Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 11 mars 2020 portant remise aux autorités maltaises ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de l'admettre au séjour en vue du dépôt de sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de lui remettre l'autorisation provisoire de séjour correspondante, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de remise est insuffisamment motivée faute de réponse apportée à ses observations préalables, révélant un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 compte tenu des défaillances systémiques de la procédure d'asile à Malte, entraînant un risque de traitement inhumain et dégradant ;
- le refus de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du même règlement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/3013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme F..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de Côte d'Ivoire né le 4 avril 2000, a déclaré être entré le 30 octobre 2019 en France, où il a présenté une demande d'asile le 12 novembre. Il demande à la cour d'annuler le jugement du 28 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2020 du préfet du Rhône ordonnant sa remise aux autorités maltaises en vue de l'examen de sa demande d'asile.
2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. L'arrêté prononçant le transfert de M. B... aux autorités maltaises vise notamment le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, en particulier son article 18, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. B..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsqu'il s'est présenté en préfecture en vue de demander l'asile, précise que la consultation du système Eurodac a montré qu'il était connu notamment des autorités maltaises, auprès desquelles il avait sollicité l'asile, indique les dates et les numéros de ces identifications et fait état de l'accord explicite des autorités maltaises pour sa reprise en charge. L'arrêté du 11 mars 2020 comporte ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, M. B... ne pouvant utilement soutenir que le préfet du Rhône aurait dû répondre à des observations qu'il n'a formulées qu'à l'occasion de la notification de l'acte attaqué, lequel est, ainsi, suffisamment motivé. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à l'examen particulier de l'ensemble des éléments effectivement portés à sa connaissance avant l'édiction de la mesure en litige.
5. En deuxième lieu, selon le deuxième alinéa du 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ".
6. M. B... invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile à Malte. Toutefois, ses allégations de caractère général, reposant sur ses propres déclarations non étayées et deux articles ou extraits d'articles peu documentés d'organisations non gouvernementales, ne permettent pas de considérer que les autorités maltaises, qui ont donné leur accord à la demande de reprise en charge adressée par les autorités françaises, ne sont pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et que M. B... courrait à Malte un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en l'absence d'existence avérée de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision de transfert contestée ne méconnaît donc pas les dispositions précitées du 2 de l'article 3 du règlement (UE) du 26 juin 2013.
7. En dernier lieu, le premier paragraphe de l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que la demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride " est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable ". Le premier paragraphe de l'article 17 de ce règlement dispose que : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise enfin ne pas faire obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile.
8. M. B... n'apporte aucun élément probant de nature à établir que sa demande d'asile en cours d'examen à Malte n'y serait pas sérieusement traitée ou qu'il ne pourrait y bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à l'infection asymptomatique par le virus de l'hépatite B qui lui a été récemment diagnostiquée, laquelle ne nécessite aucun traitement médical particulier à l'exception d'une prise de sang annuelle. Par suite, en s'abstenant de faire usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 précité du règlement du 26 juin 2013, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. B... la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.
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N° 20LY03052