Par une requête enregistrée le 22 juillet 2020, M. et Mme F..., représentés par Me D..., avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juillet 2020 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer des titres de séjour dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer leur situation ;
4°) dans tous les cas, d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer des autorisations provisoires de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de la fabrication des titres de séjour ou du réexamen de leur situation dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) d'enjoindre au préfet d'effacer leur signalement aux fins de non admission dans le Système d'Information Schengen dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, ou à leur profit s'ils n'obtiennent pas le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas examiné de manière complète la demande présentée par M. F... en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a entaché ses décisions d'un défaut d'examen personnalisé et complet de leur situation en s'abstenant de prendre en considération la particularité du fait que leur fille est inhumée au cimetière de Villefranche-sur-Saône ;
- le préfet n'a pas examiné de manière complète la demande présentée par M. F... en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne respecte pas les prescriptions applicables aux signatures électroniques ;
- ils présentent des circonstances humanitaires qui auraient dû pousser le préfet à les admettre au séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ces décisions méconnaissent le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles méconnaissent le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Mme B... G..., épouse F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente assesseure,
- et les observations de Me D..., représentant M. et Mme F... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant macédonien, né le 16 août 1986 et son épouse, ressortissante kosovare, née le 18 janvier 1988 ont déclaré être entrés en France le 8 septembre 2014. Le 29 janvier 2015, leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Ces refus ont été confirmés le 17 juin 2015, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 6 août 2015, ils ont fait l'objet de décisions de refus de séjour et d'obligations de quitter le territoire français qui ont été confirmées par le tribunal administratif de Lyon, le 16 juin 2016. Le 19 septembre 2017, M. et Mme F... ont sollicité la délivrance de titres de séjour. Par décisions du 14 août 2019, le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme F... relèvent appel du jugement 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
2. M. F... a invoqué devant le tribunal, à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour, le moyen tiré du défaut d'examen particulier et complet de sa demande relative au titre " salarié " présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal a omis de statuer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il a statué sur les demandes de M. F....
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. F... et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de la requête de son épouse.
4. En premier lieu, il ressort des termes des décisions en litige qui énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent que le préfet a pris en compte la situation particulière dans laquelle ils se trouvaient notamment en ce qui concerne le décès de leur fille aînée, à sa naissance, le 29 mai 2015, dont il est fait expressément état. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de leur situation en omettant de prendre en compte une telle circonstance.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
6. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". L'article R. 313-23 du même code précise que : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé dispose que : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. "
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'un bordereau d'envoi transmis au préfet par le directeur de l'OFII, le 12 septembre 2018, que les avis rendus le 12 septembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ont été émis au regard de rapports médicaux rédigés, les 29 et 30 mai 2018, par le docteur Fabienne Le Goff qui ne siégeait pas au sein du collège de médecins de l'OFII réuni le 12 septembre 2018. Egalement, il ressort des pièces produites au dossier que ces avis rendus le 12 septembre 2018 sont signés par les trois médecins qui composent le collège de médecins de l'OFII et indiquent expressément qu'ils ont été émis, " après en avoir délibéré ". Les captures d'écrans produites devant le tribunal, tirées du logiciel de traitement informatique d'un dossier médical faisant apparaître des dates et heures différentes auxquelles chacun des médecins du collège aurait " entré " le sens de son avis, qui sont relatives aux dossiers médicaux d'autres ressortissants étrangers ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère collégial de ces délibérations. Enfin, ces avis étant revêtus de la signature manuscrite de chacun des trois médecins ayant délibéré, ils ne comportent donc pas de signatures électroniques. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure dont seraient entachés ces avis du fait de la présence de signatures ne respectant pas les exigences relatives à la sécurité, à la confidentialité et à l'horodatage fixées par l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, dans ses avis du 12 septembre 2018, le collège des médecins de l'OFII, saisi dans le cadre des demandes de titre de séjour présentées par les intéressés, a estimé que leur état de santé nécessitait des soins dont le défaut ne devrait pas entraîner pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'ils pouvaient voyager sans risque vers leur pays d'origine. Les pièces médicales produites par les intéressés, au vu desquelles ces derniers souffrent de troubles psychologiques très sévères liés notamment au deuil de leur fille pour lesquels ils sont suivis ne sont pas de nature à remettre en cause les avis de l'OFII. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance par le préfet du Rhône des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
10. M. et Mme F... font valoir que leur fille aînée est inhumée en France, qu'ils ont besoin de se recueillir régulièrement sur la tombe de leur enfant, qu'ils sont parfaitement intégrés et que M. F... bénéficie d'une promesse d'embauche. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment le défaut de prise en charge de l'état de santé des intéressés ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et ils n'apportent aucun élément permettant d'établir qu'ils ne pourraient reconstituer leur cellule familiale en dehors du territoire français. Dès lors, et compte tenu des conditions du séjour en France des intéressés rappelées ci-dessus, les décisions contestées par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour ne portent pas, eu égard aux buts qu'elles poursuivent, une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Elles ne méconnaissent dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs, les refus de titre de séjour qui ont été opposés à M. et Mme F... ne sont pas plus entachés d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'ils sont susceptibles de comporter pour leurs situations personnelles.
12. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
13. Il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que l'enfant mineure de M. et Mme F... reparte avec ses parents et ypoursuive sa scolarité. Dès lors, les décisions en litige n'ont pas porté, à l'intérêt supérieur de cette enfant, une atteinte méconnaissant les stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) "
15. Il ressort des pièces du dossier et des termes mêmes de la décision de refus de titre de séjour opposée à M. F... qui mentionne que l'intéressé a produit une promesse d'embauche du 24 mai 2019 en qualité d'employé agricole et qu'il ne justifie d'aucune activité salariée que le préfet a procédé à l'examen de sa situation professionnelle avant d'estimer que cette situation ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant une admission exceptionnelle au séjour pour la délivrance d'une carte portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. La seule circonstance que le préfet ait examiné d'office si le requérant remplissait les conditions de délivrance du titre de séjour prévu à l'article L. 313-10 du même code ne saurait dès lors constituer un défaut d'examen complet de la situation de l'intéressé.
16. En dernier lieu, il résulte des circonstances de fait précédemment énoncées, que les intéressés ne justifient pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pouvant donner lieu à une admission exceptionnelle au séjour au titre de leur vie privée et familiale ou portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Rhône, en refusant de leur délivrer un titre de séjour et en leur faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont fondés ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme F... tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français, accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de renvoi qui lui ont été opposées le 14 août 2019 ni à demander l'annulation des décisions du même jour refusant à M. F... un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français, accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles formulées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1909124 et 1909126 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions présentées par M. F....
Article 2 : La demande de M. F... tendant à l'annulation des décisions du 14 août 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ainsi que le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme F... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et Mme B... G..., épouse F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme H..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2021.
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N° 20LY01935