Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 octobre 2020, Mme B..., représentée par la SCP DSC Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2020 du préfet de Saône-et-Loire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP DSC Avocats de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour procède d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de sa situation exceptionnelle ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français porte également une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'interdiction de retour, insuffisamment motivée, est entachée d'erreur de droit, en ce qu'elle n'a pas pris en compte la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sont illégales du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de la Saône-et-Loire, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme C..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante d'Arménie née le 28 octobre 1992, relève appel du jugement du 15 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de Saône-et-Loire du 16 janvier 2020 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français à destination de l'Arménie et interdiction de retour pendant une durée d'un an.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
3. En l'espèce, Mme B... ne démontre pas l'existence de considérations humanitaires tenant à un risque allégué de persécutions en Arménie du fait de ses origines et de ses croyances religieuses par la seule production d'une attestation émanant de la fédération des yézidis de France, par ailleurs muette sur la situation en Arménie. Les circonstances que Mme B... soit présente en France avec son concubin depuis plus de huit ans à la date de l'arrêté attaqué, qu'elle aurait entamé un apprentissage de la langue française, que les enfants du couple nés en 2011 et 2012 soient scolarisés et seraient inscrits à des activités sportives extrascolaires, que Mme B... participe à des actions de la banque alimentaire depuis 2018 et que son concubin se soit vu proposer en 2019 un projet de contrat à durée déterminée en qualité de saisonnier agricole ne présentent pas de caractère exceptionnel et sont en conséquence insuffisantes à caractériser l'erreur manifeste d'appréciation qui entacherait le refus d'admission exceptionnelle au séjour opposé par l'autorité préfectorale.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme B... et son concubin étaient présents depuis un peu plus de huit ans en France, où ils se sont toutefois maintenus en situation irrégulière en dépit de l'obligation qui leur avait été faite en juin 2013 de quitter le territoire français après le rejet de leur demande d'asile, alors qu'aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale et à la poursuite de la scolarité ainsi que des activités sportives des enfants en Arménie n'est démontré. Ils ne disposent par ailleurs d'aucune attache familiale en France et ne se prévalent pas d'autres attaches personnelles stables et intenses sur le territoire. Si Mme B... allègue également avoir entamé l'apprentissage de la langue française et se prévaut de son engagement auprès de la banque alimentaire ainsi que d'un projet de contrat de travail proposé à son concubin en 2019, elle ne justifie pas, par ces seules circonstances, d'une intégration particulière en France. Par suite, le refus de séjour et la mesure d'éloignement en litige n'ont pas porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les dispositions et stipulations précitées.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir et sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale, dans toutes les décisions les concernant, à l'intérêt supérieur des enfants.
7. La circonstance que les enfants de Mme B... soient nés en France en septembre 2011 et octobre 2012 et qu'ils y soient scolarisés ne fait pas obstacle à ce qu'ils suivent leurs parents en Arménie et y poursuivent normalement leur scolarité, alors que la requérante n'établit nullement la réalité des risques qu'elle allègue encourir en cas de retour. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants, protégé par les stipulations précitées.
8. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ". Le huitième alinéa prévoit que : " La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
9. Mme B... reprend en appel ses moyens de première instance dirigés contre l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, tirés de l'insuffisance de motivation, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
10. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire entraînerait par voie de conséquence l'illégalité des décisions lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays à destination duquel elle sera reconduite d'office et prononçant une interdiction de retour.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de Mme B... la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2021, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 mai 2021.
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N° 20LY03019