Par requête enregistrée le 22 février 2021, Mme A..., représentée par Me Dachary, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 février 2020 susvisé ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen ;
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, à défaut de preuve de la collégialité de la délibération ;
- le préfet n'apporte pas la preuve du caractère authentique de la signature électronique de chacun des médecins du collège ;
- le préfet ne justifie pas des éléments ayant permis au collège de médecins d'apprécier la disponibilité du traitement approprié au Monténégro ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A... a été rejetée par décision du 20 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;
- les observations de Me Dachary pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 14 janvier 1961, de nationalité monténégrine, déclare être entrée pour la première fois sur le territoire français le 7 avril 2002. Par arrêté du 6 février 2020, le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour formulée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, Mme A... réitère en appel le moyen tiré du défaut d'examen sans utilement critiquer les motifs par lesquels le tribunal l'a écarté. Il y a lieu pour la Cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. "
4. Si Mme A... fait valoir que la décision de refus de titre est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas démontré que les médecins composant le collège visé à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 se soient effectivement réunis et aient rendu leur avis le 19 juin 2019 de manière collégiale, il ressort des pièces produites au dossier que cet avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration concernant l'état de santé de l'intéressée est signé par les trois médecins qui composent ce collège qui indique expressément qu'il a été émis, " après en avoir délibéré ". Aucun élément figurant au dossier n'est de nature à remettre en cause le caractère collégial de cette délibération. La seule circonstance que les médecins composant le collège exercent leur activité dans des villes différentes ne suffit pas à établir qu'ils n'auraient pas délibéré de façon collégiale, au besoin au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle comme le prévoient les dispositions du quatrième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie tenant au débat collégial du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
5. Aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ".
6. L'avis du 19 juin 2019, émis en application des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'ordonnance du 8 décembre 2005 dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées et du I de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 doit être écarté.
7. En outre, si Mme A... soutient que le préfet ne lui a pas communiqué les éléments ayant permis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de considérer que le traitement auquel elle est soumise est disponible au Monténégro, aucune disposition, en particulier du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016, ne prévoit une telle communication.
8. En troisième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
9. En l'espèce, il résulte de l'avis rendu le 19 juin 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, l'intéressée pourra effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Afin de contredire les termes de cet avis, Mme A... indique souffrir de gonarthrose bilatérale, d'un diabète de type 2 et d'hypertension et suivre un traitement médicamenteux à vie. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que le traitement suivi ne serait pas disponible dans son pays d'origine ni qu'elle ne pourrait y bénéficier d'un suivi médical approprié à son état de santé. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en s'appropriant le contenu de cet avis pour rejeter la demande de titre de séjour sollicité, le préfet aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
11. Si Mme A... se prévaut de sa présence en France depuis 2002 ainsi que de celle de ses six enfants, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que son époux a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en 2019 qu'il n'a pas exécuté puisque Mme A... indique qu'il réside toujours en France et que ses six enfants, majeurs, si elle indique également qu'ils résident en France, n'y disposent d'aucun titre de séjour. En outre, l'appelante ne justifie pas d'une présence continue en France depuis 2002 ni d'aucune intégration socioprofessionnelle. Elle conserve en revanche dans son pays d'origine ses trois frères et ses deux sœurs. Il s'en suit que, par la décision de refus de séjour contestée, le préfet du Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale en méconnaissance des stipulations susmentionnées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni n'a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. En cinquième lieu, compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant refus de séjour opposée à Mme A..., celle-ci n'est pas fondée à se prévaloir, par exception, de l'illégalité de celle-ci à l'appui de sa contestation de la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée par le préfet du Rhône.
13. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la mesure d'éloignement édictée le 6 février 2020 doivent être écartés.
14. En septième lieu, compte tenu de la légalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire prises à l'encontre de Mme A..., l'intéressée n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
15. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à nouveau soulevé en appel par Mme A..., doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 19 de son jugement.
16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Les conclusions qu'elle présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2021.
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N° 21LY00578
lc