- elle justifie d'un intérêt à agir au sens de l'article L 752-17 du code de commerce, compte tenu de l'irrégularité de la délimitation de la zone de chalandise et de la superposition de sa propre zone de chalandise et de celle du projet, qui impactera son activité ;
- l'avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) est insuffisamment motivé ;
- le dossier de demande d'autorisation d'aménagement commercial est incomplet et méconnait les articles R.752-6 et R.752-7 du code du commerce ;
- le permis litigieux méconnait les articles L.750-1, L.752-6 et L.752-21 du code de commerce dès lors que le projet ne se justifie pas en terme d'aménagement du territoire en ce qu'il aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine et sur les flux de circulation et que la réalisation des aménagements routiers est incertaine ; le projet n'expose pas les nuisances susceptibles d'être générées ; les places de stationnements prévues seront insuffisantes.
Par un mémoire enregistré le 3 septembre 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le recours gracieux formé par la société requérante le 18 février 2020 auprès du maire de la commune de Rillieux-La-Pape n'a pas interrompu le délai de recours contentieux, que, dès lors, le recours formé le 4 juin 2020 devant la cour est tardif et, par suite, irrecevable ;
- la société requérante ne justifie pas d'un intérêt pour agir dès lors qu'elle n'exerce pas une activité commerciale dans la zone de chalandise définie par le projet, qu'elle n'apporte pas la preuve de l'impact négatif que le projet aurait sur son activité, qu'elle ne peut se prévaloir du chevauchement des zones de chalandise dès lors qu'elle ne démontre pas que le projet est susceptible d'avoir sur son activité commerciale une incidence significative.
Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2020, la commune de Rillieux-La-Pape, représentée par Me Vincens-Bouguereau, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SAS Casino Distribution France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Casino Distribution France ne justifie pas d'un intérêt à agir au sens des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce dès lors qu'elle ne se situe pas dans la zone de chalandise du projet et que sa zone de chalandise ne chevauche pas celle du projet ;
- l'avis de la CNAC est suffisamment motivé dès lors qu'elle s'est prononcée sur les éléments essentiels du projet litigieux ;
- le dossier de demande d'autorisation d'aménagement commercial est suffisamment précis et détaillé en ce qui concerne l'aménagement du territoire et plus précisément l'évaluation des flux journaliers de circulation, les informations relatives aux véhicules de livraison, les garanties de financement et de réalisation effective des aménagements nécessaires à desserte du projet, et en ce qui concerne les informations relatives au développement durable, de sorte que le dossier présente un caractère complet ;
- la CNAC n'a pas entaché son avis d'erreur d'appréciation dès lors que le projet n'aura pas d'impact négatif sur l'animation de la vie urbaine et sur les flux de circulation, que la réalisation des aménagements routiers est suffisamment certaine, que les nuisances générées par le projet ont été prises en compte dans l'avis de la CNAC, que la capacité d'accueil du parc de stationnement du projet est suffisante de sorte que la protection des consommateurs est assurée.
Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2020, la société Eiffage immobilier centre-est, représentée par Me E..., avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SAS Casino Distribution France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délimitation de la zone de chalandise n'est pas erronée et se fonde sur des éléments clairs et circonstanciés de sorte que la société requérante ne se situe pas dans la zone de chalandise définie par le projet ; la société requérante ne démontre pas davantage le chevauchement des deux zones de chalandise et ne se prévaut d'aucun impact négatif que le projet pourrait avoir sur son activité commerciale ; par suite, la société requérante ne dispose pas d'un intérêt pour agir ;
- l'avis de la CNAC est suffisamment motivé en ce qu'il est conforme aux dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
- le dossier de demande d'autorisation d'aménagement commercial est complet dès lors qu'une étude d'impact a été fournie alors même que ce n'était pas une obligation, que les informations relatives aux flux de circulation sont suffisantes, que l'accès au site par les véhicules de livraison est suffisamment sécurisé, que les aménagements envisagés pour assurer la desserte du projet sont garantis, que le dossier de permis de construire comporte rigoureusement les informations requises en terme de développement durable ;
