Par une requête enregistrée le 17 juin 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 19 février 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 15 février 2019 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, à fixer le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'arrêté du même jour par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées l'a assigné à résidence dans le département des Hautes-Pyrénées pour une durée de quarante-cinq jours.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est intervenue sans qu'il ait bénéficié du droit à être entendu ; l'administration est tenue de respecter les procédures facultatives qu'elle a décidé de mettre en oeuvre ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnaît l'article L. 511-1 II 2° et 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'irrégularité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision n'est pas motivée en prenant en compte les quatre critères mentionnés par l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
- il est dépourvu de base légale.
Un mémoire en défense présenté par le préfet des Hautes-Pyrénées a été enregistré le 6 novembre 2019.
Par ordonnance du 10 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2019 à 12h00.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 13 octobre 1988, de nationalité biélorusse, a fait l'objet, par un arrêté du 15 février 2019 du préfet des Hautes-Pyrénées, de mesures portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une période de deux ans. Par un second arrêté du même jour, cette même autorité a assigné M. A... à résidence dans le département des Hautes-Pyrénées pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... interjette appel du jugement en date du 19 février 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions tendant à l'annulation des mesures portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une période de deux ans et celles dirigés contre l'arrêté l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la mesure portant refus de titre de séjour .
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; ... 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; ... 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ... / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III... ".
3. En premier lieu, l'arrêté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet pour faire obligation à M. A... de quitter le territoire français. Cette motivation révèle que le préfet s'est livré à un examen de la situation particulière de l'intéressé, compte tenu des éléments dont il disposait à la date de l'arrêté. Contrairement à ce que soutient le requérant la décision vise la convention internationale des droits de l'enfant et indique que le refus de séjour n'aura pas d'incidence sur la cellule familiale. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait présenté une demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui sur lequel l'administration s'est prononcée, et qu'il n'a jamais contesté auparavant, à savoir l'admission exceptionnelle au séjour prévue par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, le préfet n'avait pas à motiver son refus au regard de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'a pas de caractère réglementaire.
4. En deuxième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
5. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
6. En l'espèce, l'administration a permis à l'intéressé de présenter des observations tant sur les conditions d'obtention du " passeport mondial " utilisé et des actes d'état civil regardés comme contrefaits que sur les risques éventuellement encourus en cas de retour en Biélorussie avant que ne soit adoptées les mesures contestées. La seule circonstance que la décision a été adoptée une heure après la remise de ces observations n'est pas de nature à établir que l'administration aurait méconnu les droits de la défense. De même, M. A... n'a donc pas été privé d'une garantie à son droit à être entendu par le seul fait qu'il n'a pas été en mesure de produire certaines pièces explicatives quant au caractère frauduleux et contrefaits des documents remis.
7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. La décision en litige mentionne que Mme A..., l'épouse de l'appelant, fait l'objet d'une mesure d'éloignement et que les enfants du couple suivront leurs parents de sorte que la cellule familiale pourra se reconstituer en Biélorussie, pays dont M. et Mme A... ont la nationalité. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de 1'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
9. Le point II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document (...) ".
10. Il ressort de la lecture de l'arrêté qu'après la mention des dispositions précitées, il indique que M. A... s'est soustrait à une mesure d'éloignement prise à son encontre le 10 juin 2016, n'a entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation entre le 20 juin 2016 et le 21 juin 2018 et a produit de faux documents afin d'obtenir un titre de séjour. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit donc être écarté.
11. Le requérant, qui ne conteste pas avoir produit des actes d'état civil contrefaits, ainsi que cela ressort de l'examen technique réalisé le 11 octobre 2018 par la cellule spécialisée dans la fraude documentaire et à l'identité de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Toulouse, ne peut utilement soutenir qu'il ignorait le caractère de " pseudo document ", et donc de faux, du " passeport mondial " obtenu par ses soins sur internet et délivré par la " world service authority " aux " citoyens du monde " ni qu'il aurait été victime d'une escroquerie ou aurait souhaité manifester sa volonté d'intégration. L'absence de poursuites pénales est sans incidence sur la légalité du refus de délai de départ volontaire. La décision critiquée n'est donc pas entachée d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne le pays de renvoi :
12. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas fondé.
13. Il ressort des termes de l'arrêté contesté, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le préfet a retenu que le requérant n'établit pas être exposé à des peines ou à traitement contraires à ces dispositions en cas de retour dans son pays d'origine ou dans tout autre pays où il serait légalement admissible. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :
14. Aux termes du point III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / ... L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. / ... La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français... ".
15. Pour prononcer l'interdiction de retour d'une durée de deux ans, le préfet des Hautes-Pyrénées, après avoir mentionné les dispositions précitées, s'est fondé sur la durée du séjour de M. A..., présent sur le territoire français depuis 2013, sur la mesure d'éloignement dont il a déjà fait l'objet, sur la menace à l'ordre public constituée par la production de faux documents à l'appui de sa dernière demande de titre de séjour et sur l'absence d'atteinte disproportionnée qu'une mesure d'interdiction de retour de deux ans porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Cette décision est, dès lors, suffisamment motivée.
16. Compte tenu des éléments caractérisant la situation du requérant, le préfet des Hautes-Pyrénées a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à son encontre la mesure critiquée.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
17. D'une part, si M. A... soutient que la décision l'assignant à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour, il n'assortit l'exception d'illégalité d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
18. D'autre part, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de renvoi et, en tout état de cause, interdiction de retour sur le territoire français, à l'encontre de la décision l'assignant à résidence.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. E... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 décembre 2019.
Le rapporteur,
Stéphane D... Le président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX002395