Par une ordonnance n° 19LY00784 du 20 mai 2019, la cour administrative d'appel de Lyon, saisie de l'appel formé par M. A..., a donné acte de son désistement d'office.
Par une décision n° 434775 du 12 juin 2020, enregistrée au greffe de la cour le 26 juin 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux sur le pourvoi de M. A..., a annulé l'ordonnance de la cour administrative d'appel de Lyon et lui a renvoyé l'affaire pour qu'elle y statue de nouveau.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 février 2019, et des mémoires enregistrés les 8 mars 2019, 8 juillet 2020 et 5 octobre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susmentionné nos 1702863, 1702875 du 21 décembre 2018 du tribunal administratif de Dijon et la décision de déclassement du 3 novembre 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 300 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil.
Il soutient que :
- le jugement contesté est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, le sens des conclusions était trop imprécis pour envisager une défense orale ou une note en délibéré ;
- la décision contestée du 3 novembre 2017 a été signée par une autorité incompétente ne disposant pas d'une délégation de signature régulièrement publiée et affichée dans l'établissement dans un espace accessible aux prisonniers ;
- elle est insuffisamment motivée en fait
;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle n'est pas intervenue dans le délai de huit jours à compter de la suspension de son activité professionnelle prononcée le 25 septembre 2017, en méconnaissance des articles R. 57-7-22 et R. 57-7-23 du code de procédure pénale, ni dans le délai de 5 jours de cette même suspension, en méconnaissance de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale, alors que son déclassement n'a pas été pris comme sanction disciplinaire sur le fondement de l'article R. 57-7-34 du code de procédure pénale ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les faits, objets de manquements disciplinaires, ne sont pas justifiés.
Par des mémoires enregistrés les 2 et 22 octobre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens du requérant ne sont pas fondés.
Par lettres du 26 novembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe tiré de l'insuffisance de la motivation en fait de la décision en litige, qui repose sur une cause juridique nouvelle en appel.
Par une décision n° 2020/014435 du 9 septembre 2020 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon, confirmée par une ordonnance n° 20LY02759 du 16 décembre 2020 du président de la cour administrative d'appel de Lyon, la demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... ;
- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., incarcéré depuis le 17 février 2016 au centre de détention de Varennes-le-Grand, a fait l'objet le 25 septembre 2017 d'une décision de suspension de son classement aux ateliers. Puis, par une décision du 3 novembre 2017, il a été déclassé de son poste d'opérateur aux ateliers de production du centre pénitentiaire. Par un jugement nos 1702863, 1702875 du 21 décembre 2018, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 7 du code de justice administrative : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent. ". Aux termes de l'article R. 711-3 du même code : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. (...) ".
3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions de de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence les parties ou leurs mandataires doivent être mises en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.
4. Par ailleurs, pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.
5. M. A... soutient n'avoir été en mesure de prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, préalablement à l'audience qui s'est tenue le 29 novembre 2018 à 9h30, que de manière imprécise. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance que, conformément à l'article R. 711-3 du code de justice administrative, le rapporteur public a mis en ligne sur l'application " Sagace ", le 27 novembre 2018 à 8h00, le sens de ses conclusions et qu'il indiquait de manière suffisante qu'il conclurait dans le sens d'un " rejet au fond ", en précisant même " l'absence de moyen fondé ". Dès lors le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. En premier lieu, devant le tribunal administratif de Dijon, M. A... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision attaquée, en particulier ceux tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation. Si devant la cour, il soutient en outre que cette décision serait entachée d'une insuffisance de sa motivation en fait, ce moyen de légalité externe, fondé sur une cause juridique distincte et nouvelle en appel ne peut être accueilli. Il y a lieu en revanche de statuer sur le moyen, d'ordre public, tiré de l'incompétence du signataire de la décision contesté.
7. Aux termes de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale : Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue. ". Aux termes de l'article R. 57-7-5 du même code : " Pour l'exercice de ses compétences en matière disciplinaire, le chef d'établissement peut déléguer sa signature à son adjoint, à un fonctionnaire appartenant à un corps de catégorie A ou à un membre du corps de commandement du personnel de surveillance placé sous son autorité. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée portant déclassement d'un emploi a été signée par le capitaine Duval, chef du pôle ATF, à qui la directrice du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand avait consenti une délégation de signature à cet effet, par une décision du 1er février 2017, publiée le 8 février 2017 au recueil des actes administratifs spécial de Saône-et-Loire. Eu égard à l'objet d'une délégation de signature qui, quoique constituant un acte réglementaire, n'a pas la même portée à l'égard des tiers qu'un acte modifiant le droit destiné à leur être appliqué, sa publication au recueil des actes administratifs, qui permet de donner date certaine à la décision de délégation prise par le chef d'établissement, a constitué une mesure de publicité suffisante pour rendre les effets de la délégation de signature opposables aux tiers, notamment à l'égard des détenus de l'établissement pénitentiaire. Par, suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée a été signée par une autorité incompétente doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-22 du code de procédure pénale : " Lorsque la faute reprochée à la personne détenue a été commise au cours ou à l'occasion de l'emploi qu'elle occupe, le chef d'établissement ou son délégataire peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider de suspendre l'exercice de l'activité professionnelle de cette personne jusqu'à sa comparution devant la commission de discipline, si cette mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute, de faire cesser le trouble occasionné au bon déroulement des activités de travail ou d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement. ". Aux termes de l'article R. 57-7-23 du même code : " La durée de la suspension à titre préventif est limitée au strict nécessaire et ne peut excéder huit jours ouvrables pour les personnes majeures et trois jours ouvrables pour les personnes mineures de plus de seize ans. Le délai de computation de la suspension à titre préventif commence à courir le lendemain du prononcé de la suspension. Il expire le huitième jour suivant le prononcé de la suspension à vingt-quatre heures ou le troisième jour à vingt-quatre heures pour les personnes mineures. Le délai qui expirerait un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. ". Aux termes de l'article R. 57-7-24 du même code : " La durée de la suspension effectuée à titre préventif s'impute sur celle de la sanction à subir lorsqu'est prononcée à l'encontre de la personne détenue la sanction de suspension d'emploi. ". Aux termes de l'article R. 57-7-34 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent également être prononcées : (...) 2° Le déclassement d'un emploi ou d'une formation lorsque la faute disciplinaire a été commise au cours ou à l'occasion de l'activité considérée ". Aux termes de l'article D. 432-4 du même code : " Lorsque la personne détenue s'avère incompétente pour l'exécution d'une tâche, cette défaillance peut entraîner le déclassement de cet emploi. / Lorsque la personne détenue ne s'adapte pas à un emploi, elle peut faire l'objet d'une suspension, dont la durée ne peut excéder cinq jours, afin qu'il soit procédé à une évaluation de sa situation. A l'issue de cette évaluation, elle fait l'objet soit d'une réintégration dans cet emploi, soit d'un déclassement de cet emploi en vertu de l'alinéa précédent. / Dans le cadre de l'insertion par l'activité économique, la personne détenue pourra être déclassée ou suspendue dans les mêmes conditions pour le non-respect de l'accompagnement socioprofessionnel proposé. ".
10. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet le 25 septembre 2017, qui lui a été notifiée le 28 septembre 2017, d'une mesure de suspension de travail à titre conservatoire au motif que son attitude était incompatible avec le travail collectif aux ateliers. Cette mesure de suspension est intervenue sur le fondement des articles R. 57-7-22 et R. 57-7-23 du code de procédure pénale en raison d'une faute disciplinaire de l'intéressé et non, sur le fondement de l'article D. 432-4 de ce code, en raison de son inadaptation à l'emploi. Il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 57-7-23 du code de procédure pénale que la décision de déclassement doive à peine d'irrégularité intervenir dans un délai de 8 jours à compter de la mesure de suspension de l'activité professionnelle, mais uniquement que cette mesure ne peut excéder huit jours ouvrables pour les personnes majeures. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée, qui constitue, contrairement à ce que soutient M. A..., une sanction disciplinaire prise sur le fondement de l'article R. 57-7-34 du code de procédure pénale, et non une mesure prononcée en raison de son inadaptation à l'emploi, n'est pas intervenue dans le délai de huit jours à compter de la suspension de son activité professionnelle prononcée le 25 septembre 2017, en méconnaissance des articles R. 57-7-22 et R. 57-7-23 du code de procédure pénale, ni dans le délai de 5 jours de cette même suspension, en méconnaissance de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale, doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant.
11. En troisième et dernier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction prononcée est proportionnée à la gravité de ces fautes.
12. Il ressort des pièces du dossier de première instance, en particulier des comptes rendus d'incidents, que le 21 septembre 2017, au sein d'un atelier, M. A... s'est emporté et a insulté un autre détenu, puis le 24 septembre 2017, a repoussé brusquement à plusieurs reprises un autre détenu dans la cour de promenade. L'intéressé ne conteste pas sérieusement la réalité de ces faits, ni ceux mentionnés dans la décision contestée, en particulier son attitude agressive envers un lieutenant pénitentiaire le 19 septembre 2017, et son refus de se rendre aux ateliers le 20 septembre 2017, qui sont mentionnés dans une synthèse des observations. Par suite, les moyens tirés de ce que ladite décision serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation doivent, eu égard notamment à la gravité des faits et aux circonstances dans lesquels ils se sont produits, être écartés.
13. Il résulte de tout de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
14. Ses conclusions au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
M. D..., premier conseiller,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.
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N° 20LY01708