Par une requête enregistrée le 22 février 2019, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er février 2019 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.
Il soutient que le motif d'annulation du refus de titre de séjour retenu par le tribunal administratif est infondé.
Par un mémoire enregistré le 24 septembre 2019, M. B..., représenté par Me A..., avocate, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2018, et à la mise à la charge de l'Etat du paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé les décisions en litige.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 12 avril 2000, est entré en France selon ses déclarations le 2 mars 2017, alors qu'il était encore mineur, et a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance. Le 19 avril 2018, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 6 juillet 2018, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé un pays de destination. Le préfet relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix -huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. "
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à compter du jugement du 5 avril 2017 le confiant à l'aide sociale à l'enfance, M. B... a suivi des cours de français et de mathématiques dispensés par une association. En septembre 2017, il a intégré une classe de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) au lycée Ferdinand Buisson à Voiron. Il a obtenu un diplôme d'études en langue française niveau B1 le 23 juillet 2018, ainsi qu'un certificat de compétences. Il a également effectué deux stages en deux quinzaines dans le domaine de la logistique où il a donné satisfaction. En septembre 2018, il s'est inscrit à un enseignement de certificat d'aptitude professionnelle d'opérateur en logistique au lycée André Argouges à Grenoble. Toutefois, dans ces circonstances, si M. B... justifie du caractère réel et sérieux de son cursus scolaire, la formation qu'il suivait à la date de l'arrêté litigieux le 6 juillet 2018 ne pouvait être regardée, eu égard à son caractère et à son objet, comme une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle au sens de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte qu'à la date des décisions en litige, à laquelle s'apprécie leur légalité, il ne suivait pas depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Dès lors, il ne remplissait pas l'une des conditions requises pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans les circonstances de l'espèce, le refus d'un tel titre, que lui a opposé le préfet pour ce motif à titre principal, n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé. Dès lors, c'est à tort que pour annuler ce refus et, par voie de conséquence, les autres décisions en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
5. La décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et des éléments de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
6. La légalité d'une décision administrative s'apprécie compte tenu de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle elle est prise. Il ressort des pièces du dossier que le 6 juillet 2018, date de la décision qu'il conteste, M. B... ne justifiait pas d'une scolarisation dans une filière professionnelle. Le préfet n'a, par suite, commis aucune erreur de fait.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Ces stipulations ne sauraient, en tout état de cause, s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par un demandeur de titre de séjour, d'y établir sa résidence privée et de permettre son installation ou le regroupement de sa famille sur son territoire.
8. Compte tenu notamment de la durée du séjour en France et de l'âge de M. B..., qui n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, et nonobstant les engagements sportifs dont il fait état ou les considérations économiques des entreprises locales, eu égard aux buts poursuivis par l'auteur du refus de titre de séjour en litige, ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale garanti par ces stipulations non plus qu'il n'est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".
10. Le 6 juillet 2018, M. B..., ressortissant ivoirien, qui s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, se trouvait dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.
11. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, l'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé.
12. L'obligation de quitter le territoire, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et des éléments de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
13. Les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués plus haut dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
14. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé et de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
15. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Si M. B... allègue, sans autre précision, courir des risques en cas de retour dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination méconnaît ces stipulations.
16. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige.
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. B... au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er février 2019 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. B... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.
N° 19LY00741 2