Par une requête enregistrée le 24 mars 2020, M. E..., représenté par Me G..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance n° 1903023 du 28 février 2020 du président du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;
3°) d'enjoindre au Préfet de la Côte d'Or de faire droit à sa demande de regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que sa demande a été rejetée comme tardive dès lors que sa demande d'aide juridictionnelle a interrompu le délai de recours contentieux, qu'il a bénéficié d'une décision d'aide juridictionnelle totale le 27 août 2019 et que sa demande d'annulation a été enregistrée au greffe du tribunal administratif, le 25 octobre 2019, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation particulière ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 3 septembre 2020, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'intéressé a transmis tardivement au tribunal la décision lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
- la décision en litige est suffisamment motivée et sa situation particulière a été examinée ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme B..., présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 29 avril 2019, le préfet de la Côte-d'Or a refusé d'accorder à M. E..., ressortissant marocain, le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse Mme A... D.... M. E... relève appel de l'ordonnance du 28 février 2020 par laquelle le président du tribunal administratif de Dijon a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".
3. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, (...) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) ".
4. Aux termes de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les décisions du bureau d'aide juridictionnelle, de la section du bureau ou de leur premier président peuvent être déférées, selon le cas, au président de la cour d'appel ou de la Cour de cassation, au président de la cour administrative d'appel, au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, au président du Tribunal des conflits, au président de la Cour nationale du droit d'asile ou au membre de la juridiction qu'ils ont délégué. Ces autorités statuent sans recours. / Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré. / Dans tous les cas, ces recours peuvent être exercés par les autorités suivantes : - le garde des sceaux, ministre de la justice, pour ceux qui sont intentés contre les décisions du bureau institué près le Conseil d'Etat ; - le ministère public pour ceux qui sont intentés contre les décisions des autres bureaux ; - le président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour ceux qui sont intentés contre les décisions des bureaux institués près ces juridictions et le bâtonnier pour ceux qui sont intentés contre les décisions des autres bureaux. "
5. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'en vue de contester, devant le tribunal administratif de Dijon, la décision du 29 avril 2019 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or lui a refusé le regroupement familial en faveur de son épouse, M. E... a sollicité, le 7 juin 2019, soit dans le délai du recours contentieux, le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Cette demande a prorogé le délai du recours contentieux. Le bénéfice de cette aide lui a été accordé par une décision du 27 août 2019. Ainsi, le délai de recours n'était pas expiré le 25 octobre 2019, date à laquelle il a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande, enregistrée sous le n° 1903023 tendant à l'annulation de cette décision. Dès lors, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
7. Il y a lieu de renvoyer M. E... devant le tribunal administratif de Dijon pour qu'il soit statué sur sa requête.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me G..., conseil de M. E..., au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 28 février 2020 du président du tribunal administratif de Dijon est annulée.
Article 2 : M. E... est renvoyé devant le tribunal administratif de Dijon pour qu'il soit statué sur sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2019 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse.
Article 3 : L'Etat versera à Me G..., conseil de M. E..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., au ministre de l'intérieur et à Me G....
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme B..., présidente,
Mme F..., première conseillère,
Mme I..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
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N° 20LY01187