Par une requête, enregistrée le 25 février 2020, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) le cas échéant après avoir transmis une question préjudicielle à la cour de justice de l'Union Européenne ou, à défaut, une demande d'avis au Conseil d'Etat sur le point suivant : " La conformité au droit de l'Union Européenne (règlement européen 603/2013 sur EURODAC) de l'état de la jurisprudence imposant à l'étranger de démontrer que l'agent qui a consulté EURODAC ne serait pas spécialement désigné ni habilité à le faire au sens des dispositions des articles 1er, 5 et 6 du règlement 603/2013 ", d'annuler ce jugement du 24 janvier 2020 ainsi que les arrêtés susvisés ;
2°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant transfert aux autorités belges est entachée d'incompétence et d'un vice de procédure, dès lors que le préfet du Doubs n'apporte pas la preuve que l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 a été mené par un agent qualifié ;
- l'agent de la préfecture n'était pas habilité à consulter le fichier EURODAC ;
- il n'est pas démontré que la Belgique a été saisi et qu'elle a accepté sa responsabilité sur le fondement du c) de l'article 18.1 du règlement 604/2013 ;
- en le transférant à nouveau vers la Belgique, le préfet a méconnu le délai de transfert de 6 mois fixé par l'article 29 du règlement 604/2013 ainsi que l'objectif de célérité de la procédure d'asile et de détermination de l'Etat responsable ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre de l'article 17.1 du règlement n° 604/2013 ;
- l'arrêté méconnait l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 et la hiérarchie des critères de responsabilité ;
- la décision portant assignation à résidence doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités belges.
Par un mémoire, enregistré le 2 septembre 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
-Le rapport de Mme D..., première conseillère,
-Les conclusions de M.Vallecchia, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité soudanaise, a sollicité l'asile en France le 17 juin 2019 auprès du préfet du Maine-et-Loire après avoir effectué un séjour en Belgique où ses empreintes ont été relevées et une demande d'asile a été recueillie. Par arrêté du 28 juin 2019, le préfet du Maine-et-Loire a décidé de le transférer vers la Belgique. La mesure a été exécutée le 19 novembre 2019, mais M. A... est revenu en France pour déposer une nouvelle demande d'asile en décembre 2019 auprès de la préfecture de la Côte-d'Or. Par deux arrêtés du 13 janvier 2020, notifiés le 20 janvier suivant, le préfet du Doubs a décidé de transférer l'intéressé aux autorités belges et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Selon l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, susvisée : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ". M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2020. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur l'arrêté portant transfert aux autorités belges :
3. En premier lieu, M. A... réitère en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée sans apporter aucun élément nouveau de droit ou de fait. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter ce moyen.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite ; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
5. Il ressort des pièces du dossier et des mentions figurant sur le compte-rendu de l'entretien individuel mené avec l'intéressé que M. A... a bénéficié d'un entretien individuel le 9 décembre 2019, en présence d'un interprète en langue arabe, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec un agent du service de la préfecture de la Côte d'Or, qui est un agent qualifié au sens du point 5 de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces dispositions n'exigent pas en outre que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené. Dès lors, la circonstance que ni le nom, ni la qualité, ni la signature de l'agent des services de la préfecture ne figure sur le compte rendu de l'entretien n'est pas de nature à démontrer que celui-ci n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Il ressort par ailleurs du résumé dudit entretien que M. A... a pu faire valoir à cette occasion toutes observations utiles. Par suite, et sans qu'il soit utile de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ou le Conseil d'Etat d'une demande d'avis, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article 6 du règlement (UE) n°603/2013 : " Seul le personnel dûment habilité de l'autorité chargée de la vérification est autorisé à recevoir et transmettre une demande d'accès à Eurodac (...) ".
7. M. A... se borne à remettre en cause, par principe, l'habilitation de l'agent qui a consulté le fichier Eurodac et n'appuie sa contestation d'aucun élément objectif ni ne conteste les mentions portées dans ce fichier qui ont permis au préfet de décider son transfert aux autorités belges. Par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ou le Conseil d'Etat d'une demande d'avis, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
8. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n°603/2013, de l'objectif de célérité de la procédure d'asile et de détermination de l'Etat responsable ainsi que ceux tirés de la méconnaissance de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 et des critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 doivent être écartés par les motifs retenus par le premier juge qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l'apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ". Contrairement à ce que soutient M. A..., le préfet du Doubs a pu légalement édicter par l'arrêté du 13 janvier 2020 une nouvelle décision portant transfert aux autorités belges en raison de la nouvelle demande d'asile déposée le 9 décembre 2019 en France par l'intéressé et le retrait de celle présentée en Belgique, après avoir saisi lesdites autorités d'une nouvelle demande de prise en charge.
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
10. Compte tenu de la légalité de l'arrêté portant transfert de M. A... aux autorités belges, ce dernier ne saurait exciper de l'illégalité de cet arrêté à l'encontre de l'arrêté du 13 janvier 2020 l'assignant à résidence.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête tendant à l'annulation des arrêtés du 13 janvier 2020 pris à son encontre par le préfet du Doubs portant son transfert aux autorités belges et l'assignant à résidence. Les conclusions qu'il présente en appel aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d'injonction et d'astreinte et au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. A...
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme B..., présidente assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 janvier 2021.
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N° 20LY00876