Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 juin 2019, le 21 octobre 2019, le 27 décembre 2019, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, et le 8 juin 2020, le préfet de la Haute-Loire demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, qui a commis des erreurs de droit, il n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il existait de raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes justifiant la décision qu'il a prise ;
- le tribunal ne devait pas apprécier si le comportement de M. C... laissait craindre une utilisation des armes dangereuse pour lui-même ou pour autrui mais s'il existait des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes justifiant un dessaisissement de ses armes, la décision ayant été prise sur le fondement de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure et non sur le fondement de l'article L. 312-3-1 de ce code ;
- la sous-préfète d'Yssingeaux était compétente pour signer la décision ;
- la décision contestée est suffisamment motivée ;
- cette décision a été précédée d'une procédure contradictoire ;
- les données consultées dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires pouvaient l'être par les agents de la préfecture dans le cadre d'une enquête administrative ;
- la consultation des données du fichier de traitement des antécédents judiciaire a été faite par un agent de la sous-préfecture qui justifie d'une habilitation spéciale du préfet.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 septembre 2019, le 17 février 2020 et le 6 mai 2020, M. C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de réformer le jugement sur le montant des frais du litige mis à la charge de l'Etat en première instance en les portant à la somme de 6 000 euros et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la sous-préfète d'Yssingeaux n'était pas compétente pour signer la décision ;
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;
- le principe du respect du contradictoire n'a pas été respecté puisqu'il n'a pas été entendu par la gendarmerie ;
- les agents de la préfecture habilités à consulter le traitement des antécédents judiciaires pour les besoins d'une enquête administrative ne pouvaient consulter les informations concernant des affaires classées sans suite ainsi que le prévoient les articles 230-8 et R. 40-29 du code de procédure pénale, comme c'est le cas des faits survenus en 2012 et en 2014 ;
- il n'est pas établi que la sous-préfète était habilitée à consulter le traitement des antécédents judiciaires ;
- il n'est pas établi que c'est l'agent habilité par la préfecture à consulter le traitement des antécédents judiciaires qui a consulté les données le concernant ;
- l'habilitation produite par le préfet n'est pas régulière ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en estimant que son comportement justifiait qu'une mesure de dessaisissement soit prise.
Par ordonnance du 19 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mars 2020. La communication de pièces et de mémoires postérieurement à cette clôture a rouvert l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 31 octobre 2017, le préfet de la Haute-Loire a ordonné à M. C... de se dessaisir des armes et munitions en sa possession et lui a, par voie de conséquence, interdit d'acquérir ou de détenir des armes et types d'armes et munitions des catégories B, C et D. Ce dernier a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler cette décision. Par un jugement du 17 avril 2019, dont le préfet de la Haute-Loire relève appel, le tribunal a fait droit à sa demande et dit qu'il n'y avait pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. C... demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en mettant à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de cet article au titre des frais exposés en première instance.
Sur la légalité de l'arrêté du 31 octobre 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieur : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme de toute catégorie de s'en dessaisir. (...) ". Aux termes de l'article R. 312-67 du même code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : (...) 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; cette enquête peut donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. (...) ".
3. Pour justifier la mesure de dessaisissement litigieuse, le préfet de la Haute-Loire s'est fondé sur la circonstance qu'une enquête administrative a fait apparaître que le comportement de M. C... est incompatible avec la détention d'armes. Il a ainsi indiqué que ce dernier avait été signalé pour des faits de menace de mort, de menace de crime, de délit contre les personnes, d'outrage à dépositaire de l'autorité et qu'il a fait l'objet d'une condamnation par les autorités allemandes pour détention non autorisée de munitions.
4. Il ressort des pièces du dossier que les incriminations de menace de mort, de menace de crime, de délit contre les personnes, d'outrage à dépositaire de l'autorité se rapportent à des faits survenus en 2012 et 2014, alors que de fortes tensions existaient entre les agriculteurs et les chasseurs de l'ACCA de Beauzac en raison des dégâts occasionnés aux récoltes par des sangliers et d'agrainages pratiqués illicitement. Ces faits ont donné lieu à une médiation pénale qui a conduit à un classement par le parquet de l'affaire le 20 octobre 2014 après la réussite de la médiation. Dans le cadre de cette médiation, M. C..., qui a déclaré estimer ne pas être l'auteur des infractions qui lui étaient reprochées, s'est engagé à ne plus proférer soit par paroles, soit par écrit de menaces envers les personnes, à mettre à profit ses connaissances pour une chasse respectueuse des lois et règlements et à veiller à ce que les mesures relatives à l'agrainage soient respectées. Il ressort des pièces du dossier, notamment des différents témoignages produits par M. C... qui émanent pour certains d'agriculteurs avec lesquelles il avait été en conflit, que les relations entre les chasseurs et les agriculteurs sont apaisées depuis lors. L'enquête de gendarmerie réalisée en 2017, qui s'est bornée à rappeler les poursuites dont M. C... avait fait l'objet, ne fait état d'aucune nouvelle plainte dirigée contre lui. Par ailleurs, la condamnation prononcée à l'encontre de M. C... en Allemagne en 2005 pour avoir introduit sur le territoire sans autorisation cinq munitions de chasse fait suite à une infraction relevée pour des faits anciens et d'une faible gravité. Par suite, en estimant que ces différents faits révélaient que le comportement de M. C... était incompatible avec la détention d'armes, alors qu'eu égard à leur ancienneté et, s'agissant de la détention des munitions, de leur faible gravité, ils ne justifiaient pas que, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, M. C... doive se dessaisir de ses armes, le préfet a commis une erreur d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 31 octobre 2017 par lequel il a ordonné à M. C... de se dessaisir des armes et munitions en sa possession et lui a, par voie de conséquence, interdit d'acquérir ou de détenir des armes et types d'armes et munitions des catégories B, C et D.
Sur les frais du litige :
6. Par la voie de l'appel incident M. C... demande la réformation du jugement du tribunal en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il demande également la mise à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés en appel. Il y a lieu de faire partiellement droit à ces conclusions en mettant à la charge de l'Etat une somme globale de 2 500 euros à verser à M. C... au titre des frais qu'il a exposés devant le tribunal et la cour.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Loire est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme globale de 2 500 euros pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par ce dernier devant le tribunal administratif et dans la présente instance.
Article 3 : Le jugement n° 1702338 du 17 avril 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2021.
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N° 19LY02275