Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er mai 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte, et de réexaminer sa situation administrative ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé et cette circonstance révèle que le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- il repose sur des faits matériellement inexacts puisqu'il établit sa présence en France depuis au moins le 4 avril 2013 ;
- le préfet a méconnu son droit à être entendu ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;
- il a fait une inexacte application des dispositions du 3° du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français sans tenir compte de la durée de sa présence sur le territoire français ;
- les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux articles 1 et 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme C... ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de l'Isère, par un arrêté du 27 mars 2019, a fait obligation à M. D..., ressortissant turc, à la suite de son interpellation par les services police pour des faits de travail illégal, de quitter sans délai le territoire français avec interdiction de retour en France d'un an. M. D... relève appel du jugement du 1er avril 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ".
3. Si le préfet de l'Isère a relevé que M. D... était entré à une date indéterminée sur le territoire français et qu'il y avait passé moins de temps que dans son pays d'origine, il n'a pas cependant motivé son arrêté par la durée insuffisante de la présence en France de M. D..., qui n'est par suite pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait fondé sur un motif matériellement inexact alors même qu'il démontrerait sa présence en France depuis au moins le 4 avril 2013.
4. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
5. Ainsi que l'a relevé le premier juge, M. D... ne peut être regardé comme disposant d'une résidence stable en France, compte tenu de ses déclarations confuses aux services de police lors de son audition le 27 mars 2019 et de ses observations orales à l'audience devant le magistrat désigné. L'intéressé entre, par suite, dans le champ des dispositions précitées, lesquelles ne sont pas contraires à la directive 2008/115/CE. Le surplus du moyen tiré de ce que M. D... ne présente pas une menace à l'ordre public et ne présente pas un risque de fuite, doit être écarté par adoption des motifs circonstanciés retenus à juste titre par le premier juge. Il y a lieu pour les mêmes motifs, d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
7. Le préfet de l'Isère qui a pris en considération la durée de la présence sur le territoire français de M. D... et la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 5, n'a pas inexactement appliqué les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à son encontre une mesure d'interdiction de retour en France d'un an, alors même qu'il ne s'était pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement ainsi que l'a relevé expressément le préfet.
8. M. D... invoque pour le surplus des moyens identiques à ceux développés en premier instance, sans les assortir d'aucune critique utile ou pertinente. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge, selon lesquels le préfet de l'Isère a suffisamment motivé son arrêté, a procédé à un examen complet de sa situation personnelle et n'a pas méconnu son droit à être entendu.
9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. La requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme C..., président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 décembre 2019.
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N° 19LY01670