1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2020 ainsi que la décision susvisée ;
2°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir les conditions matérielles d'accueil sous 48 heures à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'indemniser du préjudice subi à hauteur de 5 000 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 18 juillet 2019 est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il a droit à l'indemnisation du préjudice subi dès lors qu'il est privé de toute ressource et de tout hébergement depuis le 22 février 2018.
Un mémoire a été enregistré le 3 février 2021 pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me E..., qui conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision et du défaut d'examen particulier sont irrecevables et que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'est pas fondé.
Les parties ont été informées le 2 février 2021, en application des dispositions de l'article R. 6117 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe (insuffisance de motivation) soulevé par l'appelant qui relève d'une cause juridique nouvelle en appel et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par l'appelant, nouvelles en appel.
Une réponse à ce moyen soulevé d'office a été produite pour M. A... le 11 février 2021.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., première conseillère,
- et les observations de Me D... pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 22 décembre 1986, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil prises le 18 juillet 2019 par le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. La directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale vise à harmoniser les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile en leur garantissant un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. Aux termes, toutefois, de l'article 20 de cette directive : " 1. Les États membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur : a) abandonne le lieu de résidence fixé par l'autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou, si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l'avoir obtenue ; ou b) ne respecte pas l'obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d'information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile dans un délai raisonnable fixé par le droit national (...) En ce qui concerne les cas visés aux points a) et b), lorsque le demandeur est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes, une décision dûment motivée, fondée sur les raisons de sa disparition, est prise quant au rétablissement du bénéfice de certaines ou de l'ensemble des conditions matérielles d'accueil retirées ou réduites. (...) 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les États membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable (...). / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (...) ". L'article L. 742-1 du même code prévoit que : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat ". L'article L. 744-1 du même code dispose que les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile, au sens de la directive du 26 juin 2013, " sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile (...). Les conditions matérielles d'accueil comprennent les prestations et l'allocation prévues au présent chapitre (...) ". L'article L. 744-9 de ce même code prévoit que " Le demandeur d'asile qui a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées en application de l'article L. 744-1 bénéficie d'une allocation pour demandeur d'asile s'il satisfait à des conditions d'âge et de ressources. L'Office français de l'immigration et de l'intégration ordonne son versement dans l'attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l'asile ou jusqu'à son transfert effectif vers un autre Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : / 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...) ". Si les termes de cet article ont été modifiés par différentes dispositions du I de l'article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l'article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur ensemble qu'à compter du 1er janvier 2019 et ne s'appliquent qu'aux décisions initiales, prises à compter de cette date, relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil proposées et acceptées après l'enregistrement de la demande d'asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018.
5. Il résulte des dispositions précédemment citées que les conditions matérielles d'accueil sont proposées au demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile auquel il est procédé en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si, par la suite, les conditions matérielles proposées et acceptées initialement peuvent être modifiées, en fonction notamment de l'évolution de la situation du demandeur ou de son comportement, la circonstance que, postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'examen de celle-ci devienne de la compétence de la France n'emporte pas l'obligation pour l'Office de réexaminer, d'office et de plein droit, les conditions matérielles d'accueil qui avaient été proposées et acceptées initialement par le demandeur. Dans le cas où les conditions matérielles d'accueil ont été suspendues sur le fondement de l'article L. 744-8, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015, le demandeur peut, notamment dans l'hypothèse où la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile, en demander le rétablissement. Il appartient alors à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, pour statuer sur une telle demande de rétablissement, d'apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.
6. Il résulte de l'instruction que M. A..., célibataire, âgé de 33 ans, a été déclaré en fuite le 12 décembre 2017 pour ne pas avoir respecté les modalités de l'assignation à résidence prononcée à son encontre le 27 novembre 2017 par le préfet du Rhône et qu'il n'a pas contesté la suspension du bénéfice des conditions matérielles d'accueil édictée le 22 février 2018 par l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il n'en a demandé le rétablissement qu'au mois de juillet 2019.
7. En premier lieu, l'intéressé soulève pour la première fois en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 18 juillet 2019 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il s'était toutefois borné dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal à invoquer des moyens de légalité interne tenant à sa situation personnelle et n'avait pas produit d'écritures complémentaires avant la clôture de l'instruction devant le tribunal, contrairement à ce qu'il affirme. Le mémoire enregistré le 1er juillet 2020 a été produit postérieurement à la lecture du jugement attaqué. Par suite, ce moyen de légalité externe, fondé sur une cause juridique distincte nouvelle en appel, qui n'est pas d'ordre public, doit être écarté comme irrecevable.
8. En deuxième lieu, si M. A... se prévaut du défaut d'examen de sa situation, il ressort de la décision contestée qu'elle se réfère à la demande de l'appelant du 10 juillet 2019, à la circonstance qu'il n'a pas respecté les termes de l'assignation à résidence prononcée le 27 novembre 2017 à son encontre par le préfet du Rhône, ce qui a justifié la déclaration de fuite puis la suspension de ses conditions matérielles d'accueil. La décision précise que l'évaluation de la situation personnelle et familiale de M. A... n'a pas fait apparaître de facteur particulier de vulnérabilité au sens de l'article L. 744-6 du code précité. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté comme manquant en fait.
9. En dernier lieu, M. A... se prévaut en appel comme il l'avait fait devant le tribunal de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sans apporter aucun élément nouveau de droit ou de fait. Il y a lieu, pour la Cour, d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le tribunal.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil prise le 18 juillet 2019 par le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
11. Si M. A... a présenté une demande préalable d'indemnisation de son préjudice auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 22 mai 2020 laquelle a été réceptionnée le 25 mai 2020, cette circonstance est postérieure au jugement attaqué et M. A... n'a pas présenté de conclusions indemnitaires devant le tribunal. Ces conclusions, nouvelles en appel, sont donc irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.
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N° 20LY02889