Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2020, M. C..., représenté par Me A... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susmentionné du 21 janvier 2020 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler les décisions du 26 février 2019 par lesquelles la préfète du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le Sénégal comme pays de destination en cas d'éloignement d'office ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Puy-de-Dôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, à tout le moins, d'enjoindre à la préfète du Puy-de-Dôme de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, au bénéfice de son conseil Me A...-E..., sous réserve que son conseil renonce au bénéfice de cette aide.
Il soutient que :
- s'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
. elle n'est pas motivée en droit ;
. elle viole les stipulations de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006 et est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en exigeant une condition de réalité et de sérieux des études poursuivies, qui n'est pas prévue par cet accord et par la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995, ni par l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
. elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la préfète aurait nécessairement dû faire application de l'article L 313-7 II du CESEDA et de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995, pour renouveler son titre de séjour et eu égard à l'accord du 23 septembre 2006 qui prévoit dans son article 3 que le gouvernement français facilite la délivrance d'un titre de séjour aux étudiants boursiers sénégalais ;
. elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie du sérieux de ses études, d'une inscription dans un établissement scolaire et qu'il bénéficie de ressources suffisantes ;
. elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
. elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- s'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
. elle est entachée d'une erreur de droit, porte une atteinte grave à son droit de mener une vie privée et familiale normale, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en le plaçant dans l'impossibilité de passer ses examens pour terminer son cursus étudiant ;
- s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
. elle est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par une ordonnance du 3 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2020.
Par une décision du 4 mars 2020, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;
- l'accord entre la France et le Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé à Dakar le 23 septembre 2006 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... F... C..., ressortissant sénégalais, est entré en France le 6 septembre 2010 sous couvert d'un visa de type D et a bénéficié de la délivrance successive de six cartes de séjour mention " étudiants ". Par un arrêté du 26 février 2019, la préfète du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de renouvellement de ce titre et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination auquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 1900949 du 21 janvier 2020, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de ces décisions.
S'agissant du bien-fondé du jugement :
Concernant la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, il y a lieu par adoption des motifs des premiers juges d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation en droit de la décision contestée.
3. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". L'article 13 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 susvisée stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article 9 de la même convention : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre État, doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi (...). Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants ". Aux termes de l'article 3.1.5 de l'accord du 23 septembre 2006 susvisé : " 315. _ Les autorités françaises s'engagent à faciliter, dans le respect de la législation en vigueur, la délivrance d'une carte de séjour aux étudiants boursiers ".
4. Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...) II. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte mentionnée au I est accordée de plein droit : (...) 5° A l'étranger ressortissant d'un pays ayant signé avec la France un accord de réciprocité relatif à l'admission au séjour des étudiants.".
5. D'une part, la situation des ressortissants sénégalais désireux de poursuivre leurs études en France est régie par les stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise précitée, de sorte que la préfète du Puy-de-Dôme a commis une erreur de droit en se fondant sur les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. C... en qualité d'étudiant. Toutefois, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a procédé à juste titre à la substitution de ces stipulations à la base légale erronée appliquée par le préfet, dès lors que cette substitution ne privait l'intéressé d'aucune garantie.
6. D'autre part, pour l'application des stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise, il appartient à l'administration de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement ses études, en en appréciant la réalité, le sérieux et la progression.
7. Il ressort des pièces du dossier que, depuis l'année scolaire 2010-2011, M. C... était inscrit en brevet de technicien supérieur (BTS) en analyse agricole, biologique et biotechnologique et qu'il n'a pas obtenu ce diplôme. En outre, pour les années universitaires de 2013-2014 à 2017-2018, il était inscrit en deuxième année de licence en science de la vie et n'a pas validé cette année. Il ressort en particulier des relevés de note que pour l'année 2017-2018, l'intéressé n'a validé aucune matière de la deuxième année de licence. Il s'est de nouveau inscrit en deuxième année de cette licence pour l'année universitaire 2018-2019. Dans ces conditions, et bien que le requérant n'aurait plus que deux matières à valider pour obtenir son BTS et aurait validé plusieurs enseignements pour sa licence, le préfet qui lui a opposé l'absence de progression dans ses études n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit ni d'une erreur d'appréciation.
8. Le requérant, n'est donc pas fondé, à invoquer une méconnaissance des dispositions susmentionnées du II de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait, par ailleurs, tirer des stipulations précitées de l'article 3.1.5 de l'accord du 23 septembre 2006, un quelconque droit au séjour en qualité d'étudiant, compte tenu de ce qui a été dit au point 7.
9. En deuxième lieu, d'une part, le requérant ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constituent ni le fondement de sa demande de titre de séjour, ni l'un des motifs de la décision contestée.
10. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
11. M. C... est entré en France le 6 septembre 2010 afin de poursuivre des études. Les titres de séjour qu'il a obtenus en qualité d'étudiant ne lui donnait pas vocation à s'établir durablement en France et, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne justifie pas du sérieux et de la progression de ses études. Il est célibataire, sans enfant à charge et ne démontre ni l'existence de liens personnels ou familiaux intenses, anciens et stables en France, ni l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. C..., et bien qu'il ait exercé un emploi de distributeur et se soit investi au sein de l'association des étudiants sénégalais de Clermont-Ferrand, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle ne méconnaît dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que ladite décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Concernant la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux développés au point 11.
Concernant de la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
13. En se bornant à faire état de l'impossibilité de se présenter à ses examens pour terminer son cursus étudiant, alors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le sérieux et la progression de ses études font défaut, le requérant ne démontre pas que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit, porte une atteinte grave à son droit de de mener une vie privée et familiale normale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Concernant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. Les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français lieu n'ayant pas été censurées, la décision fixant le pays de destination ne saurait être annulée par voie de conséquence.
15. Il résulte de tout de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
16. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... F... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2020.
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N° 20LY01589