Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 avril 2015, Mme C...E...épouse D... et M. A...D..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ces jugements du tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 1402366 et n° 1402368 du 24 mars 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de leur délivrer un titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens de l'instance.
Ils soutiennent que :
- les décisions leur refusant le droit au séjour sont entachées d'illégalité pour défaut de motivation ;
- elles ont été prises en violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- elles ont été prises en violation de l'article L. 313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles ont été prises en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'illégalité pour défaut de motivation ;
- elles ont été prises en violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- elles sont illégales en ce qu'elles sont fondées sur des décisions illégales ;
- elles ont été prises en violation de l'article L.313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles ont été prises en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le pays de destination sont entachées d'illégalité pour défaut de motivation ;
- elles ont été prises en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont illégales en ce qu'elles sont fondées sur des décisions illégales ;
- elles ont été prises en violation de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 juin 2015 et le 24 juillet 2015, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur.
1. Considérant que Mme C...E...épouseD..., née le 10 décembre 1986 à Pribovc (Kosovo), de nationalité kosovare, est entrée en France le 29 septembre 2012, accompagnée de sa fille Elona, née le 24 décembre 2011 à Pristina, de même nationalité ; que M. A... D..., né le 15 novembre 1986 à Gjilan (Kosovo), de nationalité kosovare, son époux, est entré sur le territoire français par la suite ; que M. et Mme D...ont demandé leur admission au bénéfice du statut de réfugiés et apatrides, lesquelles demandes ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 1er août 2013, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile, le 7 février 2014 ; que Mme D... a alors sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade tandis que M. D...sollicitait un titre de séjour, mention " salarié " ; que par décisions en date du 13 novembre 2014, le préfet de l'Allier a rejeté leurs demandes de titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel ils seraient renvoyés ; que M. et Mme D..., par requête commune, demandent l'annulation des jugements du 24 mars 2014 par lesquels le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Allier du 13 novembre 2014 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne les décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
3. Considérant qu'il ressort des termes mêmes des arrêtés du préfet de l'Allier du 13 novembre 2014 qu'ils comportent, d'une part, les considérations de droit, en visant les textes pertinents qui en constituent leur fondement et, d'autre part, les considérations de fait, en procédant à l'analyse de la situation personnelle des intéressés ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions, doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. " ; qu'en vertu de leurs termes mêmes, ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de décisions de refus de titre de séjour, qui sont prises en réponse à des demandes formulées par les intéressés ;
5. Considérant que M. et Mme D...ont sollicité leur admission provisoire au séjour au bénéfice de la reconnaissance du statut de réfugiés ; que les décisions contestées du 13 novembre 2014 refusant de leur délivrer des titres de séjour ont été prises par le préfet de l'Allier à la suite de la décision de la Cour nationale d'asile rejetant leurs demandes ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. " ;
7. Considérant que, pour refuser un titre de séjour à M. et MmeD..., le préfet de l'Allier a retenu que les intéressés n'établissaient pas avoir fixé durablement le centre de leur vie et établi des liens personnels et familiaux durables et stables en France, qu'ils n'étaient pas dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur existence et qu'ils ne pouvaient se prévaloir d'une quelconque ancienneté ou stabilité de liens personnels en France ; qu'en se bornant à faire valoir, en reprenant les déclarations et les mêmes pièces que celles produites devant la Cour nationale du droit d'asile, qu'ils ne pourraient retourner au Kosovo compte tenu des risques encourus du fait des menaces et agressions subies par Mme D... en conséquence des agissements de la famille de son mari, ils n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes, ni de justificatifs permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé de leurs allégations ; que si MmeD..., qui s'est abstenue de compléter sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade malgré les demandes qui lui avaient été adressées en ce sens par la préfecture, fait état de problèmes de santé et de la nécessité pour elle d'être médicalement suivie, les certificats et pièces qu'elle produit à cet effet ne suffisent pas à établir que cette circonstance constituerait un obstacle avéré et actuel la mettant dans l'impossibilité de poursuivre une vie familiale normale hors de France avec son mari et son enfant ; que M. et Mme D...ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que les décisions contestées porteraient atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et ont été prises en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, que comme il a été dit ci-dessus, les décisions refusant de délivrer des titres de séjour aux requérants ne sont pas entachées d'illégalité ; que, par suite, le moyen soulevé à l'encontre des décisions d'éloignement et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des précédentes décisions, doit être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. " ;
10. Considérant que le préfet de l'Allier a, par les mêmes arrêtés, refusé de délivrer des titres de séjour tant à M. D...qu'à Mme D...et leur a fait obligation de quitter le territoire français ; que les obligations de quitter le territoire français, prises sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 précité applicables aux épouxD..., n'ont pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle des décisions relatives au séjour, lesquelles sont, ainsi qu'il a été dit, suffisamment motivées ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions susmentionnées doit être écarté ;
11. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 précité de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ;
12. Considérant, en quatrième lieu, que les moyens tirés par M. et Mme D...de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont les décisions d'éloignement seraient entachées au regard du droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité des décisions de refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
13. Considérant, en premier lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, les décisions refusant de délivrer des titres de séjour aux requérants et portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité ; que, par suite, le moyen soulevé à l'encontre de ces décisions et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des précédentes décisions, doit être écarté ;
14. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme D...soutiennent que les décisions fixant le pays de renvoi seraient insuffisamment motivées au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que, toutefois, il ressort des termes mêmes de ces décisions qu'elles comportent, d'une part, les considérations de droit, en visant les textes pertinents qui en constituent leur fondement et, d'autre part, les considérations de fait, en procédant à l'analyse de la situation personnelle des intéressés ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit être écarté ;
15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
16. Considérant que M. et Mme D...soutiennent avoir subi des " menaces et exactions ", des " maltraitances et violences " de sorte qu'ils ont dû fuir le Kosovo ; que si le rapport d'un officier de police en poste à Gjilan au Kosovo, dressé le 21 août 2012 et dont la copie a été produite par les requérants, le 9 septembre 2015, fait état des menaces proférées par la belle-mère et le beau-frère de Mme D...à son encontre en 2012, les requérants n'établissent pas, par leur récit et les pièces produites, l'existence de menaces actuelles et personnelles, auxquelles ils seraient tous deux exposés en cas de retour au Kosovo ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions du préfet de l'Allier fixant le pays à destination duquel ils seront renvoyés méconnaîtraient les dispositions susmentionnées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par les jugements du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Allier du 13 novembre 2014 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions attaquées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur ce fondement par Mme C...E...épouse D...et par M. A...D...doivent, par suite, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E...épouse D...et M. A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Verley-Cheynel, président de chambre,
M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.
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N° 15LY01375