Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2020 M. A..., représenté par Me Duquennoy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "salarié" ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais du litige.
Il soutient que :
- le motif sur lequel le préfet s'est fondé pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tiré de ce qu'il se serait maintenu sur le territoire français près de trois ans sans entamer de démarches en vue de régulariser sa situation, est entaché d'inexactitude matérielle ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des 4° et 10 ° de l'article L. 511-4 de ce code ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit d'observations.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement en tant qu'il a omis de constater un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi contenue dans l'arrêté du 15 juin 2020 et abrogée par un arrêté du 14 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Michel ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ukrainien né en 1971 et entré en France en dernier lieu en 2016, a demandé le 22 mars 2019 au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 15 juin 2020, le préfet a rejeté sa demande sur le fondement des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti ce refus de décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif a de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Par un arrêté du 14 août 2020, postérieur à l'introduction la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Dijon, le préfet de Saône-et-Loire a abrogé la décision désignant l'Ukraine comme pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 15 juin 2020. Le tribunal, qui n'était pas saisi de conclusions dirigées contre l'arrêté du 14 août 2020, a omis de constater un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi qui était devenue sans objet. Il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler le jugement du tribunal qui a statué sur ces conclusions et, par voie de l'évocation, de prononcer ce non-lieu.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris en substance à l'article L. 435-1 de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
4. M. A... soutient qu'il a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 6 septembre 2016 avec la société de transports routiers qui l'employait depuis le 4 juillet 2016 et que l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bourgogne-Franche-Comté du 2 décembre 2019 est la conséquence de circonstances indépendantes de sa volonté, tenant à l'incurie du responsable des ressources humaines de cette entreprise. Ces éléments et aussi regrettables que soient de tels agissements, ne suffisent pas à caractériser des circonstances exceptionnelles particulières justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que, par ailleurs, il est célibataire et dépourvu d'attaches familiales en France. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de ces dispositions.
5. En vertu du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 423-23 de ce code, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger : " ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
6. Si, au vu de ce qui précède, M. A... est fondé à soutenir que le préfet ne pouvait, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui opposer un motif tiré de ce qu'il s'était maintenu en France pendant près de trois ans sans entamer de démarches en vue de régulariser sa situation, il ressort toutefois des pièces du dossier que cette autorité aurait pris la même décision à son égard si elle ne s'était fondée que sur les motifs tirés de la durée de son séjour en France et de son isolement familial, qui suffisaient à eux seuls à fonder le refus de titre de séjour. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français et a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. M. A... qui n'établit pas qu'il résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date de l'obligation de quitter le territoire français contestée, n'est pas fondé à soutenir que cette décision méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 611-3 de ce code.
8. Pour le surplus, M. A... reprend en appel les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10° de l'article L. 511-4 du même code dont les dispositions sont reprises aux articles L. 421-1 et L. 611-3 de ce code. Ces moyens ne sont assortis d'aucune précision supplémentaire ni d'aucun élément pertinent constitutifs d'une critique des motifs par lesquels le tribunal les a justement rejetés. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs du jugement attaqué.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001674 du tribunal administratif de Dijon du 5 novembre 2020 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... dirigées contre l'arrêté du 15 juin 2020 en tant qu'il désigne le pays de renvoi, pour lesquelles il n'y avait plus lieu de statuer.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision désignant le pays de renvoi contenu dans l'arrêté du 15 juin 2020.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente rapporteure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.
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N° 20LY03791