Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 octobre 2020, M. et Mme E..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du 18 mai 2020 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois, en les munissant sous huit jours d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer à leur conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
M. et Mme E... soutiennent que :
- les refus de titre de séjour sont insuffisamment motivés au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- ils ont été adoptés à l'issue d'une procédure irrégulière, le préfet n'ayant pas produit les avis des médecins de l'OFII des 3 juin 2019 et 21 août 2019 qui étaient, en outre, obsolètes ;
- les avis de l'OFII ne respectent pas l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le préfet s'est à tort estimé lié par le sens de ces avis ;
- les refus de titre de séjour méconnaissent le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ils méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les obligations de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;
- elles méconnaissent le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Le préfet de l'Isère, auquel la requête a été communiquée, n'a pas présenté d'observations.
M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E..., nés respectivement le 8 février 1953 et le 26 octobre 1953, ressortissants arméniens, sont, d'après leurs déclarations, entrés irrégulièrement en France le 18 mars 2017. Ils ont chacun présenté une demande d'asile ainsi qu'une demande de titre de séjour en faisant valoir leur état de santé. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile respectivement les 12 décembre 2017 et 19 juillet 2018. Par arrêtés du 18 mai 2020, le préfet de l'Isère a constaté qu'ils ne disposaient plus du droit de se maintenir en France au titre de l'asile et a refusé de leur délivrer des titres de séjour à un autre titre, a assorti ces refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé leur destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). " Les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code interdisent d'éloigner un étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé répond aux conditions énoncées par le 11° de l'article L. 313-11.
3. Selon l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 3 février 2019, si l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays de renvoi, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il peut également voyager sans risque vers son pays d'origine. L'avis du collège des médecins de l'OFII du 21 août 2019 conclut, pour Mme E..., que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
4. Pour contester l'appréciation portée par le préfet sur l'accès effectif au traitement rendu nécessaire par son état de santé, M. E... se borne, d'une part, à produire une ordonnance mentionnant la liste des médicaments qui lui ont été prescrits en France, en soulignant leur nombre important, un certificat médical qui indique que son état de santé nécessite la prise d'un traitement ainsi qu'un suivi médical régulier et, d'autre part, à faire valoir, sans toutefois l'établir, qu'il dispose pour seules ressources en Arménie d'une faible retraite et que son logement a été détruit. Ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet sur la possibilité qu'il puisse bénéficier effectivement dans son pays d'origine du traitement rendu nécessaire par son état de santé. Par ailleurs, l'ordonnance et le certificat médical qui indique que Mme E... est atteinte d'une hypertension artérielle ainsi que d'un syndrome anxio-dépressif lié à un stress post-traumatique, ne permettent pas d'établir qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressée. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français auraient été prises en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10° de l'article L. 511-4 du même code.
5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. et Mme E..., qui résidaient en France depuis trois ans à la date des arrêtés litigieux, étaient tous les deux en situation irrégulière. Ils ne disposent pas d'attaches familiales en France et ne font état d'aucune insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, alors qu'ils ont vécu la majeure partie de leur vie en Arménie et qu'il n'est pas établi qu'ils ne pourraient recevoir en Arménie les soins nécessités par leurs états de santé respectifs, le préfet de l'Isère n'a pas, en prenant les arrêtés litigieux, porté une atteinte disproportionnée à leur droit à mener une vie privée et familiale normale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.
7. En troisième lieu, M. et Mme E... reprennent en appel les moyens tirés de ce que les refus de titre de séjour sont insuffisamment motivés au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, qu'ils ont été adoptés à l'issue d'une procédure irrégulière, le préfet n'ayant pas produit les avis des médecins de l'OFII des 3 juin 2019 et 21 août 2019 qui étaient obsolètes et que les avis de l'OFII ne respectent pas l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, moyens auxquels le tribunal a répondu aux points 4 à 8 du jugement attaqué. Ces moyens ne sont assortis d'aucune précision supplémentaire ni d'aucun élément pertinent de nature à critiquer les motifs par lesquels le tribunal les a justement rejetés. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs du jugement attaqué.
8. En dernier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés que M. et Mme E... ne sont pas fondés à se prévaloir de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et Mari E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2021.
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N° 20LY02985