Par une requête enregistrée le 9 octobre 2015, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 juin 2015 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de renouveler sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de cette notification et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de renouvellement de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée, les documents évoqués par le préfet ne sont pas joints ;
- cette carence révèle un défaut d'examen effectif et particulier de sa demande ;
- elle n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les premiers juges ont commis à cet égard une erreur de droit en inversant la charge de la preuve s'agissant de la disponibilité des soins et incorrectement apprécié les éléments produits par l'administration ; elle a précédemment obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade, en raison des évènements traumatiques vécus dans son pays d'origine ; le médecin de l'agence régionale de santé n'a pas émis d'avis sur sa capacité à voyager ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- la mesure d'éloignement méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 7 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens tirés de l'indisponibilité de soins appropriés dans le pays d'origine de la requérante et de l'absence d'avis sur sa capacité à voyager sans risque ne sont pas fondés et s'en rapporte, pour le surplus, à ses écritures de première instance.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, en application de l'article R.312-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Samson-Dye.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante congolaise (République Démocratique du Congo), relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 18 septembre 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant un pays de destination ;
Sur la légalité des décisions préfectorales :
2. Considérant, en premier lieu, que Mme B...reprend en appel les moyens, développés devant les premiers juges, tirés de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour et de l'absence d'examen particulier de sa demande ; qu'il ressort des pièces du dossier que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs des premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général ( ...) " et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, publié au journal officiel de la République française le 11 décembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante souffre de troubles psychiatriques et plus particulièrement de stress post-traumatique ; que, dans les circonstances de l'espèce, son état de santé ne suscite aucun doute sur sa capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le fait que le médecin de l'agence régionale de santé n'ait pas précisé si elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine est sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour litigieux ;
5. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant que, par avis du 12 juin 2014, le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme B...nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine ;
7. Considérant que, pour mettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Rhône produit un ensemble d'éléments relatifs aux capacités locales existant en République Démocratique du Congo en matière de soins médicaux et de traitements contenus notamment dans un courrier électronique du docteur Baume, exerçant à la polyclinique de Kinshasa et médecin-référent de l'ambassade de France, en date du 5 septembre 2013, dont il ressort que les pathologies psychiatriques et le stress post-traumatique sont susceptibles d'être soignés en République Démocratique du Congo, ainsi que la liste, établie en mars 2010 par le ministère de la santé de ce pays, des médicaments qui y sont disponibles dans laquelle figurent notamment les produits entrant dans la classe des psychotropes ;
8. Considérant que, compte tenu de ces éléments, il appartient à Mme B...de démontrer en quoi les traitements dont le préfet a établi l'existence ne constitueraient pas des soins appropriés à sa pathologie, étant précisé qu'un traitement approprié n'est pas nécessairement identique à celui dont l'intéressé bénéficie en France ; que la circonstance qu'elle a bénéficié, antérieurement, d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ne saurait être regardée comme apportant une telle justification ; qu'en l'espèce, la requérante n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour démontrer que les traitements dont le préfet a établi l'existence dans son pays d'origine ne seraient pas adaptés à sa situation ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles dont elle souffre découleraient d'évènements traumatisants vécus en République Démocratique du Congo de nature à rendre impossible un traitement approprié dans ce pays ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du même code ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, un traitement approprié à l'état de santé de la requérante existe dans son pays d'origine ; qu'elle ne fait état d'aucune attache familiale sur le territoire français à la date des décisions préfectorales litigieuses, la réalité et l'intensité de la relation de concubinage qu'elle invoque avec un ressortissant étranger en situation régulière n'étant pas suffisamment établies à cette date par les pièces du dossier ; que, si elle soutient que ses parents sont décédés et que les membres de sa fratrie résident au Burundi et au Rwanda, elle ne démontre pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, les décisions litigieuses ne portent pas d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision désignant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'en absence de démonstration de l'illégalité du refus de titre de séjour, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision ;
11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'ainsi qu'il a été précisé aux points 7 et 8, un traitement approprié à l'état de santé de Mme B...existe dans son pays d'origine ; que la requérante allègue être soumise à un risque de persécution du fait de son appartenance à l'ethnie banyamulenge, qui aurait occasionné plusieurs attaques contre elle-même et sa famille, ayant provoqué le décès de ses parents ; que, cependant, les pièces du dossier sont insuffisantes pour établir la réalité des risques encourus ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article L. 513-2 du de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées, par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressé au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 février 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Verley-Cheynel, président,
M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
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N° 15LY03300