Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er mai 2018, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour d'annuler le jugement.
Il soutient que :
- le tribunal a procédé par affirmation pour écarter le moyen, fondé, tiré du défaut de motivation de la décision du 5 mars 2015 ; le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 su code de justice administrative et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision du 6 novembre 2014 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où son avocat n'a pas été mis à même de consulter le dossier de la procédure malgré ses demandes réitérées ;
- le directeur interrégional Rhône-Alpes-Auvergne des services pénitentiaires a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le décret n° 2013-368 du 30 avril 2013 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 6 novembre 2014, confirmée sur recours gracieux par une décision du 5 mars 2015, le directeur interrégional Rhône-Alpes-Auvergne des services pénitentiaires a prolongé jusqu'au 16 décembre 2014 le placement à l'isolement de M. A..., transféré à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas le 24 octobre 2014. M. A... relève appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
2. En premier lieu et d'une part, le tribunal qui n'était pas tenu, pour satisfaire aux exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative, d'entrer dans le détail de l'argumentation du requérant, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité dans sa réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 5 mars 2015, alors au demeurant que ce vice propre au rejet du recours gracieux ne peut être utilement contesté. D'autre part, et ainsi que le précise l'article R. 57-7-62 du code de procédure pénale, la mise à l'isolement d'une personne détenue par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue par une mesure disciplinaire. Le présent litige n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le requérant ne peut en conséquence utilement invoquer les stipulations de cet article.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande. Le chef d'établissement peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue et à son avocat les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires (...). Les observations de la personne détenue et, le cas échéant, celles de son avocat sont jointes au dossier de la procédure. Si la personne détenue présente des observations orales, elles font l'objet d'un compte rendu écrit signé par elle. Le chef d'établissement, après avoir recueilli préalablement à sa proposition de prolongation l'avis écrit du médecin intervenant à l'établissement, transmet le dossier de la procédure accompagné de ses observations au directeur interrégional des services pénitentiaires lorsque la décision relève de la compétence de celui-ci ou du ministre de la justice. ".
4. M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de la circulaire du 14 avril 2011 relative au placement à l'isolement des personnes détenues, qui ne contient aucune mesure impérative mais se borne à adresser des recommandations aux services. Par ailleurs, il ressort des mentions de la décision du 5 mars 2015 que dans le cadre du débat contradictoire du 4 novembre 2014, l'intéressé a été informé des motifs de la prolongation de son placement à l'isolement et a été en mesure d'exprimer son souhait de faire appel à un défenseur, lequel a d'ailleurs produit un mémoire écrit, et de présenter des observations orales lors du débat contradictoire, comme il l'a demandé, et que la procédure a été en tout point respectée. M. A... n'établit pas, notamment par la production du mémoire écrit de son avocat, que l'administration pénitentiaire aurait refusé à celui-ci la consultation des éléments de la procédure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-66 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement décide de la mise à l'isolement pour une durée maximale de trois mois. Il peut renouveler la mesure une fois pour la même durée (...) ". L'article R. 57-7-67 du même code dispose que : " Au terme d'une durée de six mois, le directeur interrégional des services pénitentiaires peut prolonger l'isolement pour une durée maximale de trois mois. / La décision est prise sur rapport motivé du chef d'établissement. /Cette décision peut être renouvelée une fois pour la même durée ". Et l'article R. 57-7-69 de ce code précise que : " Lorsque la personne détenue faisant l'objet d'une mesure d'isolement d'office est transférée, le placement à l'isolement est maintenu provisoirement à l'arrivée de la personne détenue dans le nouvel établissement. / A l'issue d'un délai de quinze jours, si aucune décision d'isolement n'a été prise, il est mis fin à l'isolement. / Si la période restant à courir est inférieure à quinze jours, la mesure d'isolement prend fin à la date prévue dans la décision initiale ou de prolongation. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la décision de transférer M. A... de la maison centrale de Saint-Maur à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas a été prise en raison de sa participation deux semaines auparavant à un mouvement collectif survenu au quartier d'isolement de la maison centrale de Saint-Maur qui a occasionné des dégradations matérielles importantes. Cet évènement révélait par ailleurs la réitération de faits identiques puisqu'en janvier 2014, il avait déjà mené un mouvement collectif de détenus à la maison centrale de Moulins. Dans ces conditions, au regard à la fois du motif du transfert de l'intéressé à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas et de la persistance de sa volonté d'organiser des mouvements de contestation de détenus, le directeur interrégional des services pénitentiaires n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que son maintien à l'isolement se justifiait pour préserver l'ordre de la maison d'arrêt et la sécurité de ses personnels.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et la garde de sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme B..., président assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 décembre 2019.
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N° 18LY01544