Par une requête enregistrée le 3 novembre 2020, M. B..., représenté par Me Morel, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2020 ;
2°) d'ordonner, avant dire droit, la production des documents établis dans le cadre de l'examen de sa situation médicale, et notamment le rapport médical ;
3°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
4°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire, de statuer sur son droit au séjour, dans un délai d'un mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de sept jours, à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a statué ultra petita en répondant à un moyen qu'il n'avait pas soulevé ;
- en ne se prononçant pas sur sa demande tendant à la production des documents établis dans le cadre de l'examen de sa situation médicale, et notamment le rapport médical, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ;
- le tribunal a omis de prendre en compte une pièce produite et a ainsi entaché sa décision d'irrégularité ;
- le tribunal a omis de se prononcer sur deux moyens ;
- l'absence de prise en charge de son état de santé pourra avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il n'existe pas de traitement approprié au Rwanda et un retour au Rwanda risque d'aggraver son état de santé ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il a exécuté la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet et il justifie de circonstances particulières ; le préfet a méconnu le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour est illégale du fait de l'illégalité des deux précédentes décisions ;
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant rwandais, né le 30 juin 1983, est entré une première fois en France, le 11 juin 2010. Un refus a été opposé à sa demande de titre de séjour, le 8 septembre 2010. Il est revenu en France, à la date déclarée du 20 octobre 2011. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 29 février 2012. Le 26 juin 2012, il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Il est revenu en France, le 16 août 2016 et le 20 juillet 2017, il a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé. Par décisions du 26 novembre 2019, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de 12 mois et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 26 novembre 2019.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en relevant au point 4 de sa décision que le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, le 30 mai 2018, rendu un avis au regard du rapport médical émis par le docteur Pacaud, le 2 février 2018, qui ne participait pas audit collège et que les médecins qui ont signé cet avis figurent sur la liste des médecins désignés par le directeur général de l'OFII, et publiée sur le site internet de l'OFII, pour en déduire l'absence de vice de procédure dans la consultation de ce collège de médecins prévue par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, le premier juge s'est borné, à partir des éléments versés au dossier, à répondre au moyen du demandeur selon lequel le préfet avait fait une application erronée de ces dispositions du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a ainsi ni statué ultra petita ni soulevé d'office un moyen. En tout état de cause, le fait de répondre à un moyen qui n'a pas été articulé constitue un motif surabondant et reste sans influence sur la régularité du jugement.
3. En deuxième lieu, si M. B... a saisi le tribunal administratif de Lyon de conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné avant dire droit la production des documents établis dans le cadre de l'examen de sa situation médicale, et notamment le rapport médical, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon n'était pas tenu de répondre expressément à cette demande tendant à la mise en oeuvre de pouvoirs d'instruction. En s'abstenant d'y répondre, il n'a dès lors entaché son jugement d'aucune irrégularité.
4. En troisième lieu, si le requérant fait valoir que le premier juge n'a pas tenu compte d'un certificat médical produit devant lui pour apprécier la méconnaissance par le préfet des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circonstance relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.
5. En dernier lieu, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par le requérant a suffisamment répondu aux moyens tirés ce que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".
7. En se bornant à faire à nouveau état, devant la cour, de l'indisponibilité d'un traitement approprié à son état de santé au Rwanda, ainsi que des diverses difficultés d'accès à des soins et des liens entre ce pays et la pathologie dont il est atteint, M. B... ne conteste pas utilement l'avis du 30 mai 2018 du collège de médecins du l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le préfet s'est approprié, selon lequel l'absence de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les différents certificats médicaux qu'il produit indiquant qu'il bénéficie de suivis psychiatriques et psychothérapeutiques ainsi que d'un traitement médicamenteux et indiquant pour certains d'entre eux que l'intéressé a besoin de soins médicaux spécialisés en l'absence desquels il serait dans une situation d'une exceptionnelle gravité, ne permettent de tenir pour établi qu'un défaut de soins entraînerait de telles conséquences. Par suite, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production du rapport médical prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, au demeurant protégé par le secret médical, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône a fait une inexacte application des dispositions précitées doit être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B... n'établit pas l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour qu'il conteste. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
9. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés par les motifs retenus par le premier juge qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
11. Le moyen tiré de ce que l'obligation faite à M. B... de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions précitées doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour.
Sur la légalité de la décision refusant de fixer un délai de départ volontaire :
12. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B... n'établit pas l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire qu'il conteste. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité. (...) Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : /1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2.(...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier que lors de sa demande d'asile, M. B... s'est présenté aux autorités françaises sous une fausse identité. La circonstance que ces faits se sont déroulés il y a presque huit années n'est pas de nature à constituer une circonstance particulière justifiant qu'un délai de départ volontaire lui soit accordé. Il en est de même de la circonstance au demeurant non établie que son état de santé nécessite des soins dont l'absence entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, et alors même qu'il ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en considérant qu'il présentait un risque de fuite et en lui refusant en conséquence un délai de départ volontaire, le préfet du Rhône aurait entaché sa décision d'un défaut de base légale et aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
16. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
17. Le préfet du Rhône qui a pris en considération la durée de la présence sur le territoire français de M. B... ainsi que la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, n'a pas inexactement appliqué les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à son encontre une mesure d'interdiction de retour en France d'une durée d'un an, alors même qu'il ne s'est pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement et que sa présence en France ne représentait pas une menace pour l'ordre public.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
19. Il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2021.
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N° 20LY03179
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