Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2019, Mme D... née A..., représentée par la SCP Clemang-Gourniat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 avril 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Côte-d'Or du 11 décembre 2018 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle de deux ans ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît l'alinéa 2 de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle a droit à la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle sur le fondement de l'article L. 313-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2019, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... née A..., ressortissante cambodgienne, née en 1980, est entrée régulièrement en France, le 6 septembre 2017, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour, après avoir épousé, le 8 novembre 2016, un ressortissant français, décédé le 6 mars 2018. Mme D... relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2018 du préfet de la Côte-d'Or lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes de l'article L. 313-12 de ce code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. (...) ". Aux termes du I de l'article L. 313-17 du même code : " I. - Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre de l'un des documents mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 311-1, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : / 1° Il justifie de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du contrat d'intégration républicaine conclu en application de l'article L. 311-9 et n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ; / 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. (...) ". Selon l'article L. 313-18, la carte de séjour pluriannuelle a une durée de validité de deux ans lorsqu'elle est délivrée aux étrangers mentionnés aux 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2-1 de ce même code : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. / Dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ce visa confère à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire. (...) ". Aux termes de l'article R. 311-3 de ce code : " Sont dispensés de souscrire une demande de carte de séjour : (...) 4° Les étrangers, conjoints de ressortissants français, séjournant en France sous couvert d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et portant la mention " vie privée et familiale ", délivré en application du troisième alinéa de l'article L. 211-2-1, pendant un an ; (...) Les étrangers mentionnés aux 4°, (...) qui souhaitent se maintenir en France au-delà des limites de durée susmentionnées sollicitent une carte de séjour temporaire ou une carte de séjour pluriannuelle dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de leur visa. La demande est instruite conformément aux articles R. 313-4-1 et R. 313-36 et selon les cas, aux articles R. 313-37 et R. 313-38, ainsi qu'aux sections 4 et 5 du chapitre III du titre Ier du livre III du même code. A l'échéance de ce délai, il est fait application des dispositions prévues au deuxième alinéa du 4° de l'article R. 311-2. (...) ". Les articles R. 313-4-1 et R. 313-36 du même code sont relatifs aux demandes de renouvellement d'une carte de séjour temporaire présentées par un étranger déjà admis à résider en France. Il résulte de ces dispositions combinées que lorsqu'un étranger, admis à résider en France sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour, sollicite la délivrance d'un titre de séjour dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de son visa, il appartient à l'autorité administrative d'instruire cette demande comme une demande de renouvellement d'un premier titre de séjour.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., qui séjournait régulièrement en France sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint de français, expirant le 5 septembre 2018, a déposé une demande de titre de séjour en cette même qualité le 17 juillet 2018. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Côte d'Or n'a accepté d'instruire sa demande qu'après que le juge des référés du tribunal administratif de Dijon lui a enjoint d'enregistrer cette demande, par ordonnance du 17 octobre 2018. Il n'en demeure pas moins que l'appelante avait sollicité le renouvellement de son titre de séjour dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de son visa. Par suite, le préfet de la Côte-d'Or ne pouvait, sans méconnaître l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français au motif que la communauté de vie avec son époux, décédé, avait cessé.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... née A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 11 décembre 2018 du préfet de la Côte-d'Or.
6. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement, dès lors que Mme D... n'établit pas remplir les conditions posées par l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d' une carte de séjour pluriannuelle, qu'il soit enjoint au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme D... née A... une somme de 1 000 euros au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900057 du tribunal administratif de Dijon du 30 avril 2019 et l'arrêté du 11 décembre 2018 du préfet de la Côte-d'Or sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... née A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... née A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.
2
N° 19LY02081