Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 mars 2020, Mme B... et M. C..., représentés par Me Djinderedjian, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble du 5 février 2020 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de leur délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer leur situation dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- leur recours est recevable ;
- ils seraient exposés à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Kosovo ;
- ils ne pourront mener une vie normale au Kosovo et le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le dossier médical de leur enfant aurait dû être transmis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en application des dispositions du 11° de l'article L. 31311 et de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- compte tenu de l'état de santé de leur enfant, le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Mme B... et M. C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A..., présidente assesseure.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... et M. C..., ressortissants kosovars, nés respectivement, le 13 janvier 1981 et le 18 août 1977, sont entrés en France le 3 janvier 2017, selon leurs déclarations. L'asile leur a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 20 septembre 2019. Par décisions du 12 décembre 2019, le préfet de la Haute-Savoie, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... et M. C... font appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions du 12 décembre 2019.
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant l'intervention des décisions en litige, les intéressés auraient déposé une demande tendant au bénéfice de l'autorisation provisoire de séjour prévue par les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ils ne peuvent utilement soutenir que les décisions en litige ne pouvaient intervenir qu'après saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et qu'elles méconnaîtraient les dispositions du 11° de l'article L. 31311 et de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
4. Les requérants font valoir que l'un de leurs enfants souffre du syndrome de Noonan qui nécessite un suivi pluridisciplinaire régulier. Toutefois, si le certificat médical du 10 octobre 2019 qu'ils produisent précise que " cet enfant nécessite une prise en charge particulière sur le plan médical, social et scolaire ", les informations générales sur les carences du système d'assurance maladie au Kosovo auxquelles les intéressés se réfèrent ne permettent pas de démontrer qu'une telle prise en charge serait impossible au Kosovo. De même, les requérants n'apportent aucun élément permettant d'établir la réalité des risques qu'ils prétendent encourir au Kosovo et qui feraient obstacle à ce qu'ils puissent mener une vie familiale normale dans ce pays. Ainsi, les éléments avancés par les intéressés ne permettent pas de considérer que les décisions en litige portent à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
6. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant des requérants ne puisse pas bénéficier d'un suivi médical adapté dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
8. Les requérants qui n'établissent pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, que leur enfant ne pourrait trouver effectivement au Kosovo un traitement adapté à son état de santé, ne sont pas fondés, en tout état de cause, à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. Si les requérants font valoir qu'ils ont fui le Kosovo en raison des persécutions qu'ils ont subis et qu'ils risquent de subir de la part d'un individu qui serait le père biologique de leur enfant, ils ne produisent toutefois aucun élément probant de nature à établir qu'ils seraient effectivement et personnellement exposés à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... et de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., à M. F... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
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N° 20LY01015