Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2020, M. A... B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et C... avocats associés, agissant par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1908624 du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions attaquées ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté ne comporte aucune motivation concernant l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation et une erreur de droit ;
- le préfet de la Drôme a commis une erreur d'appréciation en se fondant sur le 7° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a fait l'objet d'aucun condamnation pénale et que les seuls faits reprochés sont un excès de vitesse, une conduite sans permis et la détention de faux documents administratifs ;
- l'arrêté méconnait son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside habituellement en France depuis cinq ans avec son épouse et leurs enfants et justifie d'une insertion professionnelle ;
- l'arrêté méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que ses enfants sont nés en France et y sont scolarisés ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnait le 3° du II de l'article L. 511-1 en l'absence de risque de soustraction à la mesure d'éloignement alors qu'il dispose d'un passeport et que son domicile est connu des services de la préfecture ;
- cette décision méconnait également l'article 3-1 de la convention précitée ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
Par un mémoire, enregistré le 1er octobre 2020, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 7 novembre 2019, le préfet de la Drôme a obligé M. A... B..., né le 21 avril 1983 en Algérie, à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination. Par un jugement du 23 juin 2020, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les textes applicables, et notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les principaux faits, dont l'interpellation de l'intéressé le 6 novembre 2019 et la commission d'infractions pénales, qui en constitue le fondement. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet n'avait ni à viser la convention internationale des droits de l'enfant, ni à procéder à une appréciation particulière de l'intérêt supérieur de ses enfants, alors qu'il a bien pris en compte sa situation familiale en estimant que sa décision ne contrevenait pas aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés d'une insuffisance de motivation, d'une absence d'examen particulier de sa situation ou d'une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été interpellé par la gendarmerie nationale pour excès de vitesse d'au moins 30 Km/h et a fait l'objet de poursuites pénales pour usage d'un faux permis de conduire espagnol et d'une fausse carte d'identité également espagnole et pour conduite sans permis. Si le requérant fait valoir que les faits qui lui sont reprochés ne caractérisent pas une menace pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a également fait l'objet d'une décision du préfet de l'Yonne du 14 février 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. Dès lors, et en tout état de cause, le préfet de la Drôme aurait pu se fonder sur cet autre motif pour prendre la décision querellée. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation en décidant de l'obliger de quitter sans délai le territoire français.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. M. B... déclare être entré en France le 14 octobre 2014 et y résider habituellement avec son épouse, également de nationalité algérienne, et leurs trois enfants dont deux sont nés en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son épouse a également fait l'objet d'un arrêté du préfet de l'Yonne du 14 février 2017 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Dès lors, rien n'empêche à ce que la famille se reconstitue dans le pays dont tous les membres ont la nationalité. Si le requérant fait valoir qu'il entend s'insérer professionnellement, il a également fait l'objet d'un arrêté du préfet du Rhône du 27 février 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et il ressort du point 3 qu'il a détenu et fait usage de faux documents. Il n'établit pas être dénué d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, l'arrêté litigieux n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au regard des objectifs poursuivis. Dès lors que la décision querellée n'a ni pour objet, ni pour effet, de séparer les trois enfants de leurs parents qu'ils ont vocation à accompagner en Algérie en cas d'exécution de la mesure d'éloignement, cette décision n'a pas porté atteinte à leur intérêt supérieur au sens de l'article 3-1 de la convention susvisée.
6. En quatrième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document (...). " Si le requérant fait valoir qu'il possède un passeport valide et que l'adresse de son domicile est connue des services de la préfecture, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas déféré à la décision portant obligation de quitter le territoire français selon arrêté du préfet de l'Yonne du 14 février 2017 et à celle contenue dans l'arrêté du préfet du Rhône du 27 février 2018. En outre, il ressort du procès-verbal d'audition en garde à vue du 6 novembre 2019 que le requérant a fait usage d'une fausse carte d'identité espagnole pour travailler en France. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation en décidant de ne lui accorder aucun délai de départ volontaire.
7. En cinquième lieu, il découle du point 5 que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaitrait l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. En dernier lieu, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale, le requérant ne peut utilement exciper de son illégalité pour demander l'annulation par voie de conséquence des décisions portant refus d'accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dès lors, les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente à fin d'injonction et d'astreinte et celles formulées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
N° 20LY01834 2