Par une requête enregistrée le 14 mai 2020, M. G... et Mme D..., épouse G..., représentés par Me E..., avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1904904-1904908 du 17 mars 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de leur délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de séjour pour illégalité externe, d'enjoindre au préfet de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour comportant un droit de travail dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt jusqu'à ce qu'il ait été statué à nouveau sur leur demande, et d'examiner à nouveau leur situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) en cas d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de leur délivrer une assignation à résidence ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à leur profit, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'appel est recevable ;
- les refus de titre de séjour sont entachés d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de leurs demandes ;
- ils résident en France avec leurs deux enfants depuis 2012 ; les refus de titre de séjour méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ces décisions sont également entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les refus de séjour méconnaissent la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par les ressortissants étrangers en situation irrégulière ;
- ces décisions méconnaissent les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- ils n'ont pas sollicité d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de salarié, mais seulement au titre de la vie privée et familiale ; ainsi le préfet en leur opposant seulement une absence de contrat visé par la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et le défaut de visa de long séjour, a entaché ses décisions d'erreur de droit ;
- ils justifient de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et les refus du préfet sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les obligations de quitter le territoire français sont illégales, du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;
- elles méconnaissent l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions fixant le pays de renvoi sont illégales du fait de l'illégalité des autres décisions ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;
- les observations de Me E..., , représentant M. et Mme G... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. G... et son épouse, ressortissants bosniens, nés respectivement le 10 janvier 1972 et le 14 septembre 1975, ont déclaré être entrés en France le 6 novembre 2012, accompagnés de leurs enfants. Le 16 janvier 2013, leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Ces refus ont été confirmés le 24 juillet 2013, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 6 mai 2013, ils ont fait l'objet de décisions de refus de séjour. Le 24 juillet 2014, ils ont fait à nouveau l'objet de refus de titre de séjour qui ont été assortis d'obligations de quitter le territoire français. Ces décisions ont été confirmées par le tribunal administratif de Lyon, le 27 janvier 2015 et par la cour, les 27 septembre et 3 novembre 2016. Les 19 et 20 décembre 2017, M. et Mme G... ont sollicité la délivrance de titres de séjour. Par décisions du 21 mai 2019, le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme G... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, les décisions en litige mentionnent les circonstances de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent et il ressort des termes de celles-ci que le préfet a procédé à un examen particulier et complet de la situation de M. et Mme G.... Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen de la situation des intéressés doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
5. M. et Mme G... font valoir qu'ils vivent depuis plus de six ans en France, qu'ils justifient d'une insertion professionnelle, que leur fils a suivi une scolarité en France qui lui a permis d'obtenir un CAP de coiffure et un CAP d'opérateur logistique et que leur fille est toujours scolarisée en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que leur fils ne justifie pas qu'il aurait un droit au séjour en France et ils n'établissent pas qu'ils ne pourraient reconstituer leur cellule familiale dans leur pays d'origine. Dès lors, et compte tenu des conditions du séjour en France des intéressés rappelées ci-dessus, les décisions contestées par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour ne portent pas, eu égard aux buts qu'elles poursuivent, une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, alors même que leur fille qui a fêté ses 18 ans, le 21 mai 2019, date des décisions en litige pouvait prétendre à la délivrance, de plein droit, d'un titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Les refus de titre de séjour en litige ne méconnaissent dès lors pas les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En troisième lieu, pour les mêmes motifs, les refus de titre de séjour qui ont été opposés à M. et Mme G... ne sont pas plus entachés d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'ils sont susceptibles de comporter pour leurs situations personnelles.
7. En quatrième lieu, les appelants ne sauraient utilement se prévaloir des termes, dépourvus de caractère impératif, de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur.
8. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Les requérants ne peuvent se prévaloir des stipulations précitées dès que leurs enfants n'étaient plus mineurs à la date de signature des décisions litigieuses. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 3112. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. ".
11. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des termes des décisions de refus de titre de séjour que le préfet du Rhône aurait illégalement opposé l'absence de visa de long de séjour et de contrat visé à leurs demandes présentées sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que cette absence a été opposée à l'examen d'un droit au séjour des intéressés sur le fondement de l'article L. 313-10 dudit code, auquel le préfet était en droit de procéder, même en l'absence de demande en ce sens.
12. En dernier lieu, si les requérants se prévalent de la durée de leur présence en France, de leur intégration professionnelle en France ainsi que de la scolarité de leurs enfants, ces éléments ne sauraient constituer des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires de nature à justifier une admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige auraient méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leurs situations personnelles.
Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. et Mme G... ne sont pas fondés à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour.
14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés concernant les refus de titre de séjour, les obligations faites à M. et Mme G... de quitter le territoire français ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, ni les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles ne sont pas d'avantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
15. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas à M. et Mme G... à titre exceptionnel un délai de départ supérieur à trente jours.
16. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés concernant les refus de titre de séjour, les décisions fixant le délai de départ volontaire ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
17. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. et Mme G... ne peuvent pas se prévaloir de l'illégalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés et des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de renvoi.
18. En second lieu, les requérants ne produisent pas plus en appel qu'en première instance d'élément permettant d'établir la réalité de risques encourus en cas de retour dans leur pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
19. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., à Mme B... D..., épouse G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme H..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
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N° 20LY01446