Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 octobre 2018 et le 25 janvier 2019, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SARL Gamondes Vet'Chauss, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 3 septembre 2018 ;
2°) de la décharger de ces impositions ;
3°) d'ordonner la restitution des impositions en cause ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Gamondes Vet'Chauss soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, sa requête n'était aucunement dépourvue d'objet et était parfaitement recevable ;
- sa demande de décharge des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés et de droits de taxe sur la valeur ajoutée n'était pas tardive dès lors qu'elle a été présentée avant le 31 décembre de la deuxième année ayant suivi la prise de position de l'administration dans son mémoire présentée devant le tribunal administratif le 12 août 2015 laquelle constitue un évènement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;
- sa demande s'inscrit dans le cadre du contentieux du recouvrement des créances détenues sur l'Etat dont la prescription est de quatre ans à compter de l'année au cours de laquelle les droits ont été acquis, le mémoire du 12 août 2015 constituant, conformément aux paragraphes nos 200, 210 et 250 du BOI-REC-EVTS-30-20, une reconnaissance de dette au sens de l'article 2240 du code civil, interruptive de prescription.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- la demande de décharge était tardive car la réclamation présentée le 18 décembre 2017 l'était, le dégrèvement du 11 août 2015 ne constituant pas un évènement au sens de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;
- la demande de restitution n'est pas plus recevable, dès lors que le mémoire du 12 août 2015 qui a énoncé le montant du dégrèvement prononcé le 11 août 2015 ne saurait constituer une créance détenue par la société sur l'administration et que la réclamation du 18 décembre 2017 était tardive.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 1968-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la société Gamondes Vet'Chauss ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Gamondes Vet'Chauss a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er février 2006 au 31 janvier 2010 en matière d'impôt sur les sociétés et sur la période du 1er février 2006 au 31 juillet 2010 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Elle a contesté les impositions supplémentaires établies à la suite de cette vérification de comptabilité et a obtenu, dans le cadre de l'instance qui avait été engagée devant le tribunal administratif de Lyon, le dégrèvement total de ces impositions supplémentaires au titre des exercices clos en 2008 et en 2010. Pour ces deux exercices, les chiffres d'affaires initialement déclarés par la requérante étaient supérieurs à ceux finalement retenus par l'administration. La SARL Gamondes Vet'Chauss a présenté à l'administration fiscale une nouvelle réclamation, par lettre du 18 décembre 2017 tendant " au dégrèvement des impositions initiales " qu'elle avait acquittées au titre des exercices clos en 2008 et 2010 à hauteur des montants résultant de la reconstitution de chiffre d'affaires finalement retenue par l'administration. Cette réclamation a été rejetée comme tardive par décisions du 29 décembre 2017. La SARL Gamondes Vet'Chauss relève appel de l'ordonnance du 3 septembre 2018 par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande au motif, d'une part, que la demande de décharge des impositions primitives était manifestement irrecevable et, d'autre part, que la demande de restitution de ces sommes n'était pas assortie de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. (...). Les réclamations peuvent être présentées à compter de la réception de la réponse aux observations du contribuable mentionnée à l'article L. 57, ou à compter d'un délai de 30 jours après la notification prévue à l'article L. 76 ou, en cas de saisine de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, à compter de la notification de l'avis rendu par cette commission (...) ". Aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. ". Aux termes de l'article R. 196-3 du même livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. ". Seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai prévu au c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales les événements qui sont de nature à exercer une influence sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 281 dudit livre : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article 1er de la loi n° 1968-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dans sa rédaction applicable au litige : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ".
5. Il résulte de l'instruction que l'administration a décidé, au cours de l'instance devant le tribunal administratif de Lyon portant sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société requérante au titre des exercices clos en 2008 et en 2010 et sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes correspondantes, qui avaient été notifiés à la société requérante par proposition de rectification du 17 décembre 2010, de dégrever ces impositions au motif que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la société retenue par l'administration aboutissait, pour ces années, à des montants inférieurs aux montants déclarés par la société. Cette seule circonstance ne démontre pas que les montants initialement déclarés par la société étaient erronés et n'est ainsi pas de nature à exercer une influence sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul. Ainsi, le mémoire du 12 août 2015 dans lequel l'administration a fait apparaître les montants de chiffre d'affaires reconstitués selon sa méthode ne constitue pas un évènement au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ouvrant un nouveau délai pour contester les impositions primitives de la SARL. La réclamation présentée par la société par lettre du 18 décembre 2017 à l'encontre de ces impositions primitives, au-delà du délai prévu au b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales et au-delà du délai prévu par l'article R. 196-3 de ce livre était, par suite, tardive. Ainsi, la demande de décharge de la SARL Gamondes Vet'Chauss présentée devant le tribunal était irrecevable, ainsi que, en tout état de cause, la demande de restitution par voie de conséquence de leur décharge des impositions correspondantes.
6. La SARL Gamondes Vet'Chauss a fait valoir, devant le tribunal, puis devant la cour, que sa demande s'inscrivait dans le cadre d'un litige de " recouvrement " d'une créance détenue sur l'Etat dont la prescription est de quatre ans à compter de l'année au cours de laquelle les droits ont été acquis, le mémoire du 12 août 2015 constituant une reconnaissance de dette par l'Etat au sens de l'article 2240 du code civil, interruptive de prescription. Toutefois et en tout état de cause, le mémoire du 12 août 2015 ne constitue pas une reconnaissance de dette de l'Etat et le litige porté devant le tribunal, qui ne relève pas du contentieux du recouvrement de l'impôt, ne peut s'analyser que comme portant sur la contestation de l'assiette des impositions primitives de la société. Par suite, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, la demande présentée par la SARL Gamondes Vet'Chauss de restitution des impositions litigieuses doit être rejetée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Gamondes Vet'Chauss n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Gamondes Vet'Chauss est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Gamondes Vet'Chauss et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.
La rapporteure,
A. D...Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
C. Langlet
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 18LY03937