Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 9 février 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et la décharge partielle des rappels mis à sa charge pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, à concurrence de 1 895 euros, ainsi que des pénalités correspondantes ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, de prononcer la réduction de moitié des bases d'imposition ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la reconstitution de ses bases d'imposition est irrégulière, en l'absence de vérification des conditions d'exercice de son activité sur les marchés sur lesquels il opère, en raison du caractère indicatif et limité du coefficient issu des statistiques du CEDAGE de Lyon, et en l'absence de prise en compte des données propres de l'entreprise tenant à la nature de l'activité de dégagement en fruits et légumes, à un taux de pertes supérieur aux autres marchands ambulants, à des marges inférieures, notamment en raison du nombre réduit de jours d'activité dans la semaine, ainsi qu'à un approvisionnement plus coûteux ;
- la méthode retenue par l'administration est en conséquence radicalement viciée en ce qu'elle conduit à calculer des recettes hypothétiques ;
- elle est à tout le moins excessivement sommaire, alors qu'une décote supplémentaire de 18,75% permet d'aboutir à un taux de marge de 17%, plus proche du taux de 15% constaté sur la période postérieure et très inférieur au taux de 33% retenu par le service vérificateur, avec pour conséquence un effacement des rehaussements pour 2011 et 2012 et un rappel pour 2013 limité à 167 euros, entraînant une décharge de 1 895 euros ;
- à tout le moins, il y a lieu de statuer en équité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la reconstitution de recettes mise en oeuvre est régulière ;
- à titre subsidiaire, la méthode alternative proposée par le requérant s'appuie sur des attestations postérieures à la vérification de comptabilité et aboutit à un bénéfice moindre que celui déclaré pour les trois années vérifiées ; les recettes déclarées sont en outre très inférieures au montant des achats de marchandises, alors que l'activité est exercée depuis 2006 et constitue la principale source de revenus de M. C....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., premier conseiller,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... exerce une activité de dégagement en fruits et légumes sur les marchés de Vienne et Roussillon. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale, selon propositions de rectification des 17 décembre 2014 et 7 avril 2015, lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, assortis de pénalités, après avoir reconstitué ses recettes en l'absence de comptabilité. Ses observations n'ayant été que partiellement retenues et sa réclamation rejetée, M. C... demande à la cour d'annuler le jugement du 18 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à la décharge, totale ou partielle, des impositions supplémentaires maintenues à sa charge, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. En application du troisième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il incombe au requérant, qui ne conteste pas le défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, d'établir l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration.
3. Il résulte de l'instruction que, pour remettre en cause, totalement pour 2011 et 2013 et partiellement pour 2012, le bénéfice du régime de franchise de taxe sur la valeur ajoutée sous lequel M. C... s'était placé, sur le fondement de l'article 293B du code général des impôts, l'administration fiscale a reconstitué ses recettes à partir des factures obtenues auprès des fournisseurs du requérant, en appliquant à ses achats de marchandises, hors taxes, un coefficient de marge de 1,60 pour les années 2010 et 2011, de 1,56 pour 2012 et de 1,55 pour 2013. Il est constant que ce coefficient est exclusivement issu de statistiques professionnelles pour le " commerce de détail de fruits et légumes sur les marchés " établies par le centre agréé d'assistance à la gestion des entreprises de Lyon (Cedage), lequel a toutefois précisé que ces synthèses professionnelles locales sont purement indicatives et ne peuvent être utilisées comme monographies professionnelles, qu'elles éliminent les extrêmes comme les cas particuliers, et doivent être interprétées avec prudence compte tenu de la diversité des conditions d'activité, les données étant à prendre non en valeurs absolues mais en tendances et en valeurs relatives. Il n'est toutefois pas discuté, ainsi que le confirment des attestations d'organisations professionnelles notamment, dont la teneur n'est pas contestée et qui ne sont pas dépourvues de toute valeur probante du seul fait qu'elles ont été établies postérieurement à la vérification de comptabilité, que M. C... exerce une activité spécifique de " dégagement " en fruits et légumes sur les marchés, consistant à acheter auprès de grossistes, en quantités importantes mais avec un choix limité, leurs invendus en fin de vie encore consommables, pour les trier avant de les revendre rapidement par lots à bas prix sur les marchés le week-end. Il résulte des mêmes attestations d'organisations professionnelles, d'une part, que la nécessité de trier et de revendre rapidement des produits jusque-là non commercialisés et particulièrement périssables est à l'origine d'un taux de pertes supérieur à celui des commerçants traditionnels et, d'autre part, que la vente par dégagement concerne un nombre très restreint de commerçants, lesquels ne font pas l'objet d'études chiffrées spécifiques. M. C... démontre ainsi suffisamment en l'espèce l'inadéquation à son activité particulière des statistiques professionnelles retenues pour leur valeur absolue et sans correctif par l'administration fiscale, qui n'a pas procédé à un relevé de prix, et, par suite, le caractère radicalement vicié de la reconstitution de recettes opérée.
4. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour les périodes en litige.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800966 du tribunal administratif de Lyon du 18 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : M. C... est déchargé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2021.
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N° 19LY00535