Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2016, MmeA..., représentée par Me Blanc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 11 février 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le préfet s'est fondé sur une incertitude affectant son état civil pour refuser le titre de séjour qu'elle avait sollicité, dès lors qu'il n'existait plus de contestation sérieuse sur le dernier acte de naissance qu'elle avait produit ; à supposer que des doutes aient subsisté, ils ne dispensaient pas le préfet d'instruire sa demande ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 septembre 2016.
Par ordonnance du 4 octobre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 10 novembre 2016.
Un mémoire présenté pour Mme A...a été enregistré le 23 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code civil,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience :
- le rapport de Mme Samson-Dye,
- les observations de MmeA....
1. Considérant que MmeA..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 11 février 2016 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
Sur la légalité de la décision préfectorale :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1o de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;
3. Considérant que, pour refuser le titre de séjour que MmeA..., se présentant comme née le 21 mai 1996, avait sollicité sur le fondement des dispositions citées au point 2, le préfet a retenu qu'elle ne pouvait être regardée comme justifiant de son état civil de manière suffisamment probante, et notamment au regard des éléments relatifs à la date de sa naissance, pour en déduire qu'elle ne remplissait pas les conditions prévues par ce texte ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a présenté, à l'appui de sa demande, un premier acte de naissance, présentant des surcharges, ce qui a conduit l'administration à lui demander de produire un nouveau document ; que ce nouveau document a été qualifié d'apocryphe, compte tenu du dépassement, de l'ordre de 2 ans, du délai de déclaration d'une naissance relevé par le directeur national adjoint de l'état civil de Guinée en charge des affaires juridiques, auquel ce document avait été transmis pour vérification ; qu'ainsi, c'est à bon droit que ce document a pu être regardé comme n'établissant pas, de manière probante, la date de naissance de MmeA... ;
5. Considérant toutefois que le préfet ne se prévaut d'aucun document ou d'aucune circonstance de nature à établir ou, à tout le moins, présumer que Mme A...ne remplissait pas, en réalité, les exigences tenant à l'âge du demandeur mentionnées par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors au contraire qu'elle a été considérée comme mineure, pour être née le 21 mai 1996, par le juge des enfants du tribunal de grande instance d'Annecy dans son ordonnance de placement provisoire du 23 avril 2013 ; que, dans ces conditions, le caractère apocryphe des documents d'état civil produits par l'intéressée ne suffisait à justifier le rejet de sa demande au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions d'âge prévues par l'article L. 313-15 ; que le préfet de la Haute-Savoie n'a pas expressément sollicité, dans ses écritures de première instance, une substitution de motifs ; que, dans ces conditions, Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que Me Blanc, avocat de MmeA..., peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 000 euros, au profit de Me Blanc, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601537 du tribunal administratif de Grenoble du 21 juin 2016 et l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 11 février 2016 portant refus de titre de séjour à Mme B... A...et obligation de quitter le territoire français sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros à Me Blanc sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 23 février 2017 à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mars 2017.
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N° 16LY02486