Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 août 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 20 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Savoie du 12 juin 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise à l'issue d'un examen particulier de sa situation ; des éléments portés à la connaissance du préfet dans son audition ne sont pas pris en considération notamment concernant sa vie privée et familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- cette décision procède d'une inexacte application du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît le 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle retient l'existence d'une menace pour l'ordre public ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'erreurs de fait ;
- il fait état de crainte pour sa vie et de menaces qui constituent des circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une telle décision ;
- cette décision procède d'une inexacte application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Savoie, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G... F..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant kosovare né en 1989, relève appel du jugement du 20 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Savoie du 12 juin 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai sur le double fondement des 6° et 7° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 juin 2020 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. M. E... réitère en appel ses moyens selon lesquels la mesure d'éloignement en litige n'a pas été prise à l'issue d'un examen particulier de sa situation, viole des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
3. Il y a également lieu d'adopter les motifs par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. E....
4. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il (...) ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a fait l'objet de trois condamnations par le tribunal correctionnel en 2018, 2019 et 2020 à des peines d'emprisonnement pour des faits de menace de crime ou délit et de violence sur une personne chargée de mission de service public, de violence avec usage ou menace d'une arme, et de violences en récidive sur la personne de sa compagne. Eu égard à la nature, à la gravité et à la réitération des faits récents pour lesquels M. E... a été condamné et incarcéré, le préfet de la Savoie a pu considérer que son comportement constitue une menace pour l'ordre public au sens du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de l'obliger à quitter sans délai de territoire français. M. E... ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale dans la mesure où un jugement du Tribunal correctionnel d'Annecy du 24 février 2020 lui fait interdiction d'entrer en relation avec la compagne chez laquelle il a déclaré vivre depuis le début de l'année 2019. Une décision de remise aux autorités allemandes, alors responsables de sa demande d'asile, n'a pu être mise à exécution du fait de sa non présentation au vol prévu le 13 septembre 2016. Dans ces conditions, quand bien même ainsi qu'il le soutient, le requérant n'aurait pas explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français au sens du h) cité au point précédent, le préfet de la Savoie n'a pas fait une inexacte application des dispositions des 1° et 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
6. Pour les motifs énoncés plus haut, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, dirigés contre la décision de refus de délai de départ volontaire, ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. M. E... réitère en appel ses moyens selon lesquels la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et a été prise en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge. Le moyen selon lequel cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
9. Pour prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Savoie, a principalement relevé qu'il est célibataire et sans enfant à charge, qu'il a déclaré lors de son audition du 27 mai 2020 ne pas vouloir retourner au Kosovo, qu'il a fait obstacle à l'exécution d'une décision de remises aux autorités allemandes, que le contrat de travail qu'il produit n'a pas fait l'objet d'une demande d'autorisation de travail, que le tribunal correctionnel l'a condamné à l'interdiction d'entrer en relation avec sa compagne, qu'il a fait l'objet de nombreuses condamnation pénales et qu'il a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine. Ce faisant, le préfet, qui a procédé à l'examen de la situation du requérant au regard de l'ensemble des critères définis au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a entaché sa décision d'aucune erreur de fait sur la vie privée et familiale de M. E... et son intégration professionnelle, a suffisamment motivé sa décision.
10. Compte tenu notamment de ce qui a été dit au point 5, et en l'absence de circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une interdiction de retour sur le territoire soit prononcée à son encontre, M. E..., dont le comportement représente une menace pour l'ordre public, qui a été notamment condamné le 24 février 2020, à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, mise à l'épreuve pendant deux ans, obligation de soins et interdiction d'entrer en relation avec la victime pour des faits de violences habituelles n'ayant pas entrainé d'incapacité supérieure à huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité en récidive, n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, d'une durée de trois ans, procèderait d'une inexacte application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'elle emporterait des conséquences disproportionnées sur sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 22 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme C... A..., présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme G... F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2021.
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N° 20LY02387