Procédure devant la cour
Par un recours et un mémoire complémentaire enregistrés les 7 septembre 2016 et 8 janvier 2018, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et le ministre du logement et de l'habitat durable demandent à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. C...la somme de 7 227,50 euros assortie des intérêts légaux à compter du 30 juin 2014.
Ils soutiennent que :
- les conclusions indemnitaires de M. C...étaient irrecevables car tardives ;
- c'est à tort que le tribunal a évalué son préjudice par référence aux montants bruts des barèmes indemnitaires prévus par les textes ;
- c'est à tort qu'il a fait courir les intérêts à compter du 30 juin 2014 car la lettre du 24 juin 2014 ne saurait être regardée comme une demande indemnitaire préalable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2018, M.C..., représenté par MeD..., conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à verser la somme de 2 000 euros au titre des frais liés au litige.
Il fait valoir que :
- les conclusions contenues dans le mémoire complémentaire enregistré le 8 janvier 2018 sont irrecevables car tardives ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 ;
- le décret n° 93-236 du 22 février 1993 ;
- le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 ;
- l'arrêté du 22 décembre 2008 fixant les montants de référence de la prime de fonctions et de résultats ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel,
- les conclusions de M.A...,
- et les observations de MeB..., représentant M.C... ;
Une note en délibéré présentée pour M. C...a été enregistrée le 18 avril 2018 ;
1. Considérant que M.C..., attaché d'administration affecté jusqu'au 1er mars 2012, date de son départ à la retraite, à la délégation territoriale de Lyon de la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS), a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle les ministres chargés de la construction et du logement ont rejeté sa demande de versement rétroactif de sa prime de fonctions et de résultats recalculée sur la base des montants de référence des agents affectés en administration centrale et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à ces autorités de rétablir son régime indemnitaire en lui appliquant rétroactivement le régime applicable aux agents affectés en administration centrale et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 7 227,50 et 5 000 euros en réparation des pertes de revenus subies et de son préjudice moral ; que, par un jugement du 6 juillet 2016, dont les ministres chargés de la construction et du logement relèvent appel, le tribunal a partiellement fait droit à la demande de M. C...en annulant la décision attaquée et en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 7 227,50 euros assortie des intérêts légaux à compter du 30 juin 2014 et de la capitalisation, au titre de la perte de revenus auxquels il pouvait prétendre ;
2. Considérant, d'une part, que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ; que cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs ; qu'il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance ;
3. Considérant, d'autre part, que l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée ;
4. Considérant qu'il est constant que M. C...a eu connaissance des décisions fixant les montants de prime alloués au titre des années 2010 à 2012 au plus tard au mois de janvier des années respectivement suivantes et n'a exercé aucun recours juridictionnel à leur encontre ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 ci-dessus que ces décisions, qui ont un objet purement pécuniaire, étaient devenues définitives, avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables ; que, par suite, les conclusions de M. C...présentées devant le tribunal administratif de Lyon le 23 octobre 2014, qui sont fondées sur l'illégalité de ces décisions, n'étaient pas recevables ;
5. Considérant qu'il en résulte que les ministres chargés de la construction et du logement sont fondés à soutenir que la demande présentée par M. C...devant le tribunal tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité au titre du préjudice causé par les décisions ayant fixé les montants de sa prime pour les années 2010 à 2012 était irrecevable car tardive ; que ce moyen d'ordre public peut être soulevé pour la première fois en appel et à tout moment de la procédure par les ministres requérants ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les ministres chargés de la construction et du logement sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à M. C...la somme de 7 227,50 euros assortie des intérêts légaux à compter du 30 juin 2014 et de la capitalisation ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1408130 du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. C...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de la cohésion des territoires et à M. E...C....
Délibéré après l'audience du 12 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 mai 2018.
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N° 16LY03079