Par un jugement n° 1501841-1501845 du 15 juillet 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes, en tant qu'elles étaient dirigées contre les refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour :
I) Par une requête enregistrée le 22 juin 2015 sous le n° 15LY02104 et un mémoire enregistré le 1er juillet 2015, Mme B...E..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501815 du 3 mars 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet de l'Ain du 25 novembre 2014 et du 16 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le mois suivant l'arrêt à intervenir, durant le réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait en ce qui concerne sa nationalité et d'erreur manifeste d'appréciation ; cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'erreur de fait, n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'assignation à résidence, dont la durée n'est pas limitée à 45 jours, contrairement à ce qu'a estimé le magistrat désigné, puisqu'elle est renouvelable une fois, est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, est insuffisamment motivée, est privée de base légale et entachée d'erreur de droit, dès lors qu'ils avaient présenté une demande de régularisation, d'erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des contraintes imposées et n'est pas nécessaire.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 avril 2015.
II) Par une requête enregistrée le 22 juin 2015 sous le n° 15LY02105 et un mémoire enregistré le 1er juillet 2015, M. C...E..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501816 du 3 mars 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet de l'Ain du 25 novembre 2014 et du 16 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le mois suivant l'arrêt à intervenir, durant le réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait en ce qui concerne sa nationalité et d'erreur manifeste d'appréciation ; cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'erreur de fait, n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'assignation à résidence, dont la durée n'est pas limitée à 45 jours, contrairement à ce qu'a estimé le magistrat désigné, puisqu'elle est renouvelable une fois, est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, est insuffisamment motivée, est privée de base légale et entachée d'erreur de droit, dès lors qu'ils avaient présenté une demande de régularisation, d'erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des contraintes imposées et n'est pas nécessaire.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 avril 2015.
III) Par une requête enregistrée le 13 octobre 2015 sous le n° 15LY03288, Mme B...E..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501841-1501845 du 15 juillet 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du préfet de l'Ain portant refus de titre de séjour en date du 25 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le mois suivant l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait en ce qui concerne sa nationalité
- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
IV) Par une requête enregistrée le 13 octobre 2015 sous le n° 15LY03290, M. C...E..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501841-1501845 du 15 juillet 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du préfet de l'Ain portant refus de titre de séjour en date du 25 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le mois suivant l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait en ce qui concerne sa nationalité
- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. et Mme E...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 septembre 2015.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public
- et les observations de MeD..., représentant M. et MmeE....
1. Considérant les quatre affaires présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la légalité des décisions préfectorales :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et MmeE..., nés en ex-URSS (Arménie), sont arrivés en France en octobre 2009, irrégulièrement, avec leur fils Saïd, né en 1995 ; que leur demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 25 février 2010, qui ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 18 juillet 2011 ; qu'après avoir vainement sollicité des titres de séjour en qualité d'étranger malade et d'accompagnant, M. et Mme E... ont sollicité le 2 juillet 2014 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suite à la reconnaissance de la qualité de réfugié de leur fils Saïd, de nationalité russe, par la Cour nationale du droit d'asile le 10 juin 2014 ;
3. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. A...E...est l'unique enfant vivant des requérants, leur autre fils étant décédé en 2003, quelques mois après sa naissance en Russie ; que, pour reconnaître la qualité de réfugié à M. A...E..., la cour a retenu l'existence de persécutions subies au cours de son enfance en Fédération de Russie du fait de groupuscules extrémistes et l'actualité du traumatisme en découlant ; que le jeune homme, âgé de 19 ans à la date des décisions litigieuses, a ainsi vocation à se maintenir sur le territoire français et à bénéficier d'une carte de résident, en application du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E...résident avec leur fils ; que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, et alors même que les requérants ne seraient pas dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, le refus de titre de séjour qui leur a été opposé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que doivent également être annulées, par voie de conséquence, les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français, désignant le pays de destination et les assignant à résidence ; que M. et Mme E...sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
5. Considérant que le présent arrêt, qui annule, notamment, les arrêtés du préfet de l'Ain du 25 novembre 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à M. et MmeE..., implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde et en absence de changement de circonstances, que l'autorité compétente leur délivre le titre sollicité ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Ain de leur délivrer à chacun une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant qu'en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, l'Etat versera au conseil de M. et Mme E...la somme globale de 1 500 euros au titre des quatre affaires, sous réserve que Me D...renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Les jugements n° 1501815 et 1501816 du 3 mars 2015 et n°1501841-1501845 du 15 juillet 2015 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : Les arrêtés en date du 25 novembre 2014 par lesquels le préfet de l'Ain a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et MmeE..., leur a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays de destination et les arrêtés en date du 16 février 2015 par lequel le préfet de l'Ain les a assignés à résidence sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B...E...et M. C...E...dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera au conseil de M. et Mme E...la somme de 1 500 euros sous réserve que Me D...renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E..., M. C...E..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Verley-Cheynel, président,
M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 février 2016.
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N° 15LY02104-15LY02105-15LY03288-15LY03290