Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 mai 2019, le préfet de la Drôme demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 avril 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que :
- Mme D... ne justifie pas d'une vie commune avec M. B... ;
- Mme D... et M. B... peuvent en tout état de cause poursuivre leur vie commune en Algérie, pays dont ils ont tous deux la nationalité ;
- il se rapporte à ses écritures de première instance concernant les autres moyens soulevés par Mme D....
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 juillet 2019.
Par un mémoire enregistré le 27 juin 2019, Mme D..., représentée par Me C..., conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à l'annulation des décisions en litige et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Drôme soit de lui délivrer le titre de séjour sollicité soit de procéder au réexamen de son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) et demande à la cour de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que les moyens présentés par le préfet ne sont pas fondés et reprend le cas échéant les autres moyens qu'elle avait soulevés en première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 7 septembre 1994, est entrée régulièrement sur le territoire national le 24 juin 2015 sous couvert d'un visa "famille de français" à la suite de son mariage avec un ressortissant français. Elle a été titulaire d'un certificat de résidence algérien valable du 24 avril 2017 au 23 avril 2018. Par un arrêté du 10 décembre 2018, le préfet de la Drôme a rejeté la demande de Mme D... tendant à la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Le préfet de la Drôme relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.
2. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif de Grenoble a relevé qu'il était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D... dès lors en particulier que si cette dernière ne résidait sur le territoire français que depuis trois ans et demi à la date de l'arrêté attaqué, elle vit avec un compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2026, avec lequel elle a eu un enfant, né le 18 juin 2018, et bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel depuis avril 2017 et occupe en parallèle un autre emploi à temps partiel depuis juin 2017.
3. Pour contester ce jugement, le préfet de la Drôme fait valoir que Mme D... ne justifie pas d'une vie commune avec M. B... et qu'à supposer que cela soit le cas, ils peuvent poursuivre leur vie commune en Algérie, pays dont ils ont tous deux la nationalité. Toutefois, le contrat de bail établi à leurs deux noms, les quittances de loyer ainsi que les nombreuses attestations produites établissent la réalité de la vie commune de Mme D... et M. B... depuis le mois de décembre 2015, d'abord à Avignon puis à Valence. En outre, si M. B... est de nationalité algérienne, il ressort des pièces du dossier qu'il est titulaire d'une carte de résident valable dix ans et qu'il a toujours vécu en France, depuis l'âge d'un an, et a ainsi vocation à demeurer sur le territoire national. Dans ces conditions, le préfet n'apporte aucun élément de nature à établir que l'arrêté en litige ne serait pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D....
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble, a annulé les décisions en litige.
5. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me C..., avocat de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le paiement à cet avocat d'une somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Drôme est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me C..., avocat de Mme D..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... D... et à Me C.... Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 décembre 2019.
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N° 19LY01698