- l'avis de la CNAC n'est pas entaché d'erreur d'appréciation dès lors que le futur supermarché participera à l'animation de la vie urbaine, que le projet présente les garanties nécessaires s'agissant des flux de circulation, que la réalisation des aménagements routiers est suffisamment certaine, que le projet ne générera pas d'éventuelles nuisances, que la protection des consommateurs n'inclut aucune garantie en terme de stationnement et que, le nombre de places de stationnement prévu par le projet respecte le plan local d'urbanisme et l'article L.111-19 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en intervention volontaire enregistrés les 17 novembre et 4 décembre 2020, dont le dernier n'a pas été communiqué, la société immobilière européenne des mousquetaires, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la SAS Casino Distribution France, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête en intervention volontaire est recevable ;
- le recours gracieux formé par la SAS Casino Distribution France auprès du maire de Rillieux-La-Pape n'a pas interrompu le délai de recours contentieux ; par suite la requête est irrecevable en ce qu'elle est tardive ;
- la SAS Casino Distribution France, située en dehors de la zone de chalandise, ne démontre pas que la délimitation de celle-ci serait erronée ni que les deux zones de chalandise se chevaucheraient et que le projet serait susceptible d'avoir une influence significative sur son activité, de sorte qu'elle ne dispose pas d'un intérêt pour agir ;
- l'avis de la CNAC est suffisamment motivé et la fermeture du magasin Carrefour Market est certaine ;
- le dossier de demande de permis de construire est complet dès lors qu'une analyse d'impact commercial a été transmise, que l'étude de trafic réalisée démontre que les flux de circulation générés ne seront pas saturés, que les modalités de livraison ont été précisées et que la question des nuisances générées par le projet a été abordée ;
- le projet contribuera à l'animation de la vie locale ;
- le projet n'aura aucun impact négatif sur les flux de véhicules ;
- aucun accès " livraison " ne sera créé ;
- le projet prend en compte le développement durable ;
- la protection des consommateurs est assurée dès lors que la capacité d'accueil du parc de stationnement du projet est suffisante.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- les observations de Me C..., représentant la SAS Distribution Casino France, de Me B..., représentant la commune de Rilleux-la-Pape, de Me E..., représentant la SA Eiffage Immobilier Centre-Est et de Me F..., représentant la SA Immobilière européenne des Mousquetaires ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 11 juillet 2019, la Commission départementale d'aménagement commercial du Rhône (CDAC) a émis un avis favorable à la demande présentée par la société Eiffage immobilier centre-est de création d'un supermarché à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente de 1 379 m² au rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitation et de création d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats commandés par voie télématique d'une emprise au sol de 15 m² et de deux pistes de ravitaillement, au 81 avenue de l'Europe sur la commune de Rillieux-La-Pape. La société Eiffage immobilier centre-est a consenti une promesse de vente à la société immobilière européenne des mousquetaires en date du 26 avril 2019. La SAS Casino Distribution France qui exploite un supermarché à l'enseigne " Casino " à Sathonay-Camp, a formé un recours contre cet avis devant la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), qui a rejeté ce recours et émis un avis favorable au projet le 7 novembre 2019. Par arrêté du 20 décembre 2019, pris au vu de l'avis de la CNAC, le maire de Rillieux-La-Pape a délivré à la société Eiffage immobilier centre-est un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la création d'un magasin Intermarché sur cette commune. Le 18 février 2020, la SAS Casino Distribution France a formé un recours gracieux contre ce permis auprès du maire de Rillieux-La-Pape, qui l'a rejeté le 25 février 2020. La SAS Casino Distribution France demande à la cour d'annuler l'arrêté du maire de Rillieux-La-Pape du 20 décembre 2019 et la décision portant rejet de son recours gracieux du 25 février 2020.
Sur l'intervention volontaire de la société immobilière européenne des mousquetaires :
2. La société Eiffage immobilier centre-est, propriétaire du terrain d'assiette du projet, a consenti une promesse de vente à la société immobilière européenne des mousquetaires en date du 26 avril 2019. La société immobilière européenne des mousquetaires a donc intérêt à ce que les conclusions de la SAS Casino Distribution France tendant à l'annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale soient rejetées. Par suite, son intervention est admise.
Sur la recevabilité de la requête :
3. En vertu des dispositions de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme dans leur rédaction issue de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, lorsqu'un projet de création ou d'extension de surface de vente de magasin de commerce de détail est soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu des dispositions de l'article L. 752-1 du code de commerce et qu'il doit également faire l'objet d'un permis de construire, ce dernier tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, dès lors que le projet a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial compétente ou, le cas échéant, d'un avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial saisie d'un recours contre l'avis de la commission départementale.
