Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 avril 2016 sous le n° 16LY01291, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 janvier 2016 ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales du 23 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et, à titre principal, de lui délivrer dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... soutient que :
- le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- c'est à tort qu'il a refusé de délivrer à son époux un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à tout le moins, a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions préfectorales de refus de titre de séjour méconnaissent l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; elles méconnaissent aussi le 7° de l'article L. 313-11 du code précité ;
- la décision fixant le pays de renvoi viole l'article 3 de la convention précitée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 10 juin 2016, l'instruction a été close au 7 juillet 2016.
Le préfet du Rhône a produit un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2016, qui n'a pas été communiqué.
Par une décision du 9 mars 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B....
Vu, II, la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 février 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par le jugement n° 1506529 du 13 janvier 2016 le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 avril 2016 sous le n° 16LY01292, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 janvier 2016 ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales du 23 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et, à titre principal, de lui délivrer dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros TTC à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- c'est à tort qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a, à tout le moins, commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions préfectorales méconnaissent l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; elles méconnaissent aussi le 7° de l'article L. 313-11 du même code ;
- la décision fixant le pays de renvoi viole l'article 3 de la convention précitée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 10 juin 2016, l'instruction a été close au 7 juillet 2016.
Le préfet du Rhône a produit un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2016, qui n'a pas été communiqué.
Par une décision du 9 mars 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gondouin a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme et M. B..., ressortissants albanais nés respectivement en 1987 et 1985, sont entrés irrégulièrement en France en août 2012, accompagnés de leur fille mineure ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office national de protection des réfugiés et apatrides du 9 août 2013 confirmées le 2 mai 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; que M. B... a alors sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 18 juin 2014 ; que Mme B...a également sollicité un titre de séjour à la même date en se prévalant de l'état de santé de son époux ; que, par des décisions du 23 février 2015, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à leurs demandes et assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français ainsi que de décisions fixant le pays de destination ; que Mme et M. B... relèvent appel, chacun en ce qui le concerne, des jugements du 13 janvier 2016 par lesquels le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes dirigées contre ces décisions ;
2. Considérant que ces requêtes appellent à juger des questions semblables qui ont des conséquences sur la situation de l'un et l'autre requérants ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;
4. Considérant que, selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 9 septembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans le pays dont il est originaire, que les soins nécessités par son état doivent, en l'état actuel, être poursuivis, pendant 12 mois ; que le médecin a ajouté la mention manuscrite que " son état de santé nécessite la présence de son épouse à ses côtés " ; que le préfet du Rhône, qui n'était pas lié par cet avis, a estimé au vu notamment d'un document produit par l'organisation internationale pour les migrations établi en avril 2009 et d'informations données par l'ambassade de France en Albanie que M. B... pouvait y bénéficier d'un traitement approprié à sa situation ; qu'il ressort des certificats médicaux et ordonnances produites par M. B... qu'il souffre d'une " pathologie psychiatrique " qui se manifeste par " des symptômes d'angoisse et de stress " nécessitant des " entretiens médico/infirmiers " en centre médico-psychologique ainsi que la prescription de psychotropes et d'antidouleurs ; que, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, ces certificats sont très peu circonstanciés sur la disponibilité d'un traitement en Albanie et ne sont qu'allusifs sur l'impossibilité pour M. B... de suivre des soins dans son pays du fait que ses troubles y seraient nés ; que M. B... se borne d'ailleurs à évoquer les évènements traumatiques qu'il aurait vécus dans son pays sans préciser leur nature ; qu'aucune pièce du dossier ne pouvait susciter une interrogation, de la part du préfet du Rhône, sur la capacité de M. B...à supporter le voyage vers l'Albanie ; que, dès lors, le moyen soulevé par Mme et M. B..., tiré de ce que le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code précité ou, à tout le moins, commis une erreur manifeste d'appréciation, doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de la violation de ces stipulations soulevé par Mme et M. B... à l'encontre des décisions refusant de leur délivrer un titre de séjour ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste du préfet du Rhône dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'un et l'autre requérants ; que le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code précité doit l'être également pour les mêmes motifs ;
7. Considérant, en troisième lieu, que Mme et M. B... soutiennent que le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation personnelle ; qu'il ne ressort ni des pièces du dossier ni des décisions contestées que le préfet du Rhône a omis d'examiner leur situation au regard des stipulations de l'article 8 ou de l'article 3 de la convention précitée ; que le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté ;
8. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté, dès lors, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, que Mme et M. B... ne détaillent ni la nature ni l'origine de leurs craintes et n'apportent aucun élément probant de nature à établir la réalité, l'actualité et le caractère personnel des risques allégués ; que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le préfet du Rhône n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant l'Albanie comme pays de destination ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués du 13 janvier 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes ; que, par suite, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761 ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme B...et de M. B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D...épouse B...et à M. A... B...ainsi qu'au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
4
Nos 16LY01291 et 16LY01292