Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2015, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 juin 2015.
Le préfet soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que sa décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A...B...était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il n'est pas démontré que l'intéressée n'avait plus de liens avec sa famille restée dans le pays d'origine ni qu'elle serait dans l'impossibilité d'y retourner pour y mener une vie privée et familiale normale.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2015, Mme A...B...demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet du Rhône et de confirmer le jugement attaqué ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", à défaut une carte de séjour mention " salarié ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
3°) subsidiairement de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour " sous huitaine " à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros HT, soit 1 200 euros TTC à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour Me C... de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Mme A...B...fait valoir que :
- contrairement à ce que soutient le préfet, ce n'est pas à elle d'apporter la preuve qu'elle n'a plus de liens dans son pays ;
- qu'en tout état de cause, cette absence de liens résulte de ses déclarations qui n'ont jamais varié, de son état de détresse psychique, des observations objectives des services sociaux qui l'ont suivie, de l'absence de possibilité de trouver quelqu'un qui puisse obtenir des actes d'état civil ;
- par ailleurs, la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur de droit, le préfet n'ayant pas procédé à un examen particulier des circonstances, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle procède à une application erronée de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du même code ainsi qu'au regard des dispositions de l'article L. 313-7 du même code ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale ;
- la décision sur le pays d'éloignement est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision du 29 septembre 2015 le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme A...B...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,
- les observations de MeC..., représentant Mme A...B....
1. Considérant que Mme A...B..., née en avril 1996 et de nationalité angolaise, est entrée en France, selon ses propres déclarations, en novembre 2012 ; qu'elle a été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Rhône ; que, par des décisions du 9 décembre 2014, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans les trente jours et désigné le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ; que, par un jugement du 24 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, les autres décisions ; que le préfet du Rhône relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'annulation du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " À titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " ;
3. Considérant que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A...B...sur le fondement des dispositions précitées, le préfet du Rhône a relevé que l'intéressée, célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine et, qu'en outre, elle ne produit pas de contrat de travail, condition, selon lui, d'octroi d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant que, d'une part, le préfet ne conteste pas avoir commis, comme l'ont relevé les premiers juges, une erreur de droit dès lors que l'article L. 313-15 précité ne subordonne pas la délivrance du titre en question à la production d'un contrat de travail ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme A...B...a toujours soutenu que ses parents étaient décédés en Angola avant son arrivée en France et que son petit frère avait été enlevé ; qu'il ne ressort en outre pas des pièces du dossier qu'elle a conservé quels que liens que ce soit avec son pays d'origine ; que, par ailleurs, comme l'ont relevé les premiers juges, elle justifie suivre avec sérieux une formation de CAP " vente " depuis l'année scolaire 2013-2014 ; que, dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 le préfet a en outre commis une erreur manifeste d'appréciation ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 9 décembre 2014 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A... B...et, par voie de conséquence, ses autres décisions du même jour ;
Sur les conclusions de Mme A...B... :
6. Considérant, en premier lieu, que le présent arrêt qui rejette la requête du préfet du Rhône dirigée contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 9 décembre 2014 n'implique par lui-même aucune mesure d'exécution, sans préjudice de l'obligation pour le préfet du Rhône d'exécuter l'injonction prononcée par le jugement attaqué ;
7. Considérant, en second lieu, qu'en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, l'État versera au conseil de Mme A...B...la somme de 1 200 euros sous réserve pour Me C... de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.
Article 2 : L'État versera au conseil de Mme A...B...la somme de 1 200 euros sous réserve pour Me C...de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A...B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B....
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2016 où siégeaient :
- Mme Verley-Cheynel président de chambre,
- Mme Gondouin, premier conseiller,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.
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N° 15LY02454