Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er octobre 2020, M. A..., représenté par Me B..., avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre à l'OFII de procéder au rétablissement des conditions matérielles d'accueil à son bénéfice dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'OFII ;
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée et ne permet pas de s'assurer qu'il a été procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'OFII a ajouté une condition supplémentaire au rétablissement des conditions matérielles d'accueil en lui reprochant d'avoir été en fuite à compter du 15 décembre 2017 ;
- sa situation de vulnérabilité est suffisamment justifiée et la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 19 février 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me D... conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la décision en litige est suffisamment motivée ;
- dans son appréciation de la demande de rétablissement des conditions matérielles d'accueil de M. A..., il pouvait prendre en compte les raisons pour lesquelles ce dernier n'a pas respecté ses obligations ; de plus, le requérant ne justifie pas d'une situation d'une particulière vulnérabilité.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 201 ;
- la directive (UE) n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- les observations de Me C..., représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, arrivé en France, le 15 juillet 2017, a sollicité l'asile le 17 août 2017 et le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités italiennes le 27 octobre 2017. Par décision du 23 novembre 2017, le préfet du Rhône l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par une décision du 22 février 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu les conditions matérielles d'accueil suite à sa non-présentation aux autorités, date à laquelle il a cessé de percevoir l'allocation pour demandeur d'asile. Le délai de transfert vers l'Italie étant expiré, la France est devenue responsable de sa demande d'asile. M. A... s'est alors présenté au guichet unique de la préfecture du Rhône où, le 3 mai 2019, une attestation de demandeur d'asile en procédure normale lui a été remise. Par un courrier du 27 juin 2019, M A... a sollicité le rétablissement de ses conditions matérielles d'accueil. Par décision du 23 juillet 2019 le directeur de l'OFII lui a refusé le rétablissement des conditions matérielles d'accueil. M. A... relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 23 juillet 2019.
2. A l'appui de sa demande devant le tribunal, M. A... soutenait que la décision litigieuse qui se fonde sur le fait qu'il se serait volontairement soustrait aux autorités afin de faire échec à la procédure de transfert, alors que cette condition n'est pas prévue par l'article L. 744-6 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile est entachée d'erreur de droit. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A....
3. En premier lieu, la décision en litige vise les articles L. 744-1 et L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et expose les faits sur lesquels elle se fonde, tenant notamment à la circonstance que l'intéressé s'est soustrait volontairement aux autorités pour faire échec à la mesure de transfert et a attendu l'expiration du délai de transfert pour se présenter à nouveau en préfecture, sans justifier des raisons du non-respect de ses obligations, ainsi qu'à ce que l'évaluation de sa situation personnelle et familiale ne ferait pas apparaître de facteur particulier de vulnérabilité. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'acte contesté doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur l'OFII aurait omis de faire un examen particulier de la situation de M. A....
5. En troisième lieu, la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale vise à harmoniser les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile en leur garantissant un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. Aux termes, toutefois, de l'article 20 de cette directive : " 1. Les États membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur : a) abandonne le lieu de résidence fixé par l'autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou, si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l'avoir obtenue ; ou b) ne respecte pas l'obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d'information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile dans un délai raisonnable fixé par le droit national (...) En ce qui concerne les cas visés aux points a) et b), lorsque le demandeur est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes, une décision dûment motivée, fondée sur les raisons de sa disparition, est prise quant au rétablissement du bénéfice de certaines ou de l'ensemble des conditions matérielles d'accueil retirées ou réduites. (...) 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les États membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs (...) ".
6. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable (...). / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (...) ". L'article L. 742-1 du même code prévoit que : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat ". L'article L. 744-1 du même code dispose que les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile, au sens de la directive du 26 juin 2013 " sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile (...). Les conditions matérielles d'accueil comprennent les prestations et l'allocation prévues au présent chapitre (...) ". L'article L. 744-9 de ce même code prévoit que : " Le demandeur d'asile qui a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées en application de l'article L. 744-1 bénéficie d'une allocation pour demandeur d'asile s'il satisfait à des conditions d'âge et de ressources. L'Office français de l'immigration et de l'intégration ordonne son versement dans l'attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l'asile ou jusqu'à son transfert effectif vers un autre Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile (...) ".
7. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : / 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...) ".
8. Il résulte des dispositions précédemment citées que les conditions matérielles d'accueil sont proposées au demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile auquel il est procédé en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si, par la suite, les conditions matérielles proposées et acceptées initialement peuvent être modifiées, en fonction notamment de l'évolution de la situation du demandeur ou de son comportement, la circonstance que, postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'examen de celle-ci devienne de la compétence de la France n'emporte pas l'obligation pour l'Office de réexaminer, d'office et de plein droit, les conditions matérielles d'accueil qui avaient été proposées et acceptées initialement par le demandeur. Dans le cas où les conditions matérielles d'accueil ont été suspendues sur le fondement de l'article L. 744-8, le demandeur peut, notamment dans l'hypothèse où la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile, en demander le rétablissement. Il appartient alors à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, pour statuer sur une telle demande de rétablissement, d'apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.
9. Il est constant que M. A... n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités dans le cadre de la procédure de détermination de l'État membre responsable de sa demande d'asile et de son transfert aux autorités italiennes, et qu'il a été déclaré en fuite le 15 décembre 2017. Il entrait ainsi dans le cas où, en application du 1° de l'article L. 7448 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'OFII pouvait légalement suspendre le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, notamment au motif que l'intéressé n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités. Par suite, et alors même que les dispositions de l'article L.744-6 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas un tel motif, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur de droit.
10. En dernier lieu, si M. A... fait valoir qu'il est sans ressource, qu'il ne dispose d'aucune solution d'hébergement pérenne et qu'il est suivi médicalement pour une pathologie chronique, les certificats médicaux qu'il produit ne permettent d'établir ni la gravité de sa situation, ni que l'OFII aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de sa vulnérabilité.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 23 juillet 2019 par laquelle le directeur de l'OFII a refusé de rétablir les conditions matérielles d'accueil suspendues depuis le 22 février 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1908880 du 16 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
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N° 20LY02882
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