Procédure devant la cour
I. A... une requête enregistrée le 27 mai 2021 sous le n° 21LY01671, la préfète de l'Ain demande à la cour d'annuler les articles 3 et 4 de ce jugement et de rejeter les conclusions de la demande présentée A... Mme D... dirigées contre les décisions annulées.
Elle soutient que :
- Mme D... n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 21 septembre 2018, date à laquelle son refus implicite né du silence gardé sur la demande de titre de séjour de l'intéressée n'était pas encore intervenu, de sorte que l'annulation contentieuse de ce refus n'a pas fait obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement ; le motif tiré de ce qu'elle s'est également soustraite à une obligation de quitter le territoire français prise le 3 mai 2016 suffisait à fonder la décision lui refusant un délai de départ volontaire ; en outre, le motif tiré de ce qu'elle ne présentait pas de garanties suffisantes peut y être substitué ;
- l'interdiction de retour pendant une durée de deux ans n'était donc pas disproportionnée ;
- le retrait de la décision d'assignation à résidence ne faisant pas grief à Mme D..., c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il n'avait pas acquis un caractère définitif ;
- il a omis de statuer sur les conclusions dirigées contre sa décision du 10 mai 2021 qui s'est substituée à cette décision ;
- les autres moyens soulevés A... Mme D... devant le tribunal ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme D... qui n'a pas produit d'observations.
II. A... une requête enregistrée le 27 mai 2021 sous le n° 21LY01683, la préfète de l'Ain demande à la cour qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2103352 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 17 mai 2021 sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens qu'elle soulève dans la requête au fond sont de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions accueillies A... ce jugement.
La requête a été communiquée à Mme D... qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel ;
- et les observations de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué A... un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre le même jugement.
2. Mme E... D..., ressortissante albanaise née en 1973, est entrée en France en 2012 accompagnée de son époux et de leurs trois enfants alors mineurs. A... un arrêté du 27 avril 2021, la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office, lui a interdit de revenir en France avant deux ans et l'a assignée à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable une fois avec obligation de présentation aux services de police trois fois A... semaine. A... un jugement du 17 mai 2021, le magistrat désigné A... le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions portant refus de délai de départ volontaire, interdiction de retour de deux ans et assignation à résidence, a renvoyé les conclusions de la demande dirigées contre le refus de titre de séjour et les conclusions accessoires qui s'y rattachaient devant une formation collégiale, a enjoint à la préfète de l'Ain de mettre à jour la situation de Mme D... dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus des conclusions. La préfète de l'Ain demande l'annulation de ce jugement A... la requête n° 21LY01671 et qu'il soit suris à son exécution A... la requête n° 21LY01683.
Sur la requête n° 21LY01671 :
3. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dont l'alinéa 6 notamment est repris à l'article L. 612-2 de ce code : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, A... une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'après le rejet définitif de sa demande d'asile, le préfet de l'Ain a obligé Mme D... à quitter le territoire français A... une décision du 3 mai 2016 dont la validité a été confirmée A... un jugement définitif du 24 novembre 2016 du tribunal administratif de Lyon. Au mois de décembre 2016, Mme D... a demandé au préfet de l'Ain de régulariser sa situation administrative. Le silence gardé A... le préfet sur sa demande a fait naître une décision implicite de rejet. A... des courriers des 30 mars et 22 mai 2018, elle lui a de nouveau demandé de régulariser sa situation. Le 9 août 2018, le préfet a accusé réception de sa demande qu'il a expressément rejetée A... un arrêté du 21 septembre 2018 portant en outre obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour en France pendant un an. A... un jugement du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon, qui a considéré qu'une décision implicite de rejet était intervenue, a annulé cette décision et a enjoint au préfet de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme D... qui a été convoquée à cette fin le 5 novembre 2020. Il s'ensuit que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir d'une part que le premier juge s'est mépris sur l'objet de l'arrêté du 21 septembre 2018 en estimant que l'obligation de quitter le territoire français était fondée sur une décision implicite de rejet et, d'autre part, que le motif tiré de ce que Mme D... n'avait pas exécuté les précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre le 3 mai 2016 et le 21 septembre 2018 suffisait à fonder la décision du 27 avril 2021 litigieuse lui refusant tout délai de départ volontaire. La préfète est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné a annulé la décision portant refus de délai de départ volontaire au motif qu'il avait retenu à tort que Mme D... risquait de se soustraire à la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet le 27 avril 2021.
5. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige A... l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés A... Mme D... devant le tribunal administratif de Lyon.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 27 avril 2021 a été signé A... M. C... B..., directeur de la citoyenneté et de l'intégration, qui avait reçu délégation à cet effet A... un arrêté du préfet de l'Ain du 14 décembre 2020, régulièrement publié le même jour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit donc être écarté comme manquant en fait.
7. Il ressort des énonciations des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sans délai, prises aux visas de l'article L. 313-14 et du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui sont suffisamment motivées en fait, que le préfet de l'Ain, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée, a procédé à un examen complet de la situation personnelle de Mme D.... Les décisions en cause ne sont donc pas entachées d'une erreur de droit.
8. Eu égard aux conditions de séjour en France de Mme D..., à l'absence d'obstacle à ce que la cellule familiale soit reconstituée dans son pays d'origine et à ce que la scolarité de ses enfants se poursuive en Albanie, les récépissés de demande de titre de séjour n'autorisant alors qu'à titre provisoire la présence de sa fille aînée, sans préjuger de la suite donnée à sa demande, le préfet de l'Ain, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris ces décisions. Il n'a donc méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur reprises à l'article L. 423-23 de ce code, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme D....
9. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont reprises à l'article L. 435-1 de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...). ".
10. Mme D... s'est prévalue à l'appui de sa demande de titre de séjour de l'ancienneté de sa présence en France, de sa situation familiale et d'une promesse d'embauche A... contrat à durée indéterminée A... une société de nettoyage. Ces éléments, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, ne suffisent pas à caractériser des circonstances particulières justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte ce qui précède que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que les autres décisions contenues dans l'arrêté du 27 avril 2021 sont illégales en conséquence de l'illégalité de ces décisions.
12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur dont les alinéas 1 et 2 sont repris à l'article L. 612-6 de ce code : " L'autorité administrative, A... une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) ".
13. Le préfet de l'Ain a décidé d'interdire à Mme D... de revenir sur le territoire français pendant deux ans aux motifs qu'elle avait passé l'essentiel de son existence en Albanie où se trouvaient ses attaches sociales, familiales et culturelles, qu'elle se maintenait irrégulièrement en France après avoir fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, que son époux avait été éloigné vers l'Albanie le 20 avril 2021 et que ses trois enfants avaient vocation à suivre leurs parents dans ce pays dans lequel ils pourraient poursuivre leur scolarité. Les motifs de la décision justifient dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, alors que Mme D... ne justifie d'aucune circonstance particulière. Dès lors, le préfet de l'Ain, qui a procédé à un examen complet de la situation de Mme D..., n'a pas fait une inexacte application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées en prononçant à son encontre une telle mesure d'interdiction et en en fixant la durée à deux ans. Il n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si l'article 3 de l'arrêté litigieux mentionne que l'interdiction de retour est prononcée pour une durée de deux ans à compter de sa notification, cette erreur de plume est A... elle-même sans incidence sur la légalité de la décision.
14. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée A... une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.
15. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'instance introduite devant le tribunal administratif de Lyon, le préfet de l'Ain a procédé au retrait de la décision d'assignation à résidence du 27 avril et 2021 et l'a remplacée A... une décision du 10 mai 2021 ayant également pour effet d'assigner Mme D... à résidence. Cette décision n'avait pas acquis un caractère définitif lorsque le magistrat désigné a statué A... le jugement attaqué. Dès lors, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier faute d'avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur les conclusions de la demande dirigées contre la décision du 27 avril 2021 et faute d'avoir regardé la demande de Mme D... comme tendant également à l'annulation de la décision du 10 mai 2021 doit être écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Ain est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le magistrat désigné a annulé les décisions portant refus de départ volontaire et interdiction de retour en France pendant une durée de deux ans et lui a enjoint de mettre à jour la situation de Mme D... dans le système d'information Schengen.
Sur la requête 21LY01683 :
17. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 2103352 du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 21LY01683 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont ainsi privées d'objet. Il n'y a pas lieu, A... suite, d'y statuer.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21LY01683.
Article 2 : L'article 3 du jugement n° 2103352 du 17 mai 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il annule les décisions de la préfète de l'Ain du 27 avril 2021 portant refus de départ volontaire et interdiction de retour en France pendant une durée de deux ans et l'article 4 de ce jugement sont annulés.
Article 3 : Les conclusions de la demande présentée A... Mme D... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation des décisions de la préfète de l'Ain du 27 avril 2021 portant refus de départ volontaire et interdiction de retour en France pendant une durée de deux sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... D....
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère,
Rendu public A... mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
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N°s 21LY01671, 21LY01683