verser à la société Idverde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu également de mettre la même somme à la charge de la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics à verser à la commune de Collonges au même titre. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Collonges, de la société Idverde et de la société MDP mandataires judiciaires, mandataire liquidateur de la société Sols et Paysages, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Santini Ingénierie, les conclusions de la SCP Guyon-Daval et celles de la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics sont rejetées.
Article 2 : La société Santini Ingénierie versera à la société Idverde la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics versera à la commune de Collonges la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Santini Ingénierie, à la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, à la SCP Guyon-Daval, à la société Idverde, à la commune de Collonges et à la société MDP mandataires judiciaires.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme D..., président assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 décembre 2019.
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N° 17LY03095