Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, M. F... alias E..., représenté par Me Brey, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2019 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté préfectoral du 3 juillet 2019 et à titre subsidiaire, de suspendre son exécution ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours ou à tout le moins, de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;
4°) en toutes hypothèses, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
- le préfet fonde sa décision sur le fait qu'il est très défavorablement connu des forces de l'ordre ; or, il ne produit pas l'habilitation de l'agent ayant consulté le fichier du traitement des antécédents judiciaires ;
- le refus de l'autoriser à résider en France méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet s'est cru à tort lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;
- compte tenu de sa situation, il aurait dû voir sa situation régularisée à titre exceptionnel ; le refus de l'autoriser à résider en France est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison des illégalités entachant le refus de l'autoriser à résider en France ;
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire devra être annulé en ce qu'il se fonde sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;
- cette décision est, par ailleurs, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions sur lesquelles elle se fonde ;
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il ne peut être renvoyé en Chine alors qu'il est mongol ;
- il expose des éléments sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile et donc la suspension de l'exécution de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2020, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés ;
- il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français puisque la Cour nationale du droit d'asile s'est prononcée sur le recours de l'intéressé contre la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2019.
M. F... alias E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lesieux.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... alias E..., né en 1989, qui se dit de nationalité mongole, est entré irrégulièrement en France le 5 juillet 2015, avec sa compagne et sa fille née en 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 décembre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 5 juillet 2017. Par une décision du 25 octobre 2017, qui n'a pas été mise à exécution, le préfet de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français. Par décisions du 30 novembre 2017 puis du 30 avril 2019, le directeur général de l'OFPRA a rejeté, pour irrecevabilité, ses demandes de réexamen de sa demande d'asile. En conséquence de cette seconde décision, le préfet de la Loire, par un arrêté du 3 juillet 2019, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. F... alias E... relève appel du jugement du 2 décembre 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions.
2. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. Christophe Marot, secrétaire général de la préfecture de la Côte-d'Or qui disposait d'une délégation de signature à cet effet, en vertu d'un arrêté préfectoral du 26 juillet 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 27 juillet suivant.
3. En deuxième lieu, l'intéressé se prévaut, d'une part, de ce qu'il est père de deux enfants dont l'un est scolarisé et l'autre, né en France en 2016, le sera prochainement et d'autre part, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en tant que saisonnier viticole. Toutefois, il ressort des énonciations non contestées de l'arrêté en litige, que sa compagne réside irrégulièrement en France et a fait, comme lui, l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il a vécu la majeure partie de sa vie en Chine, où résident son père et ses beaux-parents. Dans ces conditions, l'intéressé, qui ne peut utilement se prévaloir de la naissance de son troisième enfant postérieurement à la date de l'arrêté contesté, n'établit pas que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer hors de France et que le préfet de la Côte-d'Or aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour refuser à l'intéressé un délai de départ volontaire, le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur les dispositions du 1° et du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles l'autorité administrative peut décider que l'étranger est obligé de quitter le territoire français sans délai si son comportement constitue une menace pour l'ordre public ou s'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement.
5. Si le préfet de la Côte-d'Or n'établit pas, par la seule attestation qu'il produit, que l'agent qui a consulté le fichier du traitement des antécédents judiciaires était individuellement habilité pour ce faire, il ressort des pièces du dossier, et ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, que M. F... alias E... n'a pas déféré à la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 25 octobre 2017. Cette seule circonstance suffit à fonder légalement la décision de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire.
6. En quatrième lieu, il ressort des termes de l'article 4 de l'arrêté en litige que M. F... alias E... pourra être reconduit d'office à destination de la Chine, pays dont il déclare avoir la nationalité ou dans tout autre pays où il serait légalement admissible. Si l'intéressé se déclare désormais de nationalité mongole, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est déclaré de nationalité chinoise aux services de la préfecture ainsi qu'aux services de police lors de son audition le 11 septembre 2018. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne conteste pas avoir vécu l'essentiel de sa vie en Chine où résident son père et ses beaux-parents. Ainsi, à supposer que l'intéressé soit de nationalité mongole, il ressort des pièces du dossier que le préfet, qui a également fixé comme pays de destination, le pays dans lequel il est légalement admissible, aurait pris la même décision dès lors que M. F... alias E... n'établit pas qu'il ne serait pas légalement admissible en Chine.
7. En cinquième lieu, la demande d'asile de l'intéressé et ses demandes de réexamen ont été rejetées par le directeur général de l'OFPRA et la CNDA. M. F... alias E... ne faisant valoir aucun élément nouveau sur les risques encourus personnellement en cas de retour en Chine ni d'ailleurs en Mongolie, n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auquel renvoie l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen invoqué tiré de l'annulation par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, des décisions lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.
9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté, par une ordonnance du 11 septembre 2019, le recours formé par M. F... alias E... à l'encontre de la décision du directeur général de l'OFPRA du 30 avril 2019. Il est donc constant, ainsi que l'a jugé le président du tribunal administratif de Dijon, que cette ordonnance a été prise antérieurement au jugement attaqué du 2 décembre 2019, privant à cette date, de leur objet, les conclusions aux fins de suspension dont était saisi le premier juge sur le fondement de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... alias E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... alias E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... alias M. C... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
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N° 20LY00956