Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 février 2016, sous le n° 16LY00603, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2015.
Le préfet soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que sa décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant dans la mesure où l'intéressé ne bénéficie pas d'une vie privée et familiale intense, stable et ancienne en France puisqu'à la date de la décision attaquée il n'était en France que depuis 6 mois et dans la mesure également où n'est pas méconnu l'intérêt supérieur de son enfant qui vit en France avec sa mère et peut y poursuivre sa scolarité.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2016, M.B..., représenté par Me Morel, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet du Rhône et de confirmer le jugement attaqué ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros HT, soit 1 200 euros TTC à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour Me Morel de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
M. B...fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la décision préfectorale méconnaissait l'intérêt supérieur de son enfant Ludovic ;
- la décision préfectorale méconnaissait également le 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaissait en outre l'article L. 313-14 du code précité.
M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,
- les observations de Me Morel, représentant M.B....
1. Considérant que M.B..., né en août 1966, est de nationalité camerounaise ; qu'il déclare être entré en France le 22 juillet 2012 en provenance d'Espagne où il résidait sous couvert d'une carte de résident longue durée CE valable jusqu'en 2020 ; qu'il a sollicité le 22 février 2013, à la préfecture du Rhône un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code ; que le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande par une décision du 29 août 2013 dont M. B...a demandé l'annulation ; que le préfet du Rhône relève appel du jugement du 31 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision et lui a enjoint de délivrer à M. B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois ;
2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
3. Considérant que M.B..., a résidé quelques années avec une compatriote en Espagne où leur fils Ludovic est né en avril 2004 ; que M. B... et sa compagne se sont séparés en 2010, date à laquelle cette dernière est venue vivre en France ; que, l'année suivante, Ludovic est venu lui aussi en France rejoindre sa mère qui y réside régulièrement et a eu un autre enfant, de nationalité française ; que M. B..., à son tour arrivé sur le territoire français en juillet 2012, soutient que sa présence aux côtés de son fils est indispensable et a produit à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de nombreux certificats établis par son ancienne compagne, des médecins, psychologues, orthophonistes, travailleurs sociaux, enseignants ainsi que par le directeur de l'école et de l'internat accueillant son fils ; que ces documents témoignent de façon circonstanciée de ce que, d'une part, la séparation de Ludovic et de son père resté en Espagne a été à l'origine de nombreux troubles psychologiques et comportementaux chez cet enfant et, d'autre part, des progrès qu'il a réalisés depuis qu'il a retrouvé son père ; que la circonstance, comme le relève le préfet, que certains de ces certificats aient été établis postérieurement à sa décision est sans incidence puisque la plupart se rapportent à une situation qui existait antérieurement ou à la date de la décision contestée ; qu'en outre, si le préfet soutient que M. B...n'a pas de logement stable lui permettant d'accueillir son enfant à Lyon, cette circonstance n'est pas de nature à établir que M. B...ne peut pas s'occuper de son fils régulièrement et suivre son éducation alors même que celui-ci vit chez sa mère avec sa demi-soeur ; que, dès lors, comme l'ont relevé les premiers juges, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le préfet du Rhône a méconnu les stipulations précitées de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
4. Considérant que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 29 août 2013 et lui a enjoint de délivrer à M. B...un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que son conseil peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à Me Morel, avocat de M.B..., sous réserve pour celle-ci de renoncer à la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me Morel la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour Me Morel de renoncer à la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A...B...et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016 où siégeaient :
- M. Mesmin d'Estienne, président,
- Mme Gondouin, premier conseiller,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.
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N° 16LY00603