Par une requête, enregistrée le 9 mai 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susmentionné n° 1702662 du 7 mars 2019 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de rejeter la demande de M. D....
Elle soutient que :
- M. A..., chef de détention, avait reçu délégation pour présider la commission de discipline par décision du 1er février 2017 régulièrement publiée et que la commission était régulièrement composée puisque M. A... était assisté d'un surveillant et d'une personne extérieure à l'administration pénitentiaire dûment habilitée ;
- elle s'en remet pour le surplus aux écritures produites en première instance.
La clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2020 par une ordonnance du 28 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... D..., détenu au centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand, a fait l'objet d'un compte rendu d'incident du 10 juillet 2017 pour avoir fait tomber une substance illicite au sol lors d'une fouille réalisée le 7 juillet 2017. Suite à la réunion de la commission de discipline le 20 juillet 2017, le président de la commission a prononcé une sanction de déclassement d'emploi. Par une décision du 26 juillet 2017, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a rejeté le recours administratif préalable formé par le requérant le 24 juillet 2017 et confirmé la décision de sanction. Par un jugement n° 1702662 du 7 mars 2019 dont la garde des sceaux, ministre de la justice relève appel, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision du 26 juillet 2017.
2. Selon le premier alinéa de l'article R. 57-7-5 du code de procédure pénale : " Pour l'exercice de ses compétences en matière disciplinaire, le chef d'établissement peut déléguer sa signature à son adjoint, à un fonctionnaire appartenant à un corps de catégorie A ou à un membre du corps de commandement du personnel de surveillance placé sous son autorité. ". Aux termes de l'article R. 57-7-6 du même code : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs. ". Aux termes de l'article R. 57-7-8 du même code, dans sa version alors applicable : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance. ".
3. Il ressort du dossier de première instance que la décision contestée confirmant la décision du président de la commission de discipline, est intervenue après consultation le 20 juillet 2017 à 9h00 de cette commission. Il ressort également de ce dossier et des pièces produites en appel par la garde des sceaux, ministre de la justice, en particulier de l'exemplaire complet du document qualifié de " registre de la commission de discipline ", que, lors de cette séance du 20 juillet 2017, la commission de discipline était présidée par M. A..., chef de détention, qui a reçu délégation à cet effet par une décision du 1er février 2017 de la directrice de l'établissement pénitentiaire, publiée le 8 février 2017 au recueil des actes administratif spécial du département de Saône-et-Loire. M. A... était assisté de deux assesseurs, soit un surveillant pénitentiaire et une personne extérieure à l'administration pénitentiaire, habilitée par une ordonnance du 31 mars 2016 de la présidente du tribunal de grande instance de Châlons-sur-Saône.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon s'est fondé pour annuler la décision en litige sur des irrégularités relatives à la composition et au fonctionnement de la commission de discipline.
5. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Dijon.
6. En premier lieu, selon l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue. ".
7. En l'espèce, la décision d'engager les poursuites du 12 juillet 2017 émane de M. E... B..., lieutenant pénitentiaire, qui bénéficiait d'une délégation de signature consentie à cet effet par une décision du 2 janvier 2015 du directeur du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand. M. D... n'est donc pas fondé à soutenir que l'autorité qui a engagé les poursuites disciplinaires ne disposait pas d'une délégation du directeur de l'établissement pour renvoyer les détenus devant la commission de discipline.
8. En deuxième lieu, l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 (qui vise notamment celle qui infligent une sanction) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration aux décisions mentionnées à l'article précédent (qui vise notamment les décision intervenant en matière disciplinaire), la personne détenue dispose d'un délai pour préparer ses observations qui ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat ou du mandataire agréé, si elle en fait la demande. L'autorité compétente peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue, à son avocat ou au mandataire agréé les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires. ". Aux termes de l'article R. 57-7-16 du même code : " En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. Le dossier de la procédure disciplinaire est mis à sa disposition. La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le 17 juillet 2017 à 10h30, les éléments de son dossier disciplinaire ont été remis à M. D..., en particulier le compte rendu d'incident, le rapport d'enquête et la convocation devant la commission de discipline, avant la séance de commission de discipline, réunie le 20 juillet 2017 à 9h00. Il a ainsi disposé d'un délai d'au moins trois heures pour préparer ses observations, conformément aux dispositions de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale.
10. En troisième lieu, ni les dispositions des articles R. 57-6-16 et R. 57-7-17 du code de procédure pénale, ni aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général n'impose à l'administration de permettre à la personne détenue de conserver une copie de son dossier disciplinaire. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit précédemment les éléments du dossier disciplinaire de M. D... qui lui ont été remis le 17 juillet 2017 contenaient un exposé précis des faits reprochés. Il a toutefois refusé de se déplacer pour consulter son dossier. Son avocat a pu quant à lui en prendre connaissance lors de la séance de la commission de discipline. Il appartenait à l'intéressé, qui disposait de quinze jours pour contester la sanction prononcée par la commission, de demander s'il l'estimait nécessaire la communication à nouveau de son dossier et, éventuellement, la communication de copies. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : (...) 8° D'introduire ou de tenter d'introduire au sein de l'établissement des produits stupéfiants, de les détenir ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service. ". Aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : 10° De détenir des objets ou substances interdits par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement ou par toute autre instruction de service ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service, hors les cas prévus aux 7°, 8° et 9° de l'article R. 57-7-1 ".
12. Il ressort des pièces du dossier que lors d'une fouille à corps pratiquée sur M. D..., le premier surveillant a constaté que l'intéressé s'était alors débarrassé de résine de cannabis. La détention d'un tel produit stupéfiant constitue une faute disciplinaire du premier degré au sens de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée procède d'une qualification juridique des faits erronée.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-34 du code de procédure pénale : " Lorsque la personne détenue est majeure, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent également être prononcées : (...) 2° Le déclassement d'un emploi ou d'une formation lorsque la faute disciplinaire a été commise au cours ou à l'occasion de l'activité considérée ".
14. Il ressort des pièces du dossier qu'il a été constaté que M. D... détenait de la résine de cannabis pendant sa présence à l'atelier. La faute disciplinaire a donc bien été commise au cours ou à l'occasion de l'activité considérée. M. D... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit.
15. En sixième et dernier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
16. Eu égard à la nature et la gravité des faits retenus, la sanction n'apparait pas comme disproportionné, alors qu'il n'est pas établi que l'intéressé, comme il le soutient, aurait été contraint, sous la menace d'autres détenus, de servir d'intermédiaire pour transmettre le produit en sa possession à un autre détenu.
17. Il résulte de ce qui précède, que la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 26 juillet 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé la sanction prononcée le 20 juillet 2017 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement susmentionné n° 1702662 du 7 mars 2019 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. F... D... devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2020.
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N° 19LY01769