4. Dans sa rédaction issue de l'article 52 de la loi du 18 juin 2014 mentionnée ci-dessus, le I de l'article L. 752-17 du code de commerce dispose que : " Conformément à l'article L.425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial (...) ".
5. Pour l'application de l'article L. 752-17 du code du commerce, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale puis, en cas d'autorisation à nouveau donnée par la Commission nationale, un recours contentieux. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.
6. D'une part, aux termes de l'article R. 752 3 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Eiffage immobilier centre-est consiste en la création d'un supermarché à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente de 1 379 m² ainsi que d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats commandés par voie télématique, d'une emprise au sol de 15 m² et de deux pistes de ravitaillement. La société pétitionnaire a circonscrit la zone de chalandise à la seule commune de Rillieux-La-Pape et aux consommateurs dont le temps d'accès maximal en voiture est de 10 minutes. Si la société requérante, exploitante d'un commerce à l'enseigne " Casino " situé à Sathonay-Camp à 5 kilomètres du projet et 11 minutes en voiture, fait valoir que les enseignes présentes dans les communes de Sathonay et Sathonay-Camp, situées à 5,2 kilomètres et à 9 minutes du projet en voiture, ont été exclues à tort de la zone de chalandise, il ressort des pièces du dossier que pour délimiter sa zone de chalandise, la société pétitionnaire a tenu compte de la surface de vente restreinte du supermarché envisagé, de ce qu'il est un commerce de proximité, de ce qu'il est localisé en plein centre-ville de Rillieux-La-Pape et de ce qu'il aura vocation à remplacer le supermarché à l'enseigne " Carrefour Market " d'une surface de vente de 2000 m², situé au 104 avenue de l'Europe, dont la démolition est prévue pour la fin du moins de décembre 2020, ce que la société requérante conteste, sans le démontrer. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le futur supermarché serait susceptible d'attirer une clientèle résidant en dehors de la commune de Rillieux-La-Pape et que l'activité du magasin exploité par la SAS Casino Distribution France serait susceptible d'être affectée par celui-ci. Sur la base de ces éléments, la société Eiffage immobilier centre-est a donc pu valablement exclure de sa zone de chalandise, les communes de Sathonay et Sathonay-Camp dont les habitants n'auront pas vocation à fréquenter son magasin. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que la définition de la zone de chalandise serait trop restrictive.
8. D'autre part, la société requérante, qui soutient que la zone de chalandise du magasin Intermarché chevaucherait celle de son supermarché, se prévaut d'une carte " iso 15 minutes voiture " du magasin Casino qu'elle exploite à Sathonay-Camp, qui inclut le projet contesté. Toutefois, et alors qu'elle est seule à même d'apporter des éléments pour délimiter sa propre zone de chalandise, les pièces versées au dossier ne suffisent pas à apprécier la délimitation de sa zone de chalandise. A supposer même que le chevauchement des deux zones de chalandise soit établi, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le projet litigieux aurait une incidence significative sur son activité commerciale. Il suit de là que la SAS Casino Distribution France ne dispose pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire litigieux. Ainsi, les conclusions de la SAS Casino Distribution France dirigées contre cette décision sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, de la commune de Rillieux-La-Pape et de la société Eiffage immobilier centre-est, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la SAS Casino Distribution France au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance. Ces dispositions s'opposent également à ce qu'il soit fait droit à la demande de la société immobilière européenne des mousquetaires fondée sur ces dispositions dès lors qu'elle n'a pas la qualité de partie, mais d'intervenante.
10. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Casino Distribution France le versement à la commune de Rillieux-La-Pape et à la société Eiffage immobilier centre-est de sommes de 2 000 euros chacune au titre des frais exposés par elles dans cette instance.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention volontaire de la société immobilière européenne des mousquetaires est admise.
Article 2 : La requête de la SAS Casino Distribution France est rejetée.
Article 3 : La SAS Casino Distribution France versera à la commune de Rillieux-La-Pape, à la société Eiffage immobilière centre-est et à la société immobilière européenne des mousquetaires une somme de 1 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société immobilière européenne des mousquetaires fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Casino Distribution France, à la commune de Rillieux-La-Pape, à la société Eiffage centre-est, à la société immobilière européenne des mousquetaires, au président de la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.
2
N° 20LY01562
cm