Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2020, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou, subsidiairement et dans le même délai, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas indiqué dans l'arrêté contesté les éléments sur lesquels il s'est fondé pour affirmer que le traitement nécessaire à l'état de santé de sa fille est disponible en République d'Arménie ;
- cette insuffisante motivation révèle que le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- il a méconnu les dispositions de l'article L. 311-12, du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par une ordonnance du 7 octobre 2020, la requête a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Par une décision du 2 septembre 2020, Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Mme E... ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme B... ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... E..., ressortissante arménienne, est entrée en France au mois de mars 2017 en compagnie de son époux A... et de leurs trois enfants mineurs. Sa demande d'asile et celle de son conjoint ont été définitivement rejetées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 23 août 2018. Par un arrêté du 12 juin 2019, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Elle relève appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. L'arrêté du 12 juin 2019 énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est, dès lors, suffisamment motivé. Le préfet n'était pas tenu, à peine d'irrégularité, de préciser les éléments sur lesquels il s'est appuyé pour suivre l'avis émis par le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 19 avril 2019 au vu duquel il a refusé de délivrer à Mme E... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de Mme E... n'est dès lors pas davantage fondé.
3. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, (...), sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 (...) ". Le 11° de l'article L. 313-11 du même code vise le cas de " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
4. Le collège des médecins de l'OFII, dans son avis du 19 avril 2019, a estimé que si l'état de santé de la fille aînée de Mme E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Il ressort des pièces du dossier que la jeune-fille est atteinte d'une pathologie chronique systémique avec risque d'aggravation nécessitant selon les médecins qui la suivent en France une prise en charge spécialisée et multidisciplinaire et parfois la prescription d'immunosuppresseurs, outre la prise de trois médicaments. Les seules circonstances que l'un de ces médicaments, qui est disponible en République d'Arménie, ne figure pas sur la liste des médicaments achetés et fournis gratuitement par l'Etat aux patients concernés et que le diagnostic de la maladie a été posé en Suisse, ne suffisent pas à contredire l'avis du collège de l'OFII. Dès lors, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Ain aurait méconnu l'article L. 311-12 et le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Compte tenu de ce qui vient d'être dit et en dépit des efforts d'insertion de Mme E... et de son époux, également en situation irrégulière, en l'absence d'obstacle à ce que la cellule familiale soit reconstituée en République d'Arménie où ses trois enfants sont nés et y ont vécu jusqu'à l'âge de 7 ans pour le plus jeune et à ce qu'ils y poursuivent leurs études, le préfet de l'Ain, en prenant l'arrêté contesté, n'a pas porté au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette mesure, ni méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressée.
6. Il s'ensuit que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande d'asile de Mme E... a été définitivement rejetée et elle ne se prévaut d'aucun élément nouveau sur les risques encourus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui prohibent l'éloignement d'un ressortissant étranger vers un Etat où sa vie est menacée, doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme B..., président rapporteur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2020.
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N° 20LY